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Dans cet état de choses, il n'y avait de droit réel et incontestable que le droit pri mordial; le général en chef avait été reconnu chef du gouvernement Haytien par le peuple des trois provinces ; la souveraineté existe dans l'universalité des citoyens; une fraction du peuple ne pouvait stipuler pour l'autre; le chef du gouvernement ne pouvait être dépouillé légalement de ses droits que par le concours unanime du peuple. Néanmoins le gouverne ment du Sud-Ouest se constituât sous le titre de République d' Hayti; la Constitution était basée sur celle des Etats-Unis d'Amérique ; la charge de Président était pour quatré ans, avec un Sénat chargé du pouvoir législatif.

Contre tout principe d'honneur, de justice et d'équité, Pétion fut nommé Président de la république et il parvînt au comble de ses vœux.

Des deux côtés paraissaient des proclamations et des écrits où l'on se rejettait réciproquement les torts de la guerre civile; les reproches les plus amers aigrissaient les esprits, fomentaient les troubles, et étaient les avantcoureurs des scenes sanglantes qui devaient bientôt avoir lieu.

Henry Christophe d'un caractère énergique, franc et probe, fort de la bonté et de la justice de sa cause, marchait ouvertement à ses desseins; au lieu qu'Alexandre Pétion, fourbe adroit, artificieux et rusé, marchait à l'exécution de ses projets ténébreux, par des chemins couverts.

En prenant le timon de l'état, Henry s'occupa sérieusement de ses devoirs; il réorganisa toutes les branches du service public, il fit eesser tous les désordres qui avaient existés sous le gouvernement précédent; son œil vigilant embrassait tous les détails de l'admi nistration de l'état; police, justice, finances commerce, culture, discipline des troupes; partout il apporta cet esprit d'ordre qui lo distingue si éminemment et qui est la princi pale cause aujourd'hui de la tranquillité dont nous jouissons, de notre force et de notre puissance!

- Pétion, en prenant les rênes de l'adminis tration, ne s'était pas écarté de ses principes démagogique dans l'intérieur de la république;~ il caressait et flattait le peuple pour se rendre de plus en plus populaire; il autorisait le vice

et le désordre, le rapt, le viol, le vol, les crimes et l'assassinat; tout était toléré au Port-au-Prince et se commettait sous ses yeux; dans les rues on enlevait le chapeau sur la tête des passans; et la nuit, les négocians étrangers étaient obligés de se barricader dans leurs magasins et de faire usage des armes à feu pour se garantir du pillage. Un homme avait-il violé, Pétion en riait et disait: laissezle faire un autre avait-il volé, c'est un pauvre diable, disait-il, sans doute il avait des besoins un autre avait-il assassiné, au lieu : de lui appliquer la loi du talion, Pétion disait : que c'était impossible, car ce serait deux hommes de moins au lieu d'un...

• Il avait détruit l'empereur pour les abus de son administration, et dans la sienne propre il se commettait cent fois plus d'abus et de crimes qu'il ne s'en était jamais commis sous l'administration de l'empereur. Dans ses procla mations et ses discours, il affectait d'avoir une grande répugnance à faire répandre le sang haytien, et dans les instructions qu'il dannait à ses généraux, il leur ordonnait de

tout détruire, de mettre tout à feu et à sang, et de faire tout le mal possible (1)

Dans le silence et la méditation du cabinet, il inventait et combinait des moyens atroces et perfides pour faire répandre des flots de sang; il dirigeait ses plans machiavéliques particulièrement contre les hommes de couleur du Nord, qui furent hélas ! les victimes de son atroce perfidie, Pétion savait, par expérience, qu'à la faveur de son épiderme, il aurait pu gagner et tromper des malheureux assez faibles, pour se laisser entraîner à ses insinuations et à ses perfides conseils; Pétion savait, dans ses calculs diaboliques, qu'en les excitant à la révolte contre le premier chef il devait en résulter trois choses qui les obligeraient ou à prendre les armes pour servir son parti, ou à périr, ou à fuir, pour se ranger de son côté ; de sorte que de quelque manière que l'événement se tournât, ce traître plus rusé que Machiavel même, n'avait qu'à

(1) Telles sont les instructions qu'il avait données au général Lamarre; nous avons la pièce originale sous les yeux.

gagner dans le cas où les hommes de conleur qu'il avait séduits auraient été victorieux, son parti triomphait; massacrés dans leur révolte ou obligés de prendre la fuite pour se rallier de son côté, c'était toujours à son avantage; outre qu'il affaiblissait les forces de son ennemi, il augmentait les siennes.

Après l'issu de l'événement il savait encore en profiter; il avait l'air de s'apitoyer sur le sort des infortunés qui avaient péris par ses machinations et ses perfides conseils ; il affectait d'accueillir avec empressement ceux qui avaient * échappés à ses embûches et aux massacres ; il les présentait au public, et pour combler la mesure de sa scélératesse, le résultat de ses crimes et de ses forfaits, lui fournissait encore des argumens pour faire un tableau effrayant des malheurs publics, pour représenter Henry Christophe comme un monstre, tyran. Après ses scènes publiques, il jouait dans son cabinet un rôle tout différent; venait→ on lui dire qu'il existait encore des hommes de couleur dans le Nord, malgré les événe mens qui avaient eu lieu, Pétion répondait, tant pis, je voudrais qu'on les eût exterminés.

comme un

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