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premier pas dans la négociation. Il est bien important de conserver aux blancs une prééminence quelconque sur les gens de couleur du 1er ordre; saufà admettre absolument et sans restriction aucune, Péthion, Borgella et quelques autres, dès à présent, parmi les blancs et à donner, par la suite, sobrement, de temps à autres des lettres de blancs à quelques individus que leur couleur éloignée du noir, leur fortune, leur éducation, leurs services auront rendus dignes de cette faveur.

Si Péthion tombe d'accord de placer l'homme de couleur, jusqu'au mulâtre inclusivement, un peu au-dessous du blanc, il devient beaucoup plus facile de restreindre les priviléges de la caste au-dessous de celle-là ( composée des nuances entre le mulâtre et le nègre ) et ceux des nègres libres, si l'on établi ces trois castes intermédiaires entre le blanc et le nègre esclave. Partout il est singulièrement recommandé à MM. Dauxion Lavaysse, Médina et Dravermann de se rapprocher le plus qu'il leur sera possible de l'ancien ordre de choses colonial, et de ne s'en écarter que là où il leur sera démontré impossible de faire autrement; et toujours, dans leurs conférences avec les chefs sur ces matières; ils doivent partir de ce principe que le Roi ne concède que parce qu'il veut concéder, et que, loin d'admettre des prétentions exagérées, il n'accordera rien et fera sentir sa puissance dans toute son étendue, si ses faveurs sont repoussées. En effet, qui doute que si le Roi de France voulait faire peser toutes ses forces sur une portion de sujets rebelles qui sont à peine un centième de la population de ses états; qui n'ont en eux, ni chez eux, aucun des grands moyens militaires moraux ou matériels de l'Europe, qui seront privés de tous secours extérieurs; qui doute, disons-nous, qu'il ne les réduisit, dût-il les exterminer?

MM. Dauxion, de Médina et Dravermann durant le cours de leur négociation doivent, sans cesse, avoir cette considération sous les yeux, la présenter sans affectation, sans menaces, à ces deux chefs, et placer toujours à côté de la bouté du Roi, sa puissance. Il n'est, pour ainsi dire pas douteux que s'ils font bien usage de ces moyens, ils ne parviennent à prévenir la nécessité d'employer la force, sans trop accorder. Ils y réussiront, surtout s'ils font bien sentir à Péthion et autres, que leur situation actuelle, s'ils sont abandonnés à eux-mêmes, est extrêmement précaire; que bientôt la caste des mulâtres, infiniment moins nombreuse que celle des noirs, sera écrasée par-celle-ci ; que la colonie sera en proie à des factions dont les chefs seront successivement abattus par des compétiteurs plus heureux pour le moment; qu'une paix durable étant conclue entre la France et toutes les puissances maritimes, nul pavillon étranger ne pourra aborder dans les ports de Saint Domingue et qu'il suffira au Roi de six frégates pour interdire aux habitans actuels de cette île toute communication avec le dehors; que ces habitans cultiveraient vainement les riches productions du sol, puisqu'ils ne pourraient les échanger contre les objets qui leur manquent; et qu'ils seraient bientôt réduits à vivre comme des sauvages privés de tous les avantages de la civilisation européenne,

Ces considérations doivent nécessairement frapper Péthion et Borgella, et ils reconnaîtront que si le Roi s'abstient actuellement des moyens de contrainte, c'est parce qu'il veut le bonheur de ses sujets de toutes les classes; et parce qu'il ne suppose pas que ses vues bienfaisantes trouvent des obstacles qu'il faudrait renverser. Convaincu que les habitans actuels de Saint-Domingue, las des troubles qui les agitent depuis vingt-cinq ans, s'empresseront de

Jouir des avantage's certains que leur offre son gouverne ment paternel; Sa Majesté, suspend toute mesure de rigueur et elle n'envoye pas la plus petite force dans les pa rages de Saint-Domingue: elle s'abstient même d'interdire, pour lè moment, le commerce que font les bâtimens étrandans cette colonie; mais, au retour des agens à qui ces instructions sont données et d'après leur rapport, S. M. fera partir des forces suffisantes pour protéger, ou, si cela devenait nécessaire, des forces auxquelles rien dans l'ile ne saurait résister.

gers

er

Uue fois d'accord avec Péthion et Borgella sur ce qui les concerne eux-mêmes et sur ce qui regarde la 1 classe des gens de couleur, les agens établiront avec eux la mesure moindre d'avantages à accorder à la seconde classe com posée de ce qui est moins blanc que franc inulâtre, sans être tout-à-fait nègre, et à la troisième composée de nègres libres.

er

Pour cette fois, pourront être admis, (si Péthion et Borgella le jugent eux-même convenable) dans la 1o classe. indistinctement tous les mulâtres, anciennement libres de droit, ou nouvellement libres de fait, soit nés en légitime mariage, soit båtard. Mais, à l'avenir, ceux nés en batardise ne participeront pas aux avantages de ladite classe ou caste. Ils seront restreints à la simple jouissance des avantages de l'homme de couleur libre avant 1789». Néanmoins, en se mariant dans la 1' classe, ces bâtards y feront rentrer leurs enfans.

Le même principe devra être appliqué à la 2ème et 3ème classe.

Les mariages d'un individu de classe supérieure avec un individu de la classe immédiatement au dessous, pourraient Clever à la première de ces deux, les enfans qui en seront

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issus, soit à la première, soit à la seconde génération mais, peut-être, serait-il mieux d'établir que le mariage d'un individu de la 1ère classe avec un de la 3ème porteraič les enfans dans la classe intermédiaire.

Les enfans nés de méres esclaves ( ou censées telles ) par le concubinage de blancs mulâtres, ou autres, suivront invariablement la condition de la mêre et appartiendront au martre de celle-ci. Sur ce point la résolution doit être invariable: néanmoins, lesdits enfans pourront être affranchis, si le père qui les avouera paye au propriétaire une somme de........ et au fisc une autre somme et s'il assure la subsistance de l'enfant. La quotité de ces sommes sera fixée par un règlemeut: lesdits affranchis ne jouiront que des priviléges de l'homme de couleur libre avant 1789 »; leur mariage dans une des classes ci-dessus désignées fera entrer leurs enfans dans cette classe.

sauf à

Quant à la classe la plus considérable en nombre, celle des noirs attachés à la culture et aux manufactures de sucre, d'indigo, etc. il est essentiel qu'elle demeure ou qu'elle rentre dans la situation où elle était avant 1789 », faire des règlemens sur la discipline à observer, tels que cette discipline soit suffisante au bon ordre et à une somme de travail raisonnable, mais n'ait rien de trop sévère. Il faudra, de concert avec Péthion, aviser aux moyens de faire rentrer sur les habitations et dans la surbordination le plus grand nombre de noirs possible, afin de diminuer celui des noirs libres. Ceux que l'on ne voudrait pas admettre dans cette dernière classe et qui pourraient porter dans l'autre un esprit d'insurrection trop dangereux devront être transportés à l'île de Ratau ou ailleurs. Cette mesure doit entrer dans les idées de Péthion, s'ils veut assurer sa

fortune

fortune et les intérêts de sa caste; et nul ne peut mieux que lui disposer les choses pour son exécution lorsque le mo

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Nous avons dit que l'un des trois agens se rendrait près de Christophe, après l'avoir sondé, il s'entendra avec ses deux collègues pour juger s'il convient de suivre une négo ciation avec lui et pour déterminer sur quelles bases. ette, négociation aura lieu, de concert avec Péthion et Borgella, ou à leur insçu, ainsi que les agens le trouveront convenable: sur ce, l'on s'en rapporte à leur prudence.

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Autant qu'on en puisse juger actuellement d'ici, il parait que le point le plus important est de tomber d'accord avec le parti de Péthion et que, cela fait, il serait facile de réduire celui de Christophe à l'obéissance sans grande effu sion de sang. Mais comme l'intention du Roi est de prévenir autant que possible cette effusion et de hâter la pacification générale de la colonie; MM. les agens ne négligeront aucun moyen convenable pour faire tomber les armes des mains des adhérens à Christophe comme de celles des adhérens de Péthion.

MM. les Agens saisiront toutes les occasions sûres pour informer le Ministre de S. M. de leur arrivée, du début et des progrès de leur négociation et de toutes les connais➡ sances certaines qu'ils auront acquises sur l'état des choses dans la colonie. Ils se serviront d'un chiffre pour tout ce dont l'interception pourrait avoir des suites fâcheuses. Dès qu'ils auront conclu un arrangement, ils reviendront, par la voye la plus prompte, rendre compte de leur mission. Toutefois s'ils jugent important que l'un ou mème deux d'entr'eux demeurent sur les lieux, et y attendent l'arrivée de l'armement destiné pour la colonie, ils prendront ce

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