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passer un paquet sous le couvert du Commandant du port des Gonaïves, qui contenait la lettre et l'ordonnance.

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Il est bon d'observer que par la lettre des Commissaires, datée en vue du Cap-à-Foux, le 12 Octobre, on voit qu'ils nous annoncent devoir aller an Port-au-Prince, comme point central, pour communiquer de là, avec le Sud et le Nord; tandis que nous étions parfaitement instruits que dès le 5 Octobre, au soir, la frégate la Flore et le brick le Railleur avaient touché au Port-au-Prince, ayant à leurs bords lesdits Commissaires. Les perfides! ils n'avaient pas mêmes commencé à s'aboucher avec nous, qu'ils usaient déjà de ruse et de mensonge pour pouvoir nous tromper » !

Pétion attendait le retour des commissaires ex-colons avec impatience, prêt à céder ou à roidir, suivant la réception qui leur aurait été faite par le Roi d'Hayti. L'arrivée de ces commissaires ex-colons, annoncée et attendue depuis si long-temps avait causé de cruelles inquiétudes au général Pétion, et il était dans une telle anxiété, que les commissaires, à leur retour au Port-au-Prince, le trouvèrent malade,

Je rendrai compte de ce qui s'est passé au Port-au-Prince jusqu'au départ des commissaires ex-colons; ensuite, je me transporterai dans le Nord-Ouest, pour rendre compte des mesures que leur apparition sur nos côtes fit prendre au roi d'Havti.

Aussitôt son retour dans la rade du Portau-Prince, le vicomte de Fontanges écrivit au général Pétion, pour lui annoncer qu'il n'avait pu communiquer avec le Nord, que l'entrée des ports lui avait été refusée ; il envoyait à Pétion copie de la lettre qu'il avait, écrite au général Christophe, sous le couvert du commandant des Gonaïves, et qu'étant de retour, il s'empressait de reprendre les communications qui étaient l'objet de sa mission; dans le cours de sa lettre, il dit à Pétion, que Louis XVIII avait désavoué la mission de Dauxion Lavaysse, aussi bien que la conduite qu'il avait tenue; il mande à Petion dans la même lettre, par un P. S., de lui accuser réception de l'ordonnance du Roi qui les nommait ses commissaires à St-Domingae.

Les nouvelles du Nord-Ouest avaient entièrement rassuré Pétion, il n'était plus le meme

homme; après avoir accusé réception au vicomte de Fontanges de sa lettre, de copie de celle adressée au général Christophe et de l'ordonnance de Louis XVIII; voici comme il entre en matière avec cet ex-colon:

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Après de crimes épouvantables commis par des français crimes qui rougissent les pages de l'histoire, l'Indépendance d'Hayti a été solennellement jurée sur les restes encore fumants de nos infortunés compatriotes, par les guerriers intrépides qui venaient de la conquérir. Ce serment sacré, prononcé pour la première fois par un peuple indigné, n'a jamais cessé de retentir dans tous les cœurs; chaque année il est renouvellé avec un nouvel enthousiasme, il est le paladium de la liberté publique; le retracter ou en concevoir la coupable pensée, serait un déshonneur et une infamie dont aucun haytien n'est capable; l'altérer serait attirer snr nous des malheurs mérités; nos lois nous le défendent impérieusement, et comme Premier Magistrat de la République, la plus sacrée de mes obligations est de la faire respecter; je l'ai juré à la face du ciel et des hommes et je n'ai jamais

juré en vain. Nous faire revenir sur cette sainte résolution est an-dessus de toute force humaine; nous la possédons, nous nous croyons dignes de la conserver; pour nous l'enlever, il faudrait donc nous exterminer tous. Eh bien! si la chose était même possible, nous nous y déterminerions plutôt que de reculer ».

Il est inutile de pousser plus loin; mes lecteurs s'appercevront aisément par ce style fier, vigoureux et imposant, que ce n'était plus Pétion le francais qui parlait, mais c'était Pétion l'haj tien malgré lui qui tenait ce langage! quel homme! quel Protée! en combien de formes ne s'est-il pas métamorphosé en sa vie.

Cependant l'espionnage de Danxion Lavaysse revenait toujours dans l'esprit de Pétion, et l'occupait d'une manière désagréable; pour en finir et n'en plus parler, il s'adresse, dans sa lettre, au vicomte de Fontanges et lui dit: « Vous me faites l'honneur de me repéter, que cette mission a été désavouée par Sa Majesté, j'en demeure d'accord et par conséquent de la nullité de tous les actes

qu'elle

qu'elle a produits; je n'en parlerai done plus Pétion qui avait consenti dans les actes, dont il est ici question, comme je prie mes lecteurs de s'en ressouvenir, de payer une indemnité à la France, ou autrement un tribut; de lui accorder le commerce exclusif comme en 1789, et de reconnaître la souveraineté de la France, moyennant qu'elle aurait reconnu l'indépendance des droits aux haytiens, ou autrement dit, les droits civils et politiques de sujets et de citoyens français ; Pétion était bien aise de saisir l'occasion pour se rctracter de ses promesses; promesses qui étaient bien au-delà de ce qu'il pouvait tenir, et malgré que dans les individus mêmes une retractation quelconque suppose erreur, igno❤ rance ou manque de foi, et porte l'empreinte d'une action honteuse, Pétion, dis-je, n'en était pas moins bien aise de demeurer d'accord de la nullité des actes de son gouvernement et de ne plus jamais en parler.

C'est une chose bien digne de remarque et de fixer l'attention, de voir que le cabinet français diminuait de ses prétentions, pour

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