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qui ont les sens de l'ouïe et de la vue, de se mettre à l'abri. Un autre météore l'accompagne souvent, c'est celui de la grêle. Il est nuisible aux vignes et aux moissons, mais il est toujours funeste aux insectes, dont les orages favorisent la multiplication. Il s'annonce aussi par un bruit alarmant et une espèce de cliquetis lointain, qui donnent au moins aux hommes le temps de l'éviter. D'ailleurs, tout est compensé : les contrées les plus sujettes aux orages sont les plus fertiles, ainsi que celles qui sont voisines des volcans, ces tonnerres de la terre et des mers.

C'est donc par les harmonies aquatiques de l'air mises en action par le soleil, que s'opèrent la décomposition de la lumière en mille teintes colorées; les pluies fécondantes, sources des fleuves; les arcs-en-ciel, les tonnerres rafraîchissants des zones torrides, et les parélies des zones glaciales.

C'est pour produire ces différents effets que le soleil pompe sans cesse les eaux de l'Océan en vapeurs, qu'il les rassemble en nuages, qu'il les disperse dans l'atmosphère par plans élevés les uns audessus des autres, pour y produire ces perspectives aériennes si ravissantes, qui donnent tant d'étendue à nos horizons, et dont la magnificence redouble avec le coucher de l'astre du jour.

On vante beaucoup l'aurore et fort peu le couchant. Il en est de même du mois de mai, cette aurore de l'année végétale, et du mois de septembre qui la termine. Le mois de mai n'amène pas toujours la fin des frimas; je l'ai souvent trouvé

humide et froid comme l'aurore, tandis que septembre est sec et chaud comme le couchant. L'aurore et le mois de mai ont sans doute de grandes beautés; mais la principale est de plaire à notre imagination, parce que l'une nous annonce le commencement du jour, et l'autre celui du printemps: au contraire, le couchant et le mois de septembre sont des précurseurs, l'un de la nuit, et l'autre de l'hiver. Les premiers sont les symboles de la jeunesse et de ses plaisirs, les seconds de la vieillesse et de ses infirmités. Nos idées morales dénaturent souvent nos sensations physiques. Pour moi j'ai trouvé, dans le cours de ma vie, le couchant plus intéressant que l'aurore, septembre plus doux que mai, et mon automne plus agréable que mon printemps.

Lorsque j'étais en pleine mer, et que je n'avais d'autre spectacle que le ciel et l'eau, je m'amusais quelquefois à dessiner les beaux nuages blancs et gris, semblables à des croupes de montagnes, qui voguaient à la suite les uns des autres sur l'azur des cieux. C'était surtout vers la fin du jour qu'ils développaient toute leur beauté en se réunissant au couchant, où ils se revêtaient des plus riches couleurs, et se combinaient sous les formes les plus magnifiques. Sur la terre, chaque site présente toujours le même horizon; dans le ciel, chaque heure, et surtout chaque soir, en offre de nouveaux. J'ai tàché d'en tracer quelques tableaux dans mes Études. Je vais ici en esquisser un, aussi imparfait que mes crayons.

Un soir, environ une demi-heure avant le cou

cher du soleil, le vent alizé du sud-est se ralentit, comme il arrive d'ordinaire vers ce temps. Les nuages qu'il voiture dans le ciel à des distances égales comme son souffle, devinrent plus rares, et ceux de la patrie de l'ouest s'arrêtèrent et se groupèrent entre eux sous les formes d'un paysage. Ils représentaient une grande terre formée de hautes montagnes, séparées par des vallées profondes, et surmontées de rochers pyramidaux. Sur leurs sommets et leurs flancs apparaissaient des brouillards détachés, semblables à ceux qui s'élèvent autour des terres véritables. Un long fleuve semblait circuler dans leurs vallons, et tomber çà et là en cataractes; il était traversé par un grand pont, appuyé sur des arcades à demi ruinées. Des bosquets de cocotiers, au centre desquels on entrevoyait des habitations, s'élevaient sur les croupes et les profils de cette île aérienne. Tous ces objets n'étaient point revêtus de ces riches teintes de pourpre, de jaune doré, de nacarat, d'émeraude, si communes le soir dans les couchants de ces parages; ce paysage n'était point un tableau colorié : c'était une simple estampe, où se réunissaient tous les accords de la lumière et des ombres. Il représentait, non une contrée éclairée en face des rayons du soleil; mais par-derrière, de leurs simples reflets. En effet, dès que l'astre du jour se fut caché derrière lui, quelques-uns de ses rayons décomposés éclai¬ rèrent les arcades demi-transparentes du pont, d'une couleur ponceau, se reflétèrent dans les val, lons et au sommet des rochers, tandis que des tor

rents de lumière couvraient ses contours de l'or le plus pur, et divergeaient vers les cieux comme les rayons d'une gloire; mais la masse entière resta dans sa demi-teinte obscure, et on voyait autour des nuages qui s'élevaient de ses flancs, les lueurs des tonnerres dont on entendait les roulements lointains. On aurait juré que c'était une terre véritable, située environ à une lieue et demie de nous. Peut-être était-ce une de ces réverbérations célestes de quelque île très-éloignée, dont les nuages nous répétaient la forme par leurs reflets, et les tonnerres par leurs échos. Plus d'une fois des marins expérimentés ont été trompés par de semblables aspects. Quoi qu'il en soit, tout cet appareil fantastique de magnificence et de terreur, ces montagnes surmontées de palmiers, ces orages qui grondaient sur leurs sommets, ce fleuve, ce pont, tout se fondit et disparut à l'arrivée de la nuit; comme les illusions du monde aux approches de la mort. L'astre des nuits, la triple Hécate, qui répète par des harmonies plus douces celles de l'astre du jour, en se levant sur l'horizon, dissipa l'empire de la lumière, et fit régner celui des ombres. Bientôt des étoiles innombrables et d'un éclat éternel brillèrent au sein des ténèbres. Oh! si le jour n'est lui-même qu'une image de la vie; si les heures rapides de l'aube du matin, du midi et du soir représentent les âges si fugitifs de l'enfance, de la jeunesse, de la virilité et de la vieillesse; la mort, comme la nuit, doit nous découvrir aussi de nouveaux cieux et de nouveaux mondes!

HARMONIES AQUATIQUES

DE L'EAU.

Quoique l'eau soit évaporable, et qu'elle puisse occuper, dans cet état, un espace plusieurs milliers de fois plus grand que dans son état naturel, elle est incompressible. On a beau la presser, on ne fait point rentrer ses molécules en elles-mêmes, comme celles de l'air. L'eau fortement comprimée dans un tuyau de métal, le fait crever s'il est de fer,

et passe à travers ses pores s'il est d'or. On en peut

conclure encore que les molécules de l'eau sont plus déliées que celles de l'air, et qu'elles en diffèrent; car celles-ci, quelque pressées qu'elles soient, ne transpirent point à travers les pores de l'or. D'ailleurs, les vapeurs de l'eau s'élèvent dans l'air le plus dilaté, et ne se confondent point avec lui.

Cependant, il ne faut pas croire que l'eau soit incompressible en elle-même. La nature a des moyens inconnus à notre physique, et bien supérieurs à nos machines. Elle condense l'air dans le chêne, au point d'y en renfermer le tiers de la pesanteur de ce bois, suivant l'expérience qu'en a faite le chimiste Homberg. Il paraît qu'elle y comprime l'eau dans une proportion beaucoup plus grande. Quoique ce bois paraisse, à l'intérieur

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