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A la Correspondance de MM. les Commis◄ saires de S. M. Très-Chrétienne, et dis Président d'Hayti.

CORRESPONDANCE.
NUMÉRO 1.

'En mer,

à bord de la Frégate de Sa Majesté la Flore
ce 2 Octobre 1816.

A Monsieur le Général PETION,
GÉNÉRA L,

Le drapeau que vous avez défendu long-temps avec courage, a été arboré avec enthousiasme depuis plus de deux ans, sur toutes les terres de l'ancienne obéissance du Roi, Saint-Domingue seul est en retard aujourd'hui, et le coeur de Sa Majesté s'en trouve douloureusement affecté. ·Occupé à réparer les malheurs qui ont été la suite de l'oubli du devoir envers lui, ce bon Prince veut réunir tous ceux qui composent sa famille, et ses enfans de Saint-Domingue ne lui sont pas moins chers que ceux qu'il a retrou vés en Europe.

Les tentatives criminelles de l'Usurpateur et les maux qu'elles ont occasionnés, ont retardé l'exécution des projets du Roi; aujourd'hui que son retour a rendu la sécurité. et la paix à l'Europe, que l'ordre est rétabli dans le royaume, Sa Majesté nous a ordonné de nous rendre à Saint-Domingue pour nous concerter avec ceux qui sont revêtus de l'au

torité a

forite, sur les moyens à employer pour rendre à ce pays la sécurité dont il ne peut jouir dans un état précaire; légiti

mer en son nom, ce qui a besoin de l'être; reconnaître les services et les soins de ceux qui ont rétabli et maintenu l'ordre dans la Colonie ; consolider par sa volonté royale, les institutions et les changemens survenus dans l'état des personnes et des choses, que les événemens peuvent avoir rendus nécessaires dans cette ile, et qui ne sont incompatibles ni avec la dignité de sa couronne ni avec l'intérêt bien entendu de la Colonie et de la Métropole.

2

Les désastres qui ont désolé Saint-Domingue, les malheurs publics et particuliers, tout a été connu du Roi: rien de ce qui tient à la gloire du nom français ne lui est échappé, tout ce qui a pu la ternir est sorti de sa mémoire. Placé plus heureusement que les provinces de France, SaintDomingue, ravagé aussi par l'homme qui a tant, abusé du pouvoir, s'est séparé de la France aussi long-temps que la France a été séparée de son Roi. Sa Majesté n'ignore pas, que si d'une part les habitans de cette île ont constamment résisté à l'usurpation, ils n'ont pas montré moins de courage quand ils se sont crus menacés d'une domination étrangère; voilà les seules choses dont elle veut se souve nir toujours.

Si la malveillance cherchait à élever quelque doute ou à susciter quelques craintes sur le but de notre mission, ayez autant de confiance en nous, Général, que nous en avons, et que nous en mettrons en vous et dans les autorités avec lesquelles le Roi nous a ordonné de nous entendre ; c'est à elles, c'est à vous, à nous indiquer tout ce qui peut être pour le peuple un objet de désir ou d'inquiétude, co qui peut assurer sa prospérité et son repos; et bientôt,

M

comme tous les français, vous jouirez du bonheur d'avoir retrouvé dans le Roi, le meilleur des pères.

Pleins de confiance dans votre loyauté et dans votre ca ractère, nous n'élevons, General, aucun doute sur la réception qui sera faite aux Commissaires du Roi. Nous suivrons immédiatement sur une frégate de Sa Majesté, le bâtiment léger commandé par M. le Capitaine de frégate Bégon, sur lequel nous vous expédions M'. le Colonel Chevalier de Jouette, M. le Chevalier Dominge, Chef d'Escadron, qui sont porteurs de cette lettre et M'. le Dué, l'un de vos compatriotes qui nous a témoigné le désir de les accompagner.

Votre vieux, votre ancien Général, le Vicomte de Fone tanges, celui sous les ordres duquel vous et vos compatriotes avez défendu avec honneur la cause du Roi, quand des sujets parjures osaient l'attaquer, est le chef de cette mission toute pacifique. Il n'a consulté ni son âge, ni ses infirmités; il n'a point hésité à passer encore une fois les mers, pour venir porter à des hommes qu'il a long-temps aimés et défendus, les intentions et les bienfaits du Roi. Nous vous prions, Général, de recevoir l'assurance de notre considération distinguée.

Le Lieutenant-Général des Armées du Roi, Commandeur de l'Ordre de St-Louis, Officier de l'Ordre Royal de la Légion d'Honneur,

Vicomte de FONTANGES.

Le Conseiller d'Etat, Chevalier de l'Ordre
Royal de la Légion d'Honneur,

ESMANGART,

Liberté

Numéro 2.

Egalité.

RÉPUBLIQUE D'HAYT I.

Au Port-au-Prince, le 6 Octobre 1816, an 13 de l'Indé pendance d'Hayti.

ALEXANDRE PETION

Président d'Hayti,

A Messieurs les Commissaires de Sa Majesté Très-Chretienne, près la République d'Hayti.

Messieurs,

Nous avons, à la vérité, défendu avec beaucoup de Courage et un dévouement sans bornes, le drapeau français; nous étions bien éloignés, en le fesant, de prévoir quelle serait la conduite de ceux qui nous ont portés à l'arracher, elle ne trouve pas d'exemple dans l'histoire.Depuis cette époque les institutions, les mœurs, le caractére, l'accroissement des lumières, les fruits de l'expérience, les circonstances, ont fait des citoyens de cette Ré publique, un peuple nouveau; déjà il commençait à par courir sa carrière et à mériter quelques considérations, par sa bonne foi dans ses rapports avec les étrangers ét par l'éclat de ses armes, quand la paix fut rendue à l'Europe, par le concours unanime des Souverains, et qu'il fut décidé que Sa Majesté Très-Chrétienne remonterait sur le trône de ses pères.

Nous devions nous attendre que cette grande époque

dans le monde serait également celle où nous allions parai, tre à notre tour au tribunal de l'opinion, et elle ne nous effraya pas, eu sondant nos cœurs, et en jugeant favorablement des hommes, sous les rapports heureux de la morale, de la justice, de la philosophie et d'une religion éclairée. Nous n'avions rien à nous reprocher envers Sa Majesté Très-Chrétienne, son caractère connu avant la révolution, ses principes modérés, ses malheurs inouis, ceux de toute sa famille, une lutte aussi longue quelle a été cruelle et sanguinaire, l'incertitude de son sort, qui n'a été décidé que par des événemens tardifs et extraordinaires, notre association tacite à la ligue qui l'a soutenue, tout nous portait à penser que nous serions une exception particulière dans les idées d'une politique sage : nous expliquions aussi en notre faveur, les efforts et les succès immortels d'un gouvernement distingué, qui avait défini ce que le trafic des hommes avait eu lui-même de hideux et de contraire à l'esprit du christianisme et qui avait obtenu la preuve que les Colonies à Sucre et à Café pouvaient prospèrer sans avoir recours à ce moyen honteux et barbare; quelle que fut la faiblesse de nos conceptions, alors, nous perçames le voile, et la logique la plus simple nous expliqua que point de Traite, point d'Esclaves. Ce plan re s'est pas encore réalisé parce que rien de bien ne peut s'opérer à la hâte et sans réflexions, mais les événemens se préparent et sont dirigés aver la sagesse des hommes bieufaiteurs de l'humanité, qui s'en occupent: il s'exécuterà.

Que nous restait-il à craindre? La méchanceté de nos ennemis et de nos persécuteurs; de ces hommes obstinés; véritables auteurs de leurs propres maux et que rien ne saurait corriger; la différence de notre épiderme qui, aux yeux du système colonial, nous assimile à du bètail; la ré

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