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Hæc ait, et partis animum versabat in omnis, Invisam quærens quam primum abrumpere lucem. Tum breviter Barcen nutricem adfata Sychæi, Namque suam patria antiqua cinis ater habebat: << Annam, cara mihi nutrix, huc siste sororem; Dic corpus properet fluviali spargere lympha, Et pecudes secum et monstrata piacula ducat. Sic veniat; tuque ipsa pia tege tempora vitta. Sacra Jovi Stygio, quæ rite incepta paravi, Perficere est animus, finemque imponere curis, Dardaniique rogum capitis permittere flammæ. » Sic ait. Illa gradum studio celerabat anili (61).

At trepida, et coeptis immanibus effera Dido, Sanguineam volvens aciem, maculisque trementis Interfusa genas, et pallida morte futura, Interiora domus irrumpit limina, et altos

Conscendit furibunda rogos, ensemque recludit

Dardanium, non hos quæsitum munus in usus!

Elle dit; et, roulant son projet dans son ame,
De ses jours odieux cherche à rompre la trame.
Pour hâter des moments à sa fureur si doux,
Elle appelle Barcé : de son premier époux
Barcé fut la nourrice; au sein de sa patrie
La sienne dès long-temps a terminé sa vie.

« Va, cours chercher ma sœur: qu'un bain'religieux
La prépare à paroître aux autels de nos dieux;
Qu'à tomber sous le fer la victime soit prête;
Du saint bandeau toi-même il faut orner ta tête.
Je veux, pour achever de guérir ma raison,
Finir le sacrifice attendu par Pluton,
Et d'un parjure amant livrer au feu l'image!...
Elle dit: Barcé court, fidèle à son message,
Hâter, sans le savoir, les apprêts du trépas;
Et son vieux zéle encore accélère ses pas.

"

La reine reste seule. Alors de son injure
L'affreux ressouvenir aigrissant sa blessure,
Dans l'accès violent de son dernier transport,
Tout entière livrée à ses projets de mort,
Roulant en traits de feu ses prunelles sanglantes,
Le visage livide et les lèvres tremblantes,
Les traits défigurés, et le front sans couleur,
Où déja de la mort s'imprime la pâleur,
Vers le fond du palais Didon désespérée
Précipite en fureur sa démarche égarée,
Monte au bûcher, saisit le glaive du héros,
Ce glaive à qui son cœur demande le repos;
Ce fer, à la beauté donné par le courage,
Hélas! et dont l'Amour ne prévit point l'usage!

T. IV. ÉNÉIDE. II.

5

Hic, postquam fliacas vestes notumque cubile
Conspexit, paullum lacrimis et mente morata
Incubuitque toro, dixitque novissima verba:
<< Dulces exuviæ, dum fata deusque sinebant,
Adcipite hanc animam, meque his exsolvite curis.
Vixi, et, quem dederat cursum fortuna, peregi;
Et nunc magna mei sub terras ibit imago.
Urbem præclaram statui; mea mœnia vidi;
Ulta virum, pœnas inimico a fratre recepi:
Felix, heu nimium felix, si litora tantum
Nunquam Dardaniæ tetigissent nostra carinæ! »

.

Dixit; et, os impressa toro: « Moriemur inultæ! Sed moriamur, ait. Sic, sic juvat ire sub umbras. Hauriat hunc oculis ignem crudelis ab alto Dardanus, et nostræ secum ferat omina mortis. »

Dixerat. Atque illam media inter talia ferro
Conlapsam adspiciunt comites, ensemque cruore
Spumantem, sparsasque manus. It clamor ad alta (62)
Atria; concussam bacchatur Fama per urbem.
Lamentis, gemituque, et femineo ululatu
Tecta fremunt; resonat magnis plangoribus æther.
Non aliter quam si immissis ruat hostibus omnis
Carthago, aut antiqua Tyros, flammæque furentes

Ce lit, ces vêtements si connus à ses yeux,
Suspendent un moment ses transports furieux.
Sur ces restes chéris, ce portrait, et ces armes,
Pensive, elle s'arrête, et répand quelques larmes;
Se penche sur le lit, et parmi des sanglots

Laisse, d'un ton mourant, tomber ces derniers mots :
Gages jadis si chers dans un temps plus propice,

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A votre cendre au moins que ma cendre s'unisse!
Recevez donc mon ame, et calmez mes tourments.
J'ai vécu, j'ai rempli mes glorieux moments;

Et mon ombre aux enfers ne descend pas sans gloire.
Ces murs bâtis par moi garderont ma mémoire.
Sur un frère cruel j'ai vengé mon époux.
Heureuse, heureuse, hélas! si, jeté loin de nous,
L'infidele jamais n'eût touché ce rivage! »

A ces mots, sur sa couche imprimant son visage : «Quoi! mourir sans vengeance! Oui, mourons: pour mon cœur, La mort, même à ce prix, la mort a sa douceur.

Que ces feux sur les eaux éclairent le parjure.
Frappons. Fuis, malheureux, sous cet affreux augure! »
A peine elle achevoit, que du glaive cruel
Ses suivantes ont vu partir le coup mortel,
Ont vu sur le bûcher la reine défaillante,
Dans ses sanglantes mains l'épée encor fumante.
La funeste nouvelle est semée en tous lieux:
Les dômes du palais et les voûtes des cieux
Retentissent au loin de clameurs lamentables.
La Renommée accroît ces bruits épouvantables;
La terreur, à sa voix, vole de toutes parts:
On diroit qu'une armée a brisé leurs remparts,

Culmina perque hominum volvantur perque deorum.
Audiit exanimis, trepidoque exterrita cursu,
Unguibus ora soror fœdans, et pectora pugnis,
Per medios ruit, ac morientem nomine clamat:
« Hoc illud, germana, fuit? Me fraude petebas?
Hoc
rogus iste mihi, hoc ignes aræque parabant?
Quid primum deserta querar? comitemne sororem
Sprevisti moriens? Eadem me ad fata vocasses:
Idem ambas ferro dolor, atque eadem hora tulisset.

His etiam struxi manibus, patriosque vocavi
Voce deos, sic te ut posita, crudelis! abessem?
Exstinxti me, teque, soror, populumque, patresque
Sidonios, urbemque tuam. Date volnera lymphis,
Abluam, et, extremus si quis super halitus errat,
Ore legam. » Sic fata gradus evaserat altos,
Semianimemque sinu germanam amplexa fovebat
Cum gemitu, atque atros siccabat veste cruores.

Illa, gravis oculos conata adtollere, rursus (63)
Deficit. Infixum stridit sub pectore volnus.

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