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à le proclamer et à le reconnaître pour le chef du gouvernement haytien, de leur propre volonté, et par un mouvement spontané de leurs cœurs, sans même le consulter, sans qu'il l'aie jamais sollicité, ui demandé; mais par un funeste égarement, l'homme qui avait été proclamé unanimement chef du gouvernement haytien, l'homme qui avait été reconnu universellement probe et vertueux, le seul capable de bien conduire les affaires publiques; du 17 Octobre au 1er de Janvier, par une fatalité inconcevable, avait cessé dans ce court intervalle d'être ce qu'il avait été à leurs propres yeux, et il était représenté à la multitude comme un tyran qui avait tout à coup perdu ses droits, ses vertus, son habileté, par ceux-la même qui trois mois auparavant l'avaient déclaré et jugé le seul digne et capable de les gouverner quel changement prodigieux! comment pouvait-on le méconnaître et prendre aussi bénévolement les armes contre son autorité? quelles pouvaient être les véritables causes de cette guerre cruelle, atroce, et barbare? quels motifs assez puissans pouvaient exister pour porter des concitoyens,

un peuple de frères à s'entr'égorger? 1es mêmes absolument les mêmes qui avaient nécessité la guerre civile de Rigaud et du général Toussaint: ce sont les seules et véritables causes, jamais il n'en a existé d'autres.

Comme Toussaint, Henry a été entraîné, malgré lui et contre son cœur, sur le champ de bataille; comme Rigaud, Pétion a été également injuste, ingrat et ambitieux; comme Rigaud, il a été le vil instrument de la vengeance des blancs; s'il n'eût consulté que les vrais intérêts de sa patrie, s'il n'eût écouté que la voix de la droite et pure raison, si son cœur avait été accessible à l'humanité, n'auraitil pas reculé d'épouvante et d'effroi à la vue des maux incalculables qu'il allait attirer sur sa patrie? Ne savait-il pas que la première autorité ne pouvait lui revenir, et que voulant se saisir des rênes du gouvernement, il allumait indubitablement la guerre civile? Ne savait-il pas tous les maux qui allaient en résulter? Pouvait-il les ignorer? lui qui avait été témoin et un des artisans de la guerre de Rigaud contre le général Toussaint ? Pourquoi donc entreprenait-il une semblable guerre

qui devait produire de pareils résultats? Tout cela ne prouve-t-il pas évidemment que Pétion

a tout sacrifié pour satisfaire son ambition démesurée, et que les généraux et magistrats; le peuple et les troupes du Sud-Ouest ont été trompés et égarés pour servir les passions et les intérêts d'un seul homme ?

Dans cette guerre civile, malheureuse et désastreuse pour le peuple haytien, les blancs comme dans toutes nos précédentes guerres, jouèrent leurs rôles accoutumés; ils conseillaient et intriguaient des deux côtés ; ils aidaient de tout leur pouvoir aux deux partis à se faire tout le mal possible: des deux côtés, ils s'empressaient de fournir des armes, des munitions, des vaisseaux, des provisions, etc. On a vú même qu'aussitôt qu'un parti était prêt à succomber, ils faisaient tous leurs efforts pour le relever, afin de perpétuer la guerre civile.

Eh! que font-ils maintenant ? croit-on qu'ils aient renoncé à leurs projets favoris de nous diviser et de nous armer les uns contre les autres? Que font maintenant Colombel, Milcent et les français établis au Port-auPrince, aux Cayes, à Jérémie, à Jacmel ? ne sont-ils pas à travailler à corrompre l'esprit

national, et à se faire des partisans? Ne sont-ce pas des serpens que les haytiens de cette partie nourrissent dans leur sein qui, sous le prétexte de commerce, sont envovés pour exciter de nouveaux troubles et allumer la guerre civile (1) ?

Après la bataille de Cibert, da Ier Janvier 1807, toutes communications cesserent entre les deux partis : la séparation du pays qui n'était que simulée, devint effective; l'unité de gouvernement et de forces fût rompue; les ennemis d'Hayti furent au comble de leurs vœux; ils concurent de nouveau le fol et barbare espoir de profiter de nos dissentions, et de se servir d'un parti pour écraser l'autre.

Cependant, des deux côtés l'on travaillait à se donner une nouvelle forme de gouvernement et à se créer une nouvelle constitution.

Un Conseil d'Etat, composé de généraux et de citoyens notables de la province du Nord et de la première division de l'Ouest, fut

(1) Le nommé Sureau, négociant français, a ses maisons de commerce établies au Port-au-Prince, â Jacmel et aux Cayes; c'est le banquier du gouverne ment de la République.

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fut convoqué au Cap et créa la constitution du 17 Février 1807.

Ce conseil stipula pour les trois provinces du Nord, de l'Ouest et du Sud. Le Gouver nement eut le titre d'Etat d'Hayti, et son premier Magistrat celui de Président et Généralissime des Forces de terre et de mer. Cette charge était à vie et le Président avait le droit de se choisir un successeur parmi les généraux seulement. Le pouvoir législatif était confié à un Conseil d'Etat ; il y avait un Surintendant de nommé, chargé des finances, de la marine et de l'intérieur avec un Secrétaire d'Etat qui était chargé de la rédaction et du contre-seing de tous les actes publics, de la correspondance exté

rieure et intérieure.

Cette constitution renfermait des principes plus monarchiques que républicains, elle était convenable au temps et aux circonstances orageuses où elle avait été faite.

Les généraux et magistrats du Sud-Ouest se constituièrent aussi et stipulêrent également pour les trois provinces du Nord, de l'Ouest et du Sud.

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