Page images
PDF
EPUB

» existe, lors de l'arrivée des forces françaises: » ici M, H. Henry fait le tableau de l'existence de ces derniers, s'ils se réfugient dans les bois. Il cherche à leur peindre les dangers qui les y attendent; la perte de l'argent qu'ils pourraient sauver avec eux; leur propre vie compromise et exposée à chaque instant, etc. Ceux que l'Auteur a ainsi classés font essentiellement partie de la classe cominune et unique des Haytiens; vingt-deux années de révolution ont tellement identifié les habitans de ce pays, que l'on trouve à peine sur qui faire l'application de ce raisonnement; et l'expérience du passé a suffisam❤ ment prouvé à quoi s'en tenir à ee sujet. Tous les citoyens sont soldats; tous ont leurs familles à protéger; un besoin réciproque de respecter la propriété de tous. Les raisons qui forceraient à prendre le parti violent de se retirer dans les bois, seraient de telle nature, que chacun se serait convaincu de la nécessité de le faire : ce qui a dějš eu lieu dans la derniére expédition des Français; et c'est dans cette occasion où le véritable caractère des Haytiens s'est montré. Jamais il n'exişta entr'eux d'union plus intime, et sauf les privations, cette situation, offrait encore quelques momens de douceur car plusieurs haytiens ont souvent répété devant moi, Nous étions bien plus liés quand nous étions dans les bois : réunis par les mêmes dangers, nous vivions ensemble comme de véri tables frères: le séjour des villes, les jouissances, nous ont gâtés, et ont éloigné de nous, cette franchise et cette égalité naturelle qui nous fesaient goûter dans nos malheurs des momens de consolation. Il est donc évi

dent que s'ils étaient poussés à cette extrémité (ce qu'à Dieu ne plaise) ils se tendraient les uns aux autres une

main

main secourable, et que le Gouvernement prendrait des mesures assurées et convenables pour la sécurité de la famille. Ce qui n'aura (je l'espère) jamais lieu, si la vérité peut se faire entendre et qu'elle soit exposée sans passions ni intérêt personnel.

Tout ce qui vient d'être dit peut s'appliquer à ceux qui exercent une profession industrieuse quelconque; car leur existence est la même, le même sort les attend. Soldats, la plupart fils de cultivateurs, le besoin, non pas de tout détruire, mais de tout réédifier à fait sentir aux Haytiens la nécessité de s'instruire dans tous les arts mécaniques, de nombreux atteliers ont été formés principalement dans les arsenaux de la République, et de jeunes élèves sont devenus les artistes de la révolution. Ce serait une grande erreur que de supposer qu'ils pussent avoir d'autre intérêt et d'autre bonheur que celui de leurs frères et jouir de quelque avantage dont les autres seraient privés le projet serait aussi inexcusable de la part de ceux qui le proposeraient que peu acceptable de la leur.

Les militaires sont successivement appelés par l'auteur A former la 4me. classe de la population d'Hayti, « S'ils » préférent le métier dangereux des armes au paisible » emploi de cultivateurs, il est plus que probable que le » Gouvernement Français exaucera leurs voeux; mais » alors quel heureux changement va s'opérer en leur » faveur; au lieu d'être nuds et couverts de haillons, au lieu d'être mal payés, encore plus mal nourris, að » lieu d'exposer leurs jours pour faire le malheur de tout » ce qui les entoure, ils seront entretenus, vêtus, noure ris, soldés comme les autres troupes françaises. L'état militaire se compose à Hayti de l'ensemble des

B

[ocr errors]

citoyens, tous naissent et sont essentiellement soldats c'est dans ce pays une vertu patriotique que de porter les armes et un service volontaire presque : tous le font avec plaisir et empressement, lorsque le cas l'exige; les troupes ne sont jamais casernées, ni assujéties à ces détails minutieux de la discipline d'Europe; à quoi, comme l'observe M. Moreau de St. Méry, il est presque impossible de les habituer. Le soldat se réunit avec une promptitude remarquable au coup de canon d'alarme ou à l'approche du danger; dans les temps ordinaires il reste communément chez lui et ne parait guères qu'aux inspections qui se font tous les dimaches où l'on prend la quantité d'hommes nécessaires pour le service des postes. Les autres pendant ce temps sont dans leurs familles, sur les habitations, où ils ont des jardins abondamment pourvus de vivres. Et ceux qui préfèrent le séjour des villes y exercent toute espèce d'industrie, qui leur procure des bénéfices bien réels. Ils reçoivent la solde toutes les fois que la situation des caisses le permet; mais il sont assez justes à cet égard pour ne rien exiger sur son plus ou moins de régularité, parce qu'ils font tellement partie de l'Etat, qu'ils sont convaincus qu'ils ne servent que pour leur propre cause, et que d'ailleurs is n'attendent pas absolument cette solde pour exister et même s'habiller, excepté ce que l'on appelle l'habit d'uniforme. Tous les militaires roulent ensemble pour l'avancement et il est assez rapide, sans qu'ils aient à craindre les injustices, les brigues, et les faveurs; ceux qui par des motifs d'infirmités ou de blessures, demandent leur retraite ont les invalides, et ce corps a une solde régulière; ils reçoivent en outre, selon la nature de leurs services, des conCession de terres, où ils se retirent le plus souvent avec

toute leur famille et y passent des jours heureux et tran quilles. Je crois n'avoir rien avancé sur ce que sont les militaires à Hayti; j'ajouterai que dans cet état d'organi sation ils ont fait des prodiges de valeur, et il est certain que le sort qu'on leur propose, encore d'une manière aussi vague, ne leur paraitra jamais préférable à celui dont ils jouissent maintenant.

Venons à présent à la cinquième classification établie par M. H. Henry « celle qu'on désignait autrefois sous » le nom de Nègres d'Habitation. C'est à la fois la classe » la plus nombreuse, la plus utile et la plus malheureuse » de toutes celles qui habitent Hayti, elle a sous ce triple » rapport un droit particulier à notre attention, et pour » la lui donner toute entière, nous allons reprendre les » choses de plus loin.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

Toujours victime dans tout le cours de la révolution, plongée daus une abîme de misère, dont la population » a été diminuée des quatre-vingt-dix-neuf centièmes » en lui fesant rejetter le joug salutaire et paternel de » leurs maîtres dont elle est encore l'objet infortuné de » la tendre sollicitude; dont le sort était réglé par des principes de justice; les heures du travail et du repos fixés; jouissaient d'une nourriture saine et abondante » a laquelle une petite propriété était assignée, qui lui » procurait plus ou moins d'avantage; des infirmeries » établies sur les grandes Habitations, la garantissaient » contre les maladies et les infirmités de la vieillesse ; » dans les petites Habitations les maîtres veillaient eux» mêmes; les dames blanches ne dédaignaient pas d'élever » les enfans das Négres dans les appartemens mêmes » qu'elles habitaient, et elles leur prodiguaient des soins » qui différaient peu de ceux qu'elles accordaient à leurs

[ocr errors]

Cet

propres enfans. En un mot l'esclavage se changeait insensiblement en un état de domesticité, qui sous bien » des rapports, présentait aux Nègres, des avantages que le domestique blanc ne trouve pas en Europe. - Quant » tout à coup des déclarations incendiaires, Vomies par » des hommes de mauvaise foi, avides de désordres et de » nouveautés, ennemis de l'humanité et de la philosophie, dont ils profanaient sans cesse les noms sacrés, en les invoquant à l'appui de la cause horrible dont ils s'étaient » déclarés les apôtres, vinrent tout renverser. — » acte qui n'eût été que ridicule s'ils n'eût enfanté des » horreurs, ce prodige de la folie et de la déraison, qui » était, disait-on, commandé par l'humanité, dicté par » par la sagesse, proclamé par la Philosophie, et dont » l'effet devait être en un instant de rendre tous les Nègres » heureux, en leur conférant ce que l'on appellait le plus » beau comme le plus sacré des priviléges pour tout être humain, la Liberté, qu'a-t-il produit? La destruction » de quatre cent mille des vôtres, enfin la perte et la pri»vations de tout genre, auxquelles la bonté compatissante ·

[ocr errors]

» de VOS maîtres vous avait habitués. Habitans d'Hayti, ou,

» vrez les yeux, vous vous êtes laissés tromper une fois : » l'anéantissement de ce qui reste de votre ancienne population serait nécessairement la cause d'un second » égarement.

Je n'ai pu rendre mot à mot les expressions de l'auteur, je ne cherche à peindre l'état d'Hayti et de ses habitans, non pas comme ils étaient autrefois, mais comme ils sont maintenant et de la manière dont je les ai vus. C'est cet état de cultivateur en société, qui a le plus fixé mon attention, dans les voyages que j'ai faits et qui est si intéressant par lui même. C'est d'ailleurs une chose bien facile pour

« PreviousContinue »