Page images
PDF
EPUB

où, voyant la fumée au loin dans les montagnes du Sud, il dit à ceux qui l'entouraient: Qu'à l'heure qu'il était son compère le général Pétion devait étre à tirer le fusil. Tel était encore son aveuglément sur le compte de ce

traitre.

La garde dont il est question se rendit effectivement sur le Pont-Rouge; en attendant l'empereur; la majeure partie des officiers se dispersa sur les habitations avoisinantes; on allait entrer dans une ville qu'on supposait en paix, on n'avait aucune méfiance ni inquiétude.

Pétion en aprenant l'arrivée de cette troupe, résolut de la gagner et d'en profiter pour tendre un stratagème à l'empereur; il envoya pour cet effet le général Yayou, un des instrumens les plus aveugles de la conjuration, qui parvint par ses caresses, à corrompre les officiers et à faire entrer cette garde au Port-auPrince, et on le remplaça aussitôt par un autre bataillon du 15cme des troupes du Sud ; Pétion poussa la perfidie jusqu'à faire mettre un commandant à la tête de ce bataillon de la même corpulence et avec le même habillement qu'avait le commandant Gédéon pour

pouvoir mieux tromper l'Empereur, qui reconnaissant de loin ces troupes n'aurait eu aucune méfiance.

Gérin, Yayou, Magloire et autres se posterent avec leurs troupes en embuscade dės deux côtés

Depuis le Port-ati-Prince jusqu'au morne Drouillard et même plus loin encore, dix mille hommes d'infanterie et de cavalerie avaient été apostés par les conjurés, de manière que l'infortuné empereur ne pouvait leur échapper.

Pendant que tout ceci se passait hors de la ville, Pétion, renfermé paisiblement chez lui, attendait l'issue de l'événement; fidèle à ses maximes hypocrites, if faisait agir pardessous main ses complices, dans le double dessein de tirer un parti avantageux des circonstances. Si les conjurés réussissaient dans leurs entreprises il devait s'approprier de tous les avantages résultant de la mort de l'Empereur; et dans le cas où il eût échappé à ses embûches, il s'était réservé les moyens de pouvoir se déclarer en sa faveur, en jettant tout l'odieux de cet attentat sur ses complices.

La vie de cet homme extraordinairement dissimulé est remplie de traits semblables }

il s'est tonjours joué de ses amis comme de ses ennemis, pour parvenir à ses fins.

Dans la nuit du 17 Octobre, l'Empereur se mit en route pour le Port-au-Prince; il n'avait avec lui qu'une vingtaine de personnes qui formait son escorte. Il n'arrivą rien d'extraordinaire dans la route.

Il traversa toute la plaine du Cul-de-Sac dans la plus parfaite sécurité, sans rencontrer personne qui l'avertit de ce qui se tramait contre lui.

Arrivé à quelque distance du Pont-Rouge, l'Empereur vit des troupes rangées en bataille des deux côtés du chemin, il les prit pour celles qu'il avait envoyé-là pour l'attendre, et il continua de s'avancer sans aucune défiance; il était déjà enfoncé bien avant au milieu des embuscades, sans que lui ni personne de sa suite s'en fussent apperçus: arrivé sur les troupes, il entend le commandement d'apprêter les armes et des cris mille fois répétés de halte! halte! l'Empereur dans cet instant reconnaît son erreur; il est trahi; il se voit au milieu du 15e régiment. Ce chef intrépide qui avait bravé la mort dans mille dangers s'élance au travers des bayonnettes, et

[ocr errors]

s'écrie: Soldats, ne me reconnaissez-vous pas? Il saisit sa canne, frappe et écarte les bayonnettes dirigées contre lui. Les troupes saisies de terreur et de respect n'osaient lever la main sur leur empereur, qui s'avançait toujours au milieu des rangs; alors un des plus audacieux osa le coucher en joue, l'Empereur aussitôt le tua d'un coup de pistolet: c'est dans cet instant que Gérin, Yayou et autres Chefs des conjurés qui étaient cachés dans l'embuscade, commandèrent le feu: il s'en suivit une décharge générale, le cheval de l'Empereur fut tué, et lui-même renversé percé de coups. C'est ainsi que mourut le chef de l'empire, au milieu de ses compagnons d'armes, de sa gloire et de ses travaux, après un an, dix mois et vingt-six jours de règne!

Le seul commandant de ses gardes le colonel Marcadier, périt bravement à ses côtés en le défendant..

C'est alors que l'on vit un blanc français nommé Verret, favori de Pétion, que l'Empereur avait conservé et promu au grade dadjudant général, s'avancer pour mutilerle corps inanimé de cet infortuné et le dépouiller

de sa montre et de ses bijoux (1); c'est alors que l'on vit un Georges, d'exécrable mémoire, lui couper un pouce de la main et le vendre ensuite dix portugaises à un étranger!... c'est alors que le cadavre..... mais, ô comble d'horrenr!. . . . .

On l'insulte, on l'outragé encore après sa mort,

C'est ainsi que Pétion parvint à faire détruire son chef, son ami et son bienfaiteur, pour se préparer les moyens de s'emparer de la première autorité et d'allumer la guerre civile.

(1) Ce Verret commande maintenant dans le Sud.

« PreviousContinue »