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CHAPITRE

XX

IV.

Troubles et Guerres Civiles.

OH douleur ! Qu'ils sont coupables ces hommes perfides et ambitieux qui ont attiré dans le sein de leur malheureuse patric toutes les calamités d'une guerre civile ! Qu'ils sont criminels ceux qui, témoins de tous les dés: tres qu'elle a occasionnés, de tout le ang qu'elle a fait verser, font encore tous leurs efforts pour la perpétuer, au lieu de chercher les moyens de l'éteindre et d'apporter un remède efficace à ce fléau destructeur ! Nos plaies saignent encore, ne devons-nous pas plutôt y verser un baume salutaire pour les cicatriser, au lieu de chercher à les r'ouvrir ?

Jamais, non jamais nous ne donnerons à nos compatriotes les affreux et perfides conseils des Colombel et des Milcent; ces traitres soudoyés par nos ennemis, n'écrivent que pour exciter la guerre civile, la haine et la vengeance, et porter leurs concitoyens à s'entr'égorger; mais nous

que

le seul amour de la patrie embrâse, nous n'écrivons que pour rétablir la paix, l'union, l'oubli et le pardon des injures, pour conserver un sang précieux que nous ne devons répandre que pour la liberté et l'indépendances Si nous rappelons les malheurs de nos guerres civiles, c'est contre notre propre volonté; nous y avons été entraînés, comme dans les champs de bataille, malgré nous, par nos adversaires ; et encore, nous n'écrivons plutôt que pour porter un remède à ces maux, et nous justifier de tout reproche, que dans les vucs de réveiller d'odieux souvenirs que nous voudrions, s'il était possible, ensevelir pour jamais.

L'empereur n'était plus : si les abus de son administration avaient été les scules et véritables causes de sa chûte, cette commotion politique n'aurait point eu d'autre suite. Les rènes du gouvernement remises dans les mains du Successeur légitime, n'auraient fait que passer d'une main à une autre, ce n'eut été qu'une transition de gouvernement; mais comme nous l'avons déjà observé, le but de Pétion était de s'emparer de la première autorité; en détruisant l'empereur, il n'avait franchi que le premier obstacle, il lui en restait un second,

'était le général en chef qu'il fallait aussi détruire, pour parvenir au souverain pouvoir,

Mais comme la révolution qui venait d'avoir

lieu s'était opérée en son nom, il fallait en fai: e naître une nouvelle pour obtenir un semblable résultat.

Avant d'aller plus loin, nos lecteurs nous saurons gré, d'esquisser le caractère de ces deux principaux personnages qui occuperont, quoique d'une manière bien différente, unc grande place dans l'histoire de nos guerres eiviles.

Henry Christophe, depuis le commencement de sa vie privée et politique, s'est toujours montré franc, probe et rempli d'honneur; bon père de famille, observateur rigoureux de la discipline, sévère à lui-même pour remplir ses devoirs; actif, brave et courageux; d'un caractère extrêmement vif; incapable de feindre ni de dissimuler; il a toujours exprimé hautement ses pensées et agit de même; juste envers les bons, sévère aux méchans, il sut toujours récompenser le mérite et punir le vice; il apporta sur le trône ses vertus privées et publi ques; șa franchise, sa droiture et sa justice,

son caractère et ses principes inflexibles luï ont souvent nui dans les affaires, et ses ennemis en ont toujours profité pour faire tourner ses propres vertus contre lui-même.

Alexandre Pétion était son opposé en tout et partout; c'était, sans contredit, le plus hypocrite, le plus artificieux et le plus ambitieux de tous les hommes; autorisant le vice et le désordre, bọn jusqu'aux méchants, caressant et flattant le peuple pour acquérir la popularité fourbe et traître; faisant assassiner ses ennemis par-dessous main; il joignait à une profonde dissimulation, les ruses et tous les talens d'un grand conspirateur; en un mot, il avait tous les vices en partage; ordurier dans sa vie privée, sans mœurs, c'était bien l'homme le plus accompli pour faire le malheur de son pays,

Henry Christophe avait des droits incon→ testables au gouvernement et à la gratitude de ses concitoyens, par ses longs et éminens services comme général en chef, et comme le plus ancien officier de l'armée; il avait réuni tous les suffrages des gens de bien; au lieu qu'Alexandre Pétion n'avait et ne pouvait avoir aucune prétention quelconque au gouverne

ment; il y avait bien d'autres généraux qui étaient au-dessus de lui par l'ancienneté de leurs rangs et de leurs services. Pétion n'était renommé à Hayti que par ses nombreuses trahisons, et cette popularité qu'il avait gagnée, n'était que le résultat de sa démoralisation; il n'en parvint pas moins, comme nous allons le voir, par ses intrigues, à diviser son pays, à usurper l'autorité et à allumer la guerre civile.

Dès l'instant de la chute de l'Empereur, le pays se trouva partagé, par le fait même, malgré que cette funeste et cruelle séparation ne parut pas d'abord sensible, elle n'en existait pas moins réellement.

Les troupes de la première division de l'Ouest qui s'étaient mises en marche pour aller joindre l'Empereur, sous le commandement du général Martial Besse, s'arrêtèrent à l'Arcahaye, pénétrées de douleur à la nouvelle de la mort de leur chef suprême; elles. voulaient marcher sur le Port-au-Prince, pour venger sa mort, mais leur général les détournèrent de leur dessein, quoiqu'avec peine, et les engagèrent plutôt à retourner dans leurs cantonnemens, pour y demeurer paisibles et soumises,

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