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Ostendent terris hunc tantum fata, neque ultra
Esse sinent! Nimium vobis Romana propago
Visa potens, superi, propria hæc si dona fuissent.
Quantos ille virum magnam Mavortis ad urbem
Campus aget gemitus! vel quæ, Tiberine, videbis
Funera, quum tumulum præterlabere recentem!
Nec puer Iliaca quisquam de gente Latinos
In tantum spe tollet avos; nec Romula quondam
Ullo se tantum tellus jactabit alumno.
Heu pietas, heu prisca fides, invictaque bello
Dextera! non illi se quisquam inpune tulisset
Obvius armato, seu quum pedes iret in hostem,
Seu spumantis equi foderet calcaribus armos.
Heu, miserande puer! si qua fata aspera rumpas,
Tu Marcellus eris. Manibus date lilia plenis :
Purpureos spargam flores, animamque nepotis
His saltem adcumulem donis, et fungar inani
Munere. » Sic tota passim regione vagantur
Aeris in campis latis, atque omnia lustrant.

Quæ postquam Anchises natum per singula duxit, Incenditque animum famæ venientis amore; Exin bella viro memorat quæ deinde gerenda, Laurentisque docet populos, urbemque Latini; Et quo quemque modo fugiatque feratque laborem.

Cette fleur d'une tige en héros si féconde,
Les destins ne feront que la montrer au monde.
Dieux, vous auriez été trop jaloux des Romains,
Si ce don précieux fût resté dans leurs mains!
Pleure, cité de Mars, pleure, dieu des batailles.
O combien de sanglots suivront ses funérailles!
Et toi, Tibre, combien tu vas rouler de pleurs,
Quand son bûcher récent t'apprendra nos malheurs!
Quel enfant mieux que lui promettoit un grand homme?
Il est l'orgueil de Troie, il l'eût été de Rome.
Quelle antique vertu! quel respect pour les dieux!
Nul n'eût osé braver son bras victorieux,
Soit qu'une légion eût marché sur sa trace,
Soit que d'un fier coursier il eût guidé l'audace.
Ah! jeune infortuné, digne d'un sort plus doux,
Si tu peux du destin vaincre un jour le courroux,
Tu seras Marcellus... Ah! souffrez que j'arrose
Son tombeau de mes pleurs. Que le lis, que la rose,
Trop stérile tribut d'un inutile deuil,
Pleuvent à pleines mains sur son triste cercueil;
Et qu'il reçoive au moins ces offrandes légères,
Brillantes comme lui, comme lui passagères.
Ainsi tous deux erroient aux bois élysiens,
Et parcouroient tous deux ces champs aériens.

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Quand les grandeurs de Rome et toutes ses merveilles

Du héros des Troyens ont charmé les oreilles,

Et rempli tout son cœur de ses nobles destins,
Anchise offre à ses yeux les rivages latins,

Les peuples, les combats, les assauts qui l'attendent,
Ce
que le sort, les dieux, et sa gloire demandent.

Sunt geminæ Somni portæ, quarum altera fertur(1). Cornea, qua veris facilis datur exitus umbris; Altera candenti perfecta nitens elephanto, Sed falsa ad coelum mittunt insomnia Manes. His ubi tum natum Anchises unaque Sibyllam Prosequitur dictis, portaque emittit eburna. Ille viam secat ad navis, sociosque revisit; Tum se ad Caietæ recto fert limite portum (22): Ancora de prora jacitur; stant litore puppes.

Deux portes du Sommeil, deux passages divers
Aux songes voltigeants s'ouvrent dans les enfers:
L'une, resplendissante au sein de l'ombre noire,
Est formée avec art d'un pur et blanc ivoire;
Par-là montent vers nous tous ces rêves légers,
Des erreurs de la nuit prestiges mensongers;

L'autre est faite de corne, et du sein des lieux sombres
Elle donne passage aux véritables ombres.
Tel Anchise long-temps, par de sages avis,
Se plaît à diriger la prêtresse et son fils;
Ainsi, le cœur rempli de sa future gloire,
Le héros part, et sort par la porte d'ivoire.
Pensif et méditant ses nobles entretiens,
Il marche, et va trouver la flotte des Troyens.
La voile est déployée; et, sans quitter la plage,
De Caïéte bientôt il touche le rivage:
L'ancre tombe, et, des vents défiant les assauts,
Ses nefs le long du bord reposent sur les eaux.

NOTES

DU LIVRE SIXIÈME,

PAR M. DE FONTANES.

Les siècles, en partageant leur admiration entre Homère et Virgile, ont assigné à l'un et à l'autre une gloire et des qualités différentes. Ils ont attribué généralement au premier l'invention et la force créatrice; ils lui ont donné parmi les poëtes la place que lui-même donne à son Jupiter parmi les dieux, et l'ont peint menant à sa suite tous les arts dont il est le maître et le modèle. Ce caractère de puissance et de fécondité par lequel on a voulu distinguer l'auteur de l'Iliade n'est point celui que les critiques accordent à l'auteur de l'Énéide. Mais ils reconnoissent dans ce dernier d'autres avantages; le goût, le jugement, la perfection des détails, et je ne sais quel heureux mélange de tendresse et de majesté, leur ont paru former les principaux traits de son génie suivant eux, enfin, Homère prodigue les beautés, Virgile les met à leur place; l'un invente, et l'autre achève. Là ils admirent une richesse inépuisable; ici une sage magnificence: là ils croient voir toutes les inspirations de la nature, qui ont été le fondement de l'art; ici toutes les merveilles de l'art, qui reproduit et imite fidèlement la

:

nature.

Ce genre de parallèle entre deux grands hommes peut offrir quelquefois des observations ingénieuses; mais il n'a jamais une exacte justesse. Le sixième livre de l'Énéide prouve seul, contre l'opinion générale, que le don de créer ne manqua point à Virgile. Dira-t-on que la descente d'É

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