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monde entier. Si les passions, l'injustice et la cupidité parvenaient à étouffer notre voix et à paralyser nos généreux efforts, si nos contemporains restent sourds et insensibles aux cris de l'humanité et de la justice, du moins la postérité, plus juste, recueillera les matériaux que nous lui transmettons; elle jugera les hommes et les lumières du siècle où nous vivons; elle reconnaîtra les droits de l'innocence opprimée, et déversera la coupe de l'ignominie sur les oppresseurs. »

Après cette exorde énergique, le rédacteur rend compte de l'événement qui était le sujet de ses réflexions, de la manière suivante :

« Dans la matinée du 17 Octobre 1816, la vigie du Cap-Hency signala deux bâtimens, une frégate et un brick, louvoyant dans le large, reconnus pour être des bâtimens de guerre; à leurs manoeuvres, ils furent suspectés pour être des bâtimens ennemis qui croisaient devant le port et qui n'osaient s'en approcher de trop près.

Le lendemain au matin, ils s'approcherent du port et se tinrent à une distance à peu près de quatre licues.

Lo

» Le duc de la Marmelade, Gouverneur de la capitale, se rendit au fort de Picolet pour observer les manoeuvres de ces bâtimens; à leurs pavillons ils furent reconnus pour être des bâtimens français.

Vers deux heures de l'après-midi, la frégate fit le signal au brick qui était dans le large de s'aprocher d'elle, le canot du brick se rendit à bord de la frégate, apparemment peur prendre des ordres; et une demi-heure après, il s'en retourna à bord du brick; la frégate et le brick hissèrent le pavilion haytien au mât de misaine, et pavillon blanc au grand mât et au mat d'antimon, et firent pleines voiles sur le fort de Picolet.

» Alors le Gouverneur, présumant que ce pouvait être des bâtimens parlementaires, ordonna de faire approcher le bateau du pilote, sous la volée du fort, pour être prêt à faire entrer les bâtimens, dans le cas qu'ils l'eussent demandé.

A cette manœuvre chacun crut qu'ils allaient entrer incessamment dans le po t. Le pilote se tenait devant le fort, ayant pavillon haytien, à les attendre.

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Le brick s'approcha à deux lieues environ du fort, se mit en panne, vira de bord et tira

un coup de canon.

» L'on s'attendait à chaque instant qu'il aurait mis son canot à la mer, avec son pavillon de parlementaire pour venir parler au commandant du fort, et faire connaître l'objet de sa mission, ou demander le pilote s'il voulait entrer dans le port, comme cela se pratique chez toutes les nations; point du tout, le brick continua à faire des manoeuvres et tira plusieurs coups de canon.

» La frégate et le brick, fatignés d'attendre vainement que nous eussions envoyé à leurs bords, s'éloignèrent et firent route dans le canal de la Tortue. Le même jour, la vigie signala un brigantin faisant route dans l'Ouest, le brick français porta dessus, l'aborda et le -parla pendant long-temps, et ensuite il s'éloigna; le brigantin que l'on reconnut pour être un américain, changea sa destination et vint rôder aux environs du port, pendant plusieurs jours; il fit mine de vouloir entrer; un soir il s'approcha tellement, qu'on crut qu'il allait le faire: le pilote s'avança et au grand étonnement de tout

le monde, le brigantin s'éloigna; enfin après avoir rodé pendant six jours devant le port, il se détermina à entrer.

L'interprête du Cap-Henry se rendit de suite à bord, pour remplir les formalités d'usages; il reconnut, que le brigantin était le Sidney Crispin de New-Yorck, capitaine Elesha Kenn, ayant le Sieur Jacob M. King, pour subrecargue. Ces deux messieurs déclarèrent qu'ils étaient porteurs de deux lettres pour Sa Majesté le Roi d'Hayti, qui leur avaient été remises par le Capitaine du brick Français le Railleur.

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L'interprête s'empressa de faire son rapport au Gouverneur, qui se rendit immediatement sur la cale du Roi, pour interroger le Capitaine et le subrecargue, et savoir ce que c'étaient que ces lettres; mais quels furent l'étonnement et l'indignation du Gouverneur, lorsque le Captaine et le subrecargue américains lui présenterent deux lettres, sans contreseing, dont la suscription était insultante et injurieuse au gouvernement d'Hayti, étant dans des formes inusitées: A Monsieur le Général Christophe, au Cap-Français. Le

Converneur manifesta sa surprise et son extrême
indignation; et il dit au Capitaine et au subre-
cargne qu'il était étonné que des Américaias
qui commercent avec Hayti depuis tant d'an-
nées, qui jouissent de la protection du gouver
étaient parvenus

nement, et qui, comme nous, étaient
à la liberté et à l'indépendance, avaient pu se
chaiger d nne commission aussi déshonorante
qu'elle était déplacée, pour des hommes qui
appartiennent à une nation amie des haytiens;
le Gouverneur leur fit la remise de suite des
deux lettres sans les décacheter, et leur signifia
l'ordre d'avoir à les rapporter à ceux qui leur
en avaient fait la remise, et d'avoir à sortir
da port sur-le-champ: ce qui fut exécuté;
tous les canots du port remorquèrent le bri-
gaatin, qui fut mis dehors immédiatement.

» Le brick le Spéculant, sortant du CapHenry, allant aux Gonaïves, rencontra la fégate et le brick français en vue du Cap-àFoux.

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que

Les Commissaires se doutant bien, leurs lettres ne seraient point acceptées, si elles n'étaient adressées dans les formes usitées, profitèrent de l'occasion de ce bâtiment pour faire

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