Page images
PDF
EPUB

armies,

[ocr errors]

transportés à grands frais de la côte espagnole pour cet abominable usage!!-Chaque nuit couvrait de ses ombres ces terribles exécutions et le jour était consacré à réunir indistinctement les victimes! Il suffirait d'avoir porté les soit comme officier ou soldat, d'avoir paru d'une manière quelconque sur le théâtre de la révolution, pour recevoir la mort. Le sexe, l'enfance, la vieillesse n'arrê taient pas la fureur de ces monstres! Et quand on manquait de proie, on entrait dans les maisons pour former la chaîne nocturne, par les domestiques ou les premiers venus! Les citoyens dans les villes étaient privés de manger du poisson pour ne pas se nourrir de leur propre sang! Et quand aux mêmes époques les maladies exerçaient leurs ravages sur l'arinée française, exposée à la vengeance et au ressentiment de ceux qui, pour se soustraire au supplice, se réfugiaient dans les bois et la guerroyaient, on voyait tes remparts garnis de ces mêmes haytiens qui la défendaient de leurs bras et de leur courage, jusqu'au moment ou leur tour de périr arrivât!! Tels étaient, Général, les plaisirs et les délassemens de Leclerc, de Rochambeau, des colons propriétaires de cette île qui les excitaient, et qui, dans la crainte qu'ils fussent suspendus, provoquérent, par une adresse, la nomination de Rochambeau à la place de Capitaine-Général. Leurs voeux furent exaurés, hélas ! peut-être étaient ils ceux de la France. Ce fut le signal où la désertion des haytiens dans les bois devint presque générale; će fut aussi celui où les tortures redoublèrent. Je pris moi même mon parti pour me soustraire à la mort. Quel était notre espoir? Pouvions-nous croire à la possibilité de repousser les français ? Mais aussi quelle était notre alternaï tive? Pouvions nous hésiter dans le parti que nous avions à prendre? j'ose croire qu'il nous justifie: Dieu et notre persévérance ont fait le reste.

E

A l'évacuation de l'armée française uous avons rentrẻ dans les villes, tout était détruit, il a fallu tout révivifier. Nous parlera-t-on de nos crimes? de notre vengeance? Qu'on lise l'histoire de nos malheurs, et que l'on nous juge: j'ai vu, je crois, quelque part, que dans les annales lugubres du monde, dans les pays où régnait l'esclavage, quand les esclaves pouvaient parvenir à briser leurs chaînes, ils en forgeaient des armes contre leurs oppresseurs, c'est ce que nous avons fait: la guerre venait de se rallumer entre la France et l'Angleterre. Isolés de toutes les nations, obligés de nous administrer, notre premier acte a été de proclamer l'indépendance, il était naturel, surtout dans les circonstances; nous nous sommes donnés une constitution, des lois fixes et positives, depuis onze années nous nous dirigeons nous-mêmes; les cadres des emplois sont tous remplis par des haytiens régénérés; nous avons une armée; notre pavillon a flotté et a été respecté sur les mers; nous nous sommes trouvés dans la nécessité de nous mettre à la hauteur de notre état et de nos destinées; nous avons respecté le droit des gens, enfin nous pouvons sans trop avandire, que nous avons joué un rôle parmi les puissances coalisées contre la France révolutionnaire, en aidant, par notre commerce, nos approvisionnemens dans les Antilles, notre attitude, d'une manière plus ou moins directe, leurs opérations et nous nous associons à la gloire d'avoir coopéré aux résultats qui viennent de se passer. Que cet amour-propre nous soit permis.

cer,

Je demanderai à Votre Excellence si nous pouvons rétrograder; si nous pouvons nous départir des avantages précieux que nous nous sommes procurés; de la liberté dans toute l'étendue de sa signification; de l'égalité parfaite de nos droits et de la garantie que nous tenons par armes qui sont dans nos mains.

les

«Toutefois les haytiens ont été si souvent et si cruelle»ment trompés qu'un esprit de défiance presqué indes»tructible s'est établi parmi eux ».

C'est un axiome sans réplique; et j'ajouterai que cet esprit de défiance a sans cesse été nourri par les écrits, les plans d'attaque du pays, et des proscriptions qui n'ont cessé d'inonder la France et dont plusieurs sont parvenus jusqu'à nous. Les P. Alb. Délatre, etc. etc. tous, colons effrénés dans leur rage impuissante ont calculé les termes et les moyens à employer pour nous subjuguer, non contens de désirer la possession de leurs biens, ils ont encore disposé des nôtres et ont osé les faire figurer dans un chapitre de recettes coloniales: peut-il exister encore des rapports entre nous et de tels hommes? Aucune confiance peut-elle renaître ? où étaient-ils ? à qui ont-ils lié leur fortune? Certainement ils n'étaient pas en Angleterre avec Louis XVIII, mais bien aux pieds de l'idole à brûler l'encens; l'encensoir leur a échappé des mains, mais la cassolette leur est restée, elle est pour nous la boite de Pandore... Plus heureux que les émigrés, prétendraient-ils à rentrer en possession de leurs propriétés, lorsque les compagnons fidelles de leur souverain ont été forcés à y renoncer?

Je

Votre Excellence me fait l'honneur de m'observer que les tems ont bien changé, quelle différence! quel contraste entre Louis XVIII et le Gouvernement précédent! suis bien éloigné de penser autrement, et d'attribuer à Sa Majesté très-chrétienne des sentimens si opposés à ceux qu'elle a toujours manifestés, nous la connaissorts par ses malheurs. Elle ne connaît de nous que les nôtres : nous ne l'avons jamais offensée et les mêmes hommes qui la persécutaient étaient également nos persécuteurs: Où la révolution a-t-elle commencée ? contre qui? la Cocarde natio

nale a été apportée de France et les premiers troubles du pays se sont manifestés parmi les blancs français contre le Gouvernement et son souverain dont l'autorité fut méconnue: Que fesions-nous alors? Qu'on se rappelle le colonel Mauduit et sa mort, l'on verra quelle était notre conduite. La restauration de Sa Majesté très-chrétienne sur le trone ne nous a pás surpris. C'était le voeu des puissances, et c'est sous les murs de la Capitale que cet ouvrage s'est con sommé en présence de leurs armées. Lepremier acte du roi en entrant en France a été l'oubli du passé, de ne voir dans les français que des français, et de sacrifier au repos du monde et de son royaume les plus cruels souvenirs! Il n'a pas compté à cet égard les sacrifices.-Serions-nous donc les seuls exclus d'en obtenir à notre faveur?

[ocr errors]

Je ne suis pas opposé à l'idée que les hommes ne puissent s'entendre; ils sont, par leur organisation, faits pour se communiquer; de-là naissent quelquefois, les rapprochemens; en droit naturel ils le peuvent toujours, parce qu'il y a égalité entre eux; c'est la position dans la quelle nous nous regardons, mais il ne nous est pas prouvé de la manière dont nous sommes considérés sous les rapports du commerce et de ses résultats dans la balance générale des affaires de la France, peu importe entre les mains de qui se trouve le pays, ils seront toujours les mêmes, et c'est une chose démontrée qu'il ne peut être utile que dans les nôtres. En adoptant une autre manière de voir, qu'en arriverait-il? La guerre, nécessairement perdrait tout, surtout de la manière dont elle se fait dans cette ile où elle est absolument une guerre de destruction, et ne serait pas à l'avantage du système politique qu'on voudrait suivre. Votre Excellence doit être bien assurée que nous ne la désirons pas et que nos opinions n'appartiennent à aucune

[ocr errors]

ambition personnelle de pouvoir; nous n'envisagerons que notre existence, notre sécurité et notre garantie contre toute espèce d'événement.

Pour pouvoir répondre à Votre Excellence d'une ma nière précise, à la proposition principale contenue dans sa note officielle, j'ai l'honneur de la prévenir que j'ai convoqué les premières autorités de la République au Port-auPrince, pour le vingt-un de ce mois, afin de la leur communiquer, j'ai fait sortir à ce sujet un ordre du jour, et j'aurai l'honneur de l'instruire du résultat de cette communication.

Je parle à Votre Excellence avec la plus grande franchise et d'après la connaissance exacte que j'ai de l'esprit du peuple. Le séjour qu'elle fera parmi nous, pourra la fixer sur son caractère, qui malheureusement n'a jamais été assez connu ni observé.

Le Président d'Hayti saisit cette occasion d'assurer Son Excellence; le général Lavaysse, des sentimens de sa tréshaute considération.

(Signé) PETION.

Port-au-Prince le 12 Novembre 1814, an XI de l'Indépendance.

Numéro V.

Port-au-Prince, ce 19 Novembre 1814.

Monsieur le PRESIDENT

La dernière lettre que V. E. m'a fait l'honneur de m'é'crire en date du 12, ne m'a été remise que le 14 aprèsmidi. J'eus la fièvre le lendemain, et le jour suivant je pris médecine, ce qui m'a réduit à un état de débilité qui m'a rendu incapable d'écrire longuement.

« PreviousContinue »