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lesquels les blancs, et surtout les français croyent piper les noirs et les jaunes. Dessalines vit à quel homme il avait à faire et se tint sur ses gardes; après donc avoir remercié le capitaine-général, il le supplia de croire que son plus vif désir était de se retirer en France avec toute sa famille, du reste il , que » s'en remettait aux bonnes intentions du gou» vernement auquel il était dévoué pour tou

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jours. Vous nous êtes trop nécessaire ici, lui » répondit Leclerc; yous ne partirez pour • France qu'avec moi, et ce ne sera tout au • plus que dans six mois. Donnez-moi la satisfaction de vous présenter au Premier Consul; vous savez qu'il est mon heau-frère? » cette époque est bien tardive, lui répondit 20 Dessalines; mais je ne veux que vous obéir. » Soit que Leclero fut réellement sa dupe, soit qu'il ne le crut pas assez fin pour découvrir le piège qu'il lui était tendu, il commença à Jui insinuer que jusques-là il ne lui avait pas été possible de découvrir quels étaient les vrais ennemis du gouvernement français; mais qu'il espérait, par son moyen apprendre quels gens il fallait combatten

pour rétablir le bon ordre et l'harmonie.

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Quand aux colons, dit-il, ils sont si mal» 'heureux et ont si peu d'influence, qu'il n'est pas présumable qu'ils trouvent leur compte » dans les troubles, ils ont tous leurs familles et leurs biens en France. Ne serait ce pas plutôt > aux hommes de couleur que nous devrions » tous nos malheurs?» Dessalines sentit toute la conséquence de sa réponse, et la fit dans les vues du capitaine-général ; « Puisque nous » sommes du même avis, dit ce dernier, je » pense que le seul parti à prendre serait de

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les exterminer tous; mais je suis embar»rassé sur le choix des moyens ; les troupes françaises sont tellement diminuées par les maladies, qu'à peine nous en reste-t-il > assez pour garder nos villes; je serais donc » d'avis que vous levassiez une armée de cinq

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mille hommes du pays pour cette expédi tion qui ne durera qu'autant de temps que » vous voudrez mettre à la faire. Attendez, ajouta-t-il, je vais vous en expédier l'ordre, de même que celui de prendre la quantité d'armes et de munitions qui vous sera » nécessaire. » En effet, il écrivit l'ordre de sa propre main et remit au général Dessalines

cinq cents doubles louis pour les frais de cette expédition, en le prévenant qu'il partirait quand il le jugerait à propos. Avant de quitter le Cap, il était de l'intérêt de Dessalines de voir tous les généraux français et de sonder leurs dispositions. Il vit Dugua, chef de l'état major de l'armée, qui, sans doute, mécontent dès-lors du capitaine-général, lui apprit que la 13e demi-brigade (1) devait-être incorporée comme sapeurs dans la garde d'honneur, et qu'il voyait avec peine que les malheureux qui composaient ce corps allaient être sacrifiés. Il n'en fallut pas davantage pour réveiller la sollicitude de Dessalines qui, immédiatement après la visite qu'il venait de faire à Dugua, apprit ce qui venait de se passer aux Gonaïves. >> (2)

Parfaitement éclairé sur les projets perfides du général Leclerc, le général Dessalines s'empressa de les communiquer aux autres généraux ses compagnons d'armes ; et ils résolurent unanimement de prendre les armes contre les français.

Dessalines, comme le plus ancien et le

(1) Troupes noires.

(e) Le général Toussaint venait d'y être arrêté.

plus

plus élevé en grade, parmi les généraux, fut reconnu sous le titre de Général en Chef de l'Armée des Indigènes.

C'est une chose bien remarquable, que les généraux noirs ont toujours résisté à la séduction des blancs, et déjoué leurs trames perfides!

Le commisssaire Sonthonax proposa au général Toussaint de faire détruire les hommes de couleur par les noirs; indigné de cette proposition odieuse, il le fit arrêter et embarquer. Hédouville lui fit la même proposition à l'égard de Rigaud, elle fut de même rejettée avec indignation, et il contraignit aussi Hédouville à s'embarquer pour France.

On vient de lire que Leclerc fit cette proposition à Dessalines qui résista non-seulement à cette infamie, mais s'empressa d'en donner connaissance aux hommes de couleur. Le Roi Henry tint une conduite aussi généreuse, lorsqu'il était général de brigade, cantonné avec ses troupes à la Petite-Anse, il s'empressa d'aviser Pétion, alors colonel, qui était sous E

ses ordres, et le général Clerveaux, qui était cantonné au Haut-du-Cap, du sort funeste dont ils étaient menacés ; et ils résolurent de concert à prendre les armes, pour se soustraire à la perfidie et à la vengeance des français. Depuis, de semblables propositions furent insinuées au Roi qui les repoussa avec horreur; mais n'anticipons pas; en attendant, nous n'hésiterons pas à dire que c'est au patriotisme, à la fermeté et au profond discernement de ce grand homme que le peuple haytien doit son salut, sa liberté et son indépendance. !

Si les généraux noirs ont principalement résisté à la séduction des blancs, il n'en a pas été de même des généraux de couleur qui ont été toujours assez faibles pour se laisser séduire et servir d'instrumens aux blancs. contre les noirs.

Cependant Colombel et Milcent accusent les noirs de vouloir détruire les hommes de couleur, tandis que l'histoire du pays et la vérité des faits démontrent au contraire que lés hommes de couleur doivent leur conservation aux généraux noirs qui n'ont jamais

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