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son activité, les affaires politiques sont de plus en plus discutées dans les cafés et les salons; l'impulsion était donnée. Les plus grands écrivains vont contribuer à l'élaboration des doctrines politiques du XVIIIe siècle.

Bibliographie. Henri SEE, Les idées politiques de Fénelon (Revue d'histoire moderne et contemporaine, an. 1900); G. Gidel, La politique de Fénelon, 1907, in-18; H. SÉE, Les idées politiques du duc de Saint-Simon (Revue historique, 1900); BOULAINVILLIERS, Lettres historiques sur les États Généraux et sur les anciens Parlements de France, 1727, État de la France, 1727, 3 vol. in-fol. et Essais sur la noblesse de France, 1732; DelVOLVÉ, Essai sur Pierre Bayle, thèse de lettres, 1906; FRANCKPUAUX, Les précurseurs français de la tolérance, 1881; Leslie STEPHEN, History of english thought in the eighteenth century, 2 vol. in-8, 1881; Ch. BORGEAUD, Premiers programmes de la démocratie moderne en Angleterre (Annales de l'Ecole des Sciences politiques, 1890); Gooch, History of english democracy in the XVII century, 1898; J. CHURTON COLLINS, Voltaire, Montesquieu et Rousseau en Angleterre, trad. P. Deseille, 1911; J. TEXTE, J.-J. Rousseau et les origines du cosmopolitisme littéraire au XVIIIe siècle, thèse de lettres, 1895, in-8; G. LANSON, L'éveil de la conscience sociale et les premières idées de réformes politiques (1690-1720) (Revue du Mois, avril 1910).

LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XVIII® SIÈCLE

L'ÉCOLE LIBÉRALE

C'est pendant la première moitié du xvir siècle que les idées anglaises exerceront en France la plus grande influence. C'est le moment où s'épanouit la réaction contre la doctrine absolutiste et contre le despotisme gouvernemental. Les écrivains de cette période s'accordent à chercher des garanties contre le pouvoir arbitraire, à vouloir l'émancipation de la personne humaine. S'ils ne conçoivent pas tous de la même façon l'organisation politique, tous se distinguent par leurs tendances libérales, et aussi par le prix qu'ils attachent à l'expérience de l'histoire.

I

MONTESQUIEU

Montesquieu est l'un des représentants les plus remarquables de cette génération. Il convient de ́ remarquer tout d'abord que beaucoup de ses idées et de ses conceptions domineront la pensée française au XVIIIe siècle. Essayons de déterminer les plus importantes.

LA HAINE DU DESPOTISME

C'est d'abord la haine du despotisme, qui s'exprime fortement déjà dans les Lettres Persanes, où il montre que le despotisme est incapable de maintenir l'ordre, que les contrées où il domine sont exposées à des révolutions bien plus terribles que les pays libres1:

« Je ne vois pas que la police, la justice et l'équité soient mieux observées en Turquie, en Perse, chez le Mogol, que dans les républiques de Hollande, de Venise, et dans l'Angleterre même; je ne vois pas

1. Lettres Persanes, no LXXXI.

qu'on y commette moins de crimes, et que les hommes, intimidés par la grandeur des châtiments, y soient plus soumis aux lois.

« Je remarque au contraire une source d'injustice et de vexations au milieu de ces mêmes États.

« Je trouve même le prince, qui est la loi même, moins maître que partout ailleurs.

<< Je vois que, dans ces moments rigoureux, il y a toujours des mouvements tumultueux, où personne n'est le chef, et que, quand une fois l'autorité violente est méprisée, il n'en reste plus assez à personne pour la faire revenir;

« Que le désespoir même de l'impunité confirme le désordre et le rend plus grand;

«Que, dans ces États, il ne se forme point de petite révolte et qu'il n'y a jamais d'intervalle entre le murmure et la sédition ;

« Qu'il ne faut point que les grands événements y soient préparés par de grandes causes ; au contraire, le moindre accident y produit une grande révolution, souvent aussi imprévue de ceux qui la font que de ceux qui la souffrent. »

LES IDÉES RELIGIEUSES

Il faut aussi se rendre compte des idées religieuses de Montesquieu. Il raille les disputes théologiques

qui ont suscité tant de guerres civiles; il en fait bon marché et incline vers la religion naturelle1:

« Le premier objet d'un homme religieux ne doitil pas être de plaire à la divinité qui a établi la religion qu'il professe? Mais le moyen le plus sûr pour y parvenir est sans doute d'observer les règles de la société et les devoirs de l'humanité. Car, en quelque religion qu'on vive, dès qu'on en suppose une, il faut bien que l'on suppose aussi que Dieu aime les hommes, puisqu'il établit une religion pour les rendre heureux; que, s'il aime les hommes, on est sûr de lui plaire en les aimant aussi, c'est-à-dire en exerçant envers eux tous les devoirs de charité et d'humanité, en ne violant point les lois sous lesquelles ils vivent.

« On est bien plus sûr par là de plaire à Dieu qu'en observant telle ou telle cérémonie; car les cérémonies n'ont point un degré de bonté par elles-mêmes; elles ne sont bonnes qu'avec égard et dans la supposition que Dieu les a commandées; mais c'est la matière d'une grande discussion: on peut facilement s'y tromper, car il faut choisir les cérémonies d'une religion entre celles de deux mille. >>

1. Lettres Persanes, no XLVI.

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