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s'ils ne veulent. Aussi est-il croyable que les services accoutumés d'être faits le matin les en garderaient. Mais qu'il y en ait un autre après diner, lequel je voudrais être fait non par religieux mais par séculiers, comme aussi les canons anciens défendant la prédication aux gens de religion, afin que tous pussent y venir sans scrupule, et qu'il soit défendu à celui [là] de rien disputer ou proposer, ni pour ni contre, qui soit des points qui sont en controverse, lesquels on baillera par articles. Mais que le prêcheur enseigne purement l'Évangile et le déclare, et fasse ce qui est le principal de son devoir : c'est de porter à suivre les [149 vo] commandements de Dieu, et réprimer les vices. S'il vient sur les lieux qui sont employés de l'une et l'autre part, qu'il ne fasse sans plus qu'interprêter le texte et le traduire en français; et si on trouve malaisé qu'il puisse tenir ce moyen, qu'on considère combien est grand et beau le sujet de la prédication, encore qu'il n'entre aux disputes, si on s'emploie à enseigner les commandements de Dieu, ramentevoir la grandeur de ses bénéfices, représenter la rigueur de son ire contre les mauvais, inciter à obéissance et humilier et retirer les cœurs de la corruption du vice. Bref qu'on prenne garde si les bons et saints pères ont eu faute de matière en leurs homélies, pleines d'une sainte pureté et d'une incroyable élégance, et toutefois ils étaient morts mille ans devant que toutes les questions qui sont aujourd'hui fussent mises en avant. Il faudrait ordonner peine contre ceux qui contreviendront à cet article, et, à l'entretien de cela, que non seulement les prélats, mais aussi la justice tint la main.

Quant à la prière, il ne saurait être que fort bien, qu'au sermon d'après diner, le prêcheur fit une solennelle prière en français, telle quelle, à lui prescrite par quelques modestes théologiens, comme il serait bien aisé de la faire, bonne et sainte, et telle qu'aucun ne s'en saurait plaindre; et à ces prières, celui qui tiendra le lieu du privė, comme écrit saint Paul aux Corinthiens, répondra amen; voire tous les privés, c'est-à-dire tout le peuple, comme dit Justin, martyr, en sa seconde apologie pour les Chrétiens.

[150] Reste l'administration des sacrements.

Quant au baptême, nous sommes tous d'accord que l'eau seule y est nécessaire et la façon solennelle que Dieu même ordonne de sa bouche, au dernier de saint Mathieu, baptiste au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit; voire que l'Église a toujours tenu les Arméniens pour hérétiques, à cause de ce qu'ils estimaient que le baptême n'était pas bon sans chrême. Or je pense qu'en ce sacrement, il ne faut rien changer de ce qui est accoutumé en l'Église, pour deux raisons l'une, de tant qu'en ce sacrement qui est l'entrée au royaume de Dieu, auquel nous faisons profession de notre foi et du nom de chrétiens, on ne peut rien inventer sans impiété, car tout est selon la primitive église; de quoi nous ne pouvons, puisque Denis, soit-il l'Areopagite, soit-il l'évêque de Corinthe, fait expresse mention de l'insuflation et exorcisme et Tertullien au livre du baptême, et saint Cyprien du chrême, au premier

livre, en l'épitre XII, et saint Augustin en plusieurs lieux. Aussi je vois que Luther s'est pas fort soucié de ce qui se fait en l'Église, quant au sacrement, et Calvin même, et ceux qui le suivent, condamnent les Anabaptistes qui se font rebaptiser, comme les catholiques anciennement rebaptisaient ceux qui avaient été lavés par les Paulianistes et Cataphryges, ainsi qu'il est ordonné au concile de Nicée.

Et bien trouverai-je fort bon d'ajouter une chose qui serait grandement profitable pour l'édification et commode pour contenter ceux qui se sont séparés : c'est qu'après la solennité [150 v°] accoutumée au baptême, celui qui baptiserait fit, en français, une explication des promesses de Dieu, en ce sacrement, et déclaration de ce qu'il signifie, et la grâce qui y est conférée. Et serait bon que cette exhortation fut composée par quelque savant théologien, et amateur de la concorde, qui put servir à tous pour cet usage, afin de la lire en langage intelligable.

Le second sacrement que l'Église met en ce compte est la confirmation, qui consiste en deux choses et l'imposition des mains pour confirmer, et l'onction. Quant à l'imposition des mains, on ne peut craindre en cela aucun mécontentement de personne. Car si on commence à la faire non par manière d'acquit seulement, comme la plupart des choses se font, mais pour en tirer fruit, qui pourrait nier que ce ne fut une sainte institution? Et si on revenait à la première ordonnance, qu'on interrogeât ceux qui ont commencé d'entrer en l'âge de connaissance des articles de notre foi, et qu'avec imposition de mains l'évêque priât sur eux, à ce qu'ils reçussent le Saint-Esprit, il ne se pourrait nier que ce ne fut selon la coutume des Apôtres, comme il se voit au VIII des Actes, et Calvin même proteste de ne s'en offenser. Quant au surplus de la chrême, à raison de ce on ne peut craindre qu'aucun craigne d'être en notre église, car on sait bien que de tout temps. jamais la centième partie en la plupart des lieux n'ont reçu cette onction. Pour le regard de la communion, où semble être plus grande difficulté, si on veut entendre sans contestation à la régler, je crois, si cela était fait, que peu de gens feraient difficulté de la recevoir en notre église. Premièrement, pour le regard de la communication du calice. [151] aux laïcs, je ne vois pas pourquoi on y doive tant résister et s'opiniâtrer si fort, voyant les troubles avoir passé si avant. Aucun ne nie que l'Église ne puisse accorder la communication sous les deux espèces, de sorte que le pape Paul l'accorda aux Allemands. En outre, on sait bien qu'aucunement les laïcs communiqueront aussi, dont saint Cyprien fait expresse mention, et Justin, et infinis autres. Puisque donc que l'Église peut octroyer le calice aux laïcs, et l'ôter, pourquoi n'aime cela mieux employer à sa puissance à le bailler qu'à le refuser, puisque à le bailler il y a espérance de paix, et à le refuser grand trouble?

Aussi puisque la figure de Jésus-Christ importe au sacrement, n'en faisons point d'instance et ne combattons point contre les délicats pour chose qui n'est pas de conséquence.

Quand on baillera à communier, qu'on die à la table, en français, l'institution de la Cène, prise d'un des Évangiles; car puisque la consécration est faite devant, cela servira pour inciter la foi des communiants, en quoi il n'y peut avoir aucun danger d'immutation de doctrine, mais plutôt édification et encore moyen d'accord.

Qu'avant la Cène, il se fasse un sermon de la dignité du sacrement, de la preuve que chacun doit faire de soi-mème de la grande bénignité de Dieu, de la foi, de la contrition que chacun doit apporter à cette table; mais que ce soit sans aucunement entrer en dispute sur les opinions ni de Luther ni de Zwingle [151 v°] et à la façon des sermons qui se doivent faire les fêtes après diner.

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GEORGE SAND ET LE PRINCE DE TALLEYRAND

ÉPISODE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE

On lit dans la Chronique de la duchesse de Dino', devenue duchesse de Talleyrand et de Sagan à la date du 28 septembre 1834 Valençay (c'était, on le sait, le château où elle résidait avec le prince de Talleyrand, son oncle par alliance) :

En rentrant hier de la promenade, nous avons trouvé le château rempli de visiteurs, hommes et femmes, venus en poste et visitant toutes choses en curieux. Le régisseur nous a dit que c'était Mme Dudevant avec Alfred de Musset et leur compagnie. A ce nom de Dudevant, les Entraigues ont fait des exclamations auxquelles je n'entendais rien et qu'ils m'ont expliquées : c'est que Me Dudevant n'est autre que l'auteur d'Indiana, Valentine, Leone Leoni, George Sand enfin!... Elle habite le Berry, quand elle ne court pas le monde, ce qui lui arrive souvent. Elle a un château près de la Châtre où son mari habite toute l'année et fait de l'agriculture. C'est lui qui élève les enfants qu'il a de cette virtuose. Elle-même est la fille d'une fille naturelle du maréchal de Saxe: elle est souvent vêtue en homme, mais elle ne l'était pas hier.... J'ai voulu être polie pour des voisins, j'ai moi-même ouvert, montré, expliqué mon appartement et je les ai reconduits jusqu'au grand salon, où l'héroïne de la troupe s'est vue obligée, à propos de mon portrait par Prud'hon de me faire force compliments...

Celui que la duchesse trace de sa visiteuse n'est pas bien flatteur; « Elle est petite, brune, d'un extérieur insignifiant, entre trente et quarante ans, d'assez beaux yeux. Une coiffure prétentieuse et ce qu'on appelle en style de théâtre, classique. Elle a un ton sec, tranché, un jugement absolu sur les arts, auquel le buste de Napoléon et le Paris de Canova, le buste d'Alexandre par Thorwaldsen, et une copie de Raphaël par Annibal Carrache (que la belle dame a prise pour un original) ont fort prêté. Son langage est

1. Publiée en 1909 par la princesse de Radziwill (née Castellane). Cette chronique s'étend de 1831 à 1862.

2. Ces mêmes yeux dont Musset disait dans ses derniers vers:

Oto-moi, Mémoire importune,

Ote-moi ces yeux que je vois toujours!

recherché. A tout prendre, peu de grâces: le reste de sa compagnie d'un commun achevé, de tournure au moins, car aucun n'a dit un mot. »

Alfred de Musset était-il vraiment dans cette compagnie de tournure commune et muette? J'en doute fort. Elle et lui se trouvaient en ce moment au plus aigu de leur crise sentimentale, survenue au cours du voyage de Venise et suivie de tant de réconciliations et de brouilles nouvelles. A lire le récit de cette crise, fait avec beaucoup de précision par Arvède Barine dans son Musset de la collection des Grands Ecrivains, il semble que le poète fùt en septembre 1834 parti pour Strasbourg et Bade, et elle réfugiée à Nohant, d'où elle écrivait à ses amis des lettres désespérées. Elle-même d'ailleurs a dans l'Histoire de ma vie fait allusion à cette excursion à Valençay avec plusieurs de ses amis Berrichons, et ne dit pas un mot de la présence de Musset parmi eux. Elle n'avait aucune raison de ne pas le mentionner s'il eût pris part à la visite.

Quoi qu'il en soit, très peu de jours après cette promenade, parut le 15 octobre 1834 dans la Revue des Deux Mondes un article intitulé le Prince', signé George Sand, et qui n'était autre qu'un portrait extrêmement sévère et, comme l'a dit Sainte-Beuve, « d'un parfait idéal de laideur » du possesseur du château, le prince de Talleyrand. Il était encore en titre ambassadeur de France à Londres, malgré son grand age (quatre-vingts ans), et ne devait donner sa démission que quelques semaines plus tard. Ni le chàteau ni son propriétaire n'étaient nominativement désignés dans le récit de la Revue, mais étaient faciles à reconnaître le morceau contenait de plus des allusions plutôt désobligeantes et également transparentes à la duchesse de D....

:

L'article se présentait sous forme d'un dialogue entre l'auteur et un ami. Quel était cet ami? Ce n'était pas Musset, malgré l'indication fautive de la duchesse qui aurait pu le faire croire. George Sand a plus tard indiqué, dans l'Histoire de ma vie, son véritable interlocuteur c'était Rollinat, un de ses camarades du Berry, auquel, sous le nom de Pylade, elle a consacré bien des pages pleines d'affection et d'admiration et à qui sont adressées plusieurs des épitres qui figurent dans les Lettres d'un Voyageur. « Au retour de Valençay, dit-elle, j'écrivis sous l'émotion d'une vive causerie avec Rollinat, un petit article intitulé le Prince qui fàcha beaucoup, m'a-t-on dit, M' de Talleyrand... » On verra plus loin

1. Plus tard reproduit dans les Lettres d'un Voyageur.

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