MÉNALQUE. Veux-tu pour le vainqueur qu'un prix soit proposé. DAPHNI S. J'y consens; qu'à l'instant ce prix soit déposé. MÉNALQUE. Mais que gagerons-nous? DAPHNIS. L'offre pourra te plaire. Gage un de ces agneaux aussi gras que leur mere : MÉNALQUE. Je n'oserais, Daphnis, hasarder un agneau ; Ma mere est surveillante; et, chaque soir, mon pere Vient compter les troupeaux avec un soin sévere. DAPHNIS. Le vainqueur doit pourtant...... MÉNALQUE. Eh bien ! je vais gager Ma flûte à neuf tuyaux, faite d'un bois léger : Je risque un chalumeau que mes mains ont su faire ; Mais je n'engage pas les agneaux de mon pere. DAPHNI S. J'ai construit l'autre jour un pareil chalumeau; Appelons, si tu veux, ce berger que tu vois, Ils commencent ainsi leurs chansons pastorales. MÉNALQUE. Vallons sacrés, et vous, fleuves, enfants des dieux, Veillez sur mes troupeaux, daignez les protéger; DAPHNIS. Beaux herbages, fontaine, et vous, antiques bois, Prenez soin d'engraisser mes taureaux vigoureux; MÉNALQUE. Quand tu parais, Milon, partout en même temps Se gonfle d'un lait pur qui ruisselle à longs traits: DAPHNI S. Lucile, quand tu viens, les ormeaux jusqu'aux cieux Elevent tout-à-coup leur front audacieux; D'un miel exquis la ruche est pleine; La brebis plus féconde allaite deux jumeaux: MÉNALQUE. Brebis, quittez ce bois, et gagnez le vallon; Mais, mon bélier, dis-lui que ce fameux devin, DAPHNI S. La vitesse des vents n'excite point mes voeux; Ce n'est point l'or des rois, ni leurs biens que je veux : Te chantant mon amour, dans mes bras te presser; MÉNALQUE. L'orage nuit aux fleurs, le filet aux oiseaux; Mais plus brûlant, plus inflexible, L'Amour porte un flambeau dont l'homme est consumé. C'est ainsi que tous deux chantaient de simples airs. Epargne, loup cruel, mes chevreaux et leurs meres; Il se tut; et Daphnis reprit d'un ton léger: L'autre jour je guidais mes taureaux dans la plaine; Que j'aime des taureaux le long mugissement! Qh! comme au bruit d'une fontaine, Dans les bras du sommeil on tombe mollement ! Le feuillage est l'honneur du hêtre; Ainsi de la brebis l'agneau fait l'ornement, C'est ainsi qu'ils chantaient. LE JUGE. VIRGILE, Écl. 7, V. I. Dieux que j'aime ta voix, Daphnis ! le prix t'est dû ; voici les deux hautbois; Ma chevre est le doux prix de tes doctes chansons, A ces mots, de plaisir on eût vu le berger, Frappant des mains, bondir comme un chevreau léger. Telle souvent on voit, le soir de l'hyménée, Une vierge timide en vain verser des pleurs. Daphnis, fameux dès lors entre tous les pasteurs, (Page 174, v. I, etc.) Tout le commencement de l'éclogue est plein de cet abandon, de cette facilité naturelle dont La Fontaine et Voltaire nous offrent quelques modeles. Cette simplicité contraste avec l'art et le travail qu'on aperçoit dans les couplets des deux bergers. Fortè sub argutâ consederat ilice Daphnis ; Compulerantque greges Corydon et Thyrsis in unum, Ambo florentes ætatibus, Arcades ambo; Δαμοίτας καὶ Δάφνις ὁ βωκόλος εἰς ἕνα χώρον (1) Sur le bord d'un ruisseau, Dametas et Daphnis Αμφω τώγ' ήταν πυῤῥοτρίχω, ἄμφω ἀνάβω. (2) Tous deux blonds et tous deux à la fleur de leur âge (Page 174, vers 12.) Hic viridis tenerâ prætexit arundine ripas Entends-tu comme ici d'un doux bourdonnement Je dirais, s'il était permis de reprendre quelque chose à ces deux beaux vers de Virgile, que ce poëte a mis ici trop de précision, et que la transition ne me semble pas assez marquée. (1) Damætas et Daphnis, Arate, bubulcus in unum H-S. H-S. THEOCRITE, THEOCRITE, |