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Fort-au-Prince, la frégate la Flore, précédéc du brick le Railleur, ayant à bord cette commission coloniale et législative, si attendue, dont la sagesse devait de concert avec Pétion, gagner la partie du Nord à la France.

Le vicomte de Fontanges, était encore en mer, qu'il annonça à Pétion, par sa lettre du 2 Octobre son arrivée, et lui déclara quels étaient l'objet et le but de la mission.

Dès ce moment Pétion n'avait plus besoin de communiquer avec les commissaires, il en savait assez; il devait les récuser et leur défendre l'entrée des ports de la République.

10 Leur qualité de commissaires annonçait une puissance supérieure qui les avait commis, pour notifier des ordres à des sujets.

20 Leur qualité d'ex-colons, d'hommes orgueilleux, vindicatifs et tyrans, de ci-devant maîtres, ennemis naturels et implacables de s haytiens.

30 L'objet de leur mission qui était de faire reconnaître la souveraineté de la France, par la Républiqu.

Ces trois causes obligeaient Pétion de refuser les commissaires et de les notifier d'avoir à se retirer; mais Pétion ne pouvait plus avoir le sen

timent de la dignité d'homme; il n'était plus qu'un être avili et dégradé à ses propres yeux, tout sentiment d'honneur, de justice et d'hu- • manité, était banni de son cœur, il avait bu sa honte, il n'en était plus susceptible.

Le vicomte de Fontanges débute dans sa lettre par annoncer à Pétien, que le drapeau blanc qu'il avait défendu long-temps avec courage, avait été arboré avec enthousiasme depuis plus de deux ans sur toutes les terres de l'ancienne obéissance du Roi; que Saint-Domingue seul était en retard. Le Vicomte n'avait aucun doute sur la réception qui serait faite aux commissaires du roi, il était plein de confiance dans la loyauté de Pétion : « Nous vous expédions (lui dit-il) M. le colonel chevalier de Jouette, M. le chevalier Dominge chef d'escadron, qui sont porteurs de cette lettre, et M. le Dué l'un de vos compatriote qui nous a témoigné le désir de les accompagner ».

Voulant ensuite rappeller au souvenir de Pétion leurs anciennes connivences, lorsqu'ils combattaient contre la liberté des noirs, ce commissaire ex-colon termine sa lettre ainsi :

» Votre vieux, votre ancien général, le vicomte de Fontanges, celui sous les ordres

duquel vous et vos compatrioles avez défendu avec honneur la cause du Roi, quand des sujets parjures osaient l'attaquer, est le chef de cette mission toute pacifique (1).

Le vicomte de Fontanges proposait à Pétion d'arborer le drapeau blanc et de trahir les couleurs nationales; de recevoir des commissaires tous ex-colons, ci-devant propriétaires d'hommes à Saint-Domingue, les ennemis naturels et implacables des haytiens, qui venaient pour leur notifier les ordres du Roi de France : qu'est-ce que Pétion avait à répondre à une semblable ouverture? que l'acte de l'indépendance, la constitution et les devoirs de sa place l'empêchaient d'entamer aucune négociation sur des bases contraires à la liberté et à l'indépendance de son pays; que la république, libre et indépendante, ne pouvait recevoir des commissaires d'une puissance étrangère qui venaient pour lui notifier des ordres; que c'était une insulte faite à la majesté de la République; que le vicomte de Fontanges et les commissaires qui l'accompa

(1) Voyez les pièces justificatives, page 88.

gnaient étant en outre tous ex-colons, les ennemis naturels des haytiens. L'acte de l'indépendance et l'article 38 de la constitution les proscrivaient du territoire, que s'ils ne pouvaient mettre les pieds dans le pays, comme de simples individus, ils le pouvaient encore bien moins, étant revêtus d'un caractère hostile et insultant envers la République ; que c'était l'outrage le plus sanglant que le cabinet français pouvait faire au peuple haytien, que de lui envoyer des ci-devant maîtres pour notifier l'ordre aux ci-devant esclaves de retourner sous le joug de la France, et qu'en conséquence des motifs ci-dessus expliqués, le Président de la République se voyait dans le devoir de signifier aux commissaires français d'avoir à se retirer, que les ports de la République leur étaient fermés, et que quand à ce qui concernait le nommé Le Dué, comme sujet haytien, il serait arrêté, et comme transfuge, livré au glaive des lois des lois, pour éprouver le sort réservé aux traîtres et aux espions!

Voilà la réponse que Pétion aurait dû faire aux commissaires ex-colons, s'il eut été pénétré

des devoirs de sa place et de la dignité de la République mais il n'était qu'un traître vendu aux français; il s'était déjà déshonoré en recevant et en traitant avec un vil espion; il pouvait donc bien recevoir des commissaires ex-colons! Voici en substance la réponse qu'il fit au vicomte de Fontanges.

Nous avons (dit Pétion) à la vérité défendu avec beancoup de courage, et un dévouement sans bornes le drapeau français; il ne voulait pas dire le drapeau blanc, il craignait de choquer les idées du peuple; ensuite, après s'être rabattu sur des lieux communs, sur les événemens de la révolution, cette révolution que Pétion haïssait parcequ'elle avait rendu les noirs à la liberté (1); sur le caractère connu de Sa Majesté Très-Chrétienne, ses principes modérés, ses malheurs inouis, ceux de sa famille, une lutte aussi longue qu'elle avait été

(1) Voyez page 32, 35 et 36 de ia correspondance de Pétion avec Dauxion Lavaysse; la haine de Pétion contre la révolution éclate à chaque ligne, il se vante que sous le colonel Mauduit, il avait défendu la cocarde blanche!

cruelle

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