Page images
PDF
EPUB

C'est donc aux passions effrénées des ex-colons, à leurs crimes innombrables

que

la France doit imputer à jamais la perte de la plus belle et de la plus riche de ses possessions d'outre-mer !

Telles sont en abrégé, les causes principales qui nous ont conduit à la liberté, et de la liberté à l'indépendance!....

CHAPITRE II.

Du Gouvernement d'Hayti sous le Gouverneur-Général JEAN-JACQUES DESSALINES.

APRÈ

PRÈS l'expulsion de l'armée française, les vainqueurs s'occupèrent à adopter une forme de gouvernement, et à se constituer en peuple libre et indépendant.

On ne pouvait raisonnablement espérer de trouver de grandes lumières et de grands principes de législation, parmi des hommes qui sortaient de secouer le joug de l'esclavage et de l'ignorance, parmi des hommes qui avaient encore le cœur ulcéré et l'esprit aigri par les malheurs, et qui sortaient de soutenir une guerre opiniatie et barbare, qui avaient toujours vécus dans les dangers, dans les bois et dans la poussière des camps.

Aussi trouve-t-on dans les actes d'alors
F

l'enthousiasme, l'exaltation et l'énergie qui retracent parfaitement l'esprit qui animait leurs auteurs.

Le Ier Janvier 1804, à-peu-près deux mois après l'expulsion de l'armée française, le général en chef de l'armée des indigènes convoqua les généraux, les principaux de l'armée et du peuple en assemblée générale de la nation, aux Gonaïves, à l'effet de prendre les mesures qui devaient assurer le bonheur du peuple, sa liberté et son indépendance !

De nos premiers pas dans la carrière législative devait dépendre le bonheur ou le malheur de notre pays; mais nous fîmes alors une faute capitale ; peut-être c'est d'elle d'où décou lent toutes les calamités de nos guerres civiles; c'est de n'avoir pas su bien nous constituer mais alors nous n'avions pas encore acquis l'expérience et la prudence que nous avons aujourd'hui ; nos idées n'étaient point fixées sur le mécanisme des gouvernemens représentatifs et monarchiques, et nos législateurs savaient mieux manier l'épée que la plume.

Il était donc naturel qu'une assemblée com

posée de guerriers eût adopté un gouvernement purement militaire.

L'acte de l'indépendance fut proclamé; les généraux, les officiers, le peuple et les troupes jurèrent unanimement à la postérité, à l'univers entier de renoncer à jamais à la France et de mourir plutôt que de vivre sous są domination.

[ocr errors]

On ne fit point de constitution.

Jean-Jacques Dessalines, général en chef de. l'armée des indigènes, fut nommé et proclamé Chef du gouvernement sous le titre de Gouver neur-Général à vie, avec le droit de faire la paix et la guerre.

[ocr errors]

Ce titre ne pouvait convenir à un gouver→ nement indépendant; mais comme il avait été donné au général Toussaint, on le donna, par esprit d'habitude au général Dessalines, sans réfléchir à la véritable acception du mot qui ne pouvait plus convenir à notre changement, de situation. Le nom de l'île fut changé, le Saint-Domingue des Français fit place à l'ancienne Hayti; et de ce nom, les indigènes noirs et jaunes adoptèrent la dénomination générique de haytiens.

Il n'est pas inutile de remarquer que nous tenons autant à ces nouvelles dénominations que les français s'obstinent à conserver à l'île le nom de Saint-Domingue, soit dans leurs actes ou dans leurs écrits.

Le gouverneur-général fit une adresse, très-patriotique au peuple d'Hayti, où il retraça avec énergie les calamités, les horreurs et les injustices que nous avions éprouvées des français, et la nécessité où nous étions de vivre libres et indépendans ou mourir !

Après la dissolution de l'assemblée, les généraux retournèrent dans leurs commandemens respectifs.

Les généraux de division étaient ainsi placés: Henry Christophe au Cap, Clerveaux à la Marmelade, Vernet aux Gonaïves. Gabart à Saint-Marc, Pétion au Port-au-Prince, et Geffrard aux Cayes.

Après le gouverneur-général, le général de division Henry Christophe était le plus ancien des généraux de l'armée, et il était le seul noir de ce grade élevé; les cinq autres généraux de division étaient de couleur. Cette remarque prouve plus que tout ce que l'on

« PreviousContinue »