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mens aussi divers et de principes aussi hétérogènes, devait ressentir immanquablement les effets d'une révolution; on n'avait besoin que d'une très-faible étincelle pour mettre le feu à tant de matières combustibles qui couvaient dans son sein.

1

La révolution sortait de consacrer en France les principes éternels et indestructibles des droits de l'homme, réuni en état de société; 1 liberté, l'égalité, proclamées aux yeux de tant d'hommes qui gémissaient sous l'oppression du despotisme colonial et d'un barbare esclavage, ne pouvaient manquer de produire de terribles effets, qui devaient, par leurs explosions, renverser et détruire de fond en comble le Système Colonial à Saint-Domingue.

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Pour détruire ce Système enraciné par le temps et les préjugés, il n'y avait que deux manières soit par la volonté des oppresseurs, et avec le secours du temps, ou bien malgré eux par des secousses violentes qui devaient nécessairement entraîner unc lutte de crimes, de sang et de destruction, pendant plusieurs années, entre les opprimés et les oppresseurs; c'est ce qui est arrivé: l'inflexibilité du caractère, les injustices et la tyrannie des ex-colons ont produit cette

lutte terrible qui s'est prolongée jusqu'à nos jours; et l'hydre colonial, dans son agonie, ose pousser encore de vains rugissemens!

Tandis que les royalistes et les républicains étaient aux prises en France, et que la révolution marchait à pas de géant, Saint-Domingue suivait le mouvement qui lui était tracé par la métropole les grands-planteurs et les petits-blancs, se querellaient, se disputaient et se battaient les uns voulaient ; que arborât la cocarde blanche, les autres la tricolore. Dans toutes leurs réunions, dans les sociétés, à table ou en public, il n'était question que des droits de l'homme, de la liberté et de l'égalité, etc.

l'on

Les domestiques et autres affidés qui approchaient des blancs, prétaient une oreille attentive à ces discussions qui avaient pour eux, outre l'attrait de la nouveauté, un grand intérêt; c'était l'objet de leurs entretiens, et ils en rendaient compte à leurs camarades. Les blancs ne prenant pas garde à ce qui se passait à l'entour d'eux, croyaient que nos sens trop obtus et trop grossiers ne pouvaient rien comprendre des discussions politiques;

tant ils étaient aveuglés par les préjugés qu'ils ont contre les noirs; préjugés qui ne peuvent encore les abandonner jusqu'aujourd'hui.

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Nous avons dit qu'un esprit d'égoïsme et d'orgueil, inhérent au Système Colonial dominait dans toutes les classes; les grandsplanteurs ne voulaient faire aucune cession de droits aux petits-blancs qui, de leur côté, voulaient bien avoir les mêmes droits que les premiers, mais les refusaient aux hommes de couleur ; et ceux-ci qui voulaient être les égaux des petits-blancs, refusaient de faire aucune cession de droits aux noirs.

C'est ainsi que l'infortuné Ogé, ne réclamant les droits civils et politiques que pour les hommes de couleur seulement, refusa de suivre les conseils du brave et généreux Chavanne qui l'engageait de faire participer les noirs aux mêmes avantages; et par-là se priva volontairement du concours d'une force immense; il fut la triste victime de ses erreurs, les blancs ne lui en tinrent aucun compte ; et il expira sous la roue avec les siens....

C'est ainsi que dans les différens concordats qui eurent lieu entre les blancs et les hommes de couleur, les noirs furent toujours sacrifiés par les deux partis.

Néanmoins le sang de ces martyres, le sang d'Ogé de Chavanne, versé ignominieusement sur un échafaud, criait vengeance, et contribuait à donner l'elan à la révolution ! La population blanche se partageait en deux partis distincts;

Les grands-planteurs que nous appellons maintenant les ultra-colons, car ils n'ont pas changé de système, formaient le parti royaliste et faisaient cause commune avec les émigrés, les espagnols et les anglais contre la France.

Les blancs attachés aux principes révolutionnaires que nous appellons maintenant les libéraux ou constitutionnels formaient le parti républicain.

La population noire et jaune devint les instrumens des deux partis; les grands-planteurs insurgèrent les noirs au nom des rois de France et d Espagne, pour les opposer aux républicains; et les republicains se virent. forcés de proclamer la liberté générale, pour pouvoir opposer les noirs aux planteurs, aux espagnols et aux anglais (1).

Les genéraux Jean-François, Biassou, Bou

(1) Voyez la Proclamation du commissaire Sonthonax qui publie la liberté générale, suscitée par l'insurrection de Galbaud et des pianteurs.

quemand,

quemand, Candi, etc. combattaient au nom des rois de France et d'Espagne, contre la république française, et les généraux Toussaint Louverture, Vilatte, Léveillé, et tant d'autres guerriers haytiens combattaient au nom de la République française, contre les émigrés, les espagnols et les anglais.

Les uns et les autres devaient être les malheureuses victimes de leur crédulité et de leur dévouement aux blancs.

Jean-François, Biassou, Candi et tant d'autres qui avez versé votre sang pour les rois de France et d'Espagne, qu'êtes-vous devenus? Jean-François a terminé ses jours dans l'exil, Biassou et Candi ont été inhumainement replongés dans l'esclavage, et enfouis tout vivans dans les mines du Mexique! Et yous Toussaint Louverture, Vilatte et tant d'autres guerriers haytiens, quelle a été la récompense des services éminens et de votre sang versé pour ces ingrats républicains? Toussaint est mort dans les horreurs d'un cachot, dans les tortures, de froid, de faim et de misère; Vilatte, avant d'expirer, a senti ses entrailles déchirées par le poison; des B

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