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Un des premiers actes de Bonaparte à son retour en France, fut d'abolir la traite des nègres; la Convention Nationale avait aboli la traite et l'esclavage en 1793, sept ans après, sous, le ministère de M. Talleyrand, Bonaparte avait rétabli la traite et l'esclavage; et en 1814, M. de Talleyrand, ministre de Louis XVIII, avait élevé des obstacles insurmontables à l'abolition de la traité; c'était suivant ce Ministre, une idée toute nouvelle en France et impopulaire; enfin, il avait obtenu à force de sollicitations des puissances alliées, un répit de cinq années pour continuer la traite; et en 1815, Bonaparte l'ab lissait sans opposition pour se populariser; cent jours après, Louis XVIII maintenait le seul acte de Bonaparte, qu'il ait conservé comme un grand acte de morale et de justice.

Il est évident qu'en 1814, le cabinet de Louis XVIII, influencé et dirigé par les excolons, voulait réduire la population d'Hayti dans l'esclavage ou la détruire; les cinq années de traite qu'il s'était réservé, n'étaient que pour se donuer les moyens de remplacer la population indigene, dans le cas où elle eût

été détruite, par d'autres iufortunes africains! Lorsque l'on considère la manière que les divers gouvernemens qui se sont succédés en France, se sont joués de la vie et de la liberté des hom.nes, une pensée pénible vient nous affecter douloureusement, ne dirait-on pas que le genre humain est une race maudite, plus enclin au mal qu'au bien, toujours prêt à s'entre haïr, se déchirer et se détruire?

Le retour de Bonaparte en France fit éclater de nouveau la guerre en Europe; ce fut un coup de foudre pour Pétion, il se trouvait abandonné la France et environné d'ennemis ; par à la première restauration de Louis XVIII, il avait levé le masque et s'était montré ouvertement en faveur de la France; il redoutait que cette guerre lui aurait attiré sur les bras les anglais et le Roi d'Hayti; si Bonaparte n'eut pas été vaincu à Waterloo, la guerre se prolongeait en Europe, et Pétion comme français aurait immanquablement succombé sous les efforts de nos armes.

Les haytiens du Nord-Ouest et quelques uns mêmes du Sud-Ouest avaient par leurs écrits patriotiques, rallumé l'amour de la

patrie, le feu sacré de la liberté et de l'indépendance que le traître Pétion s'était efforcé d'éteindre dans le cœur des haytiens du SudQuest; à notre cri de rallienient liberté indépendance ou la mort! ils étaient sortis. de l'état de stupeur ou la trahison de leur chef les avait plongés; ils avaient comme recouvré cette ancienne énergie qui les caractérisait lors de la guerre de l'indépendance! l'ombre des Geffrard, des Férou et des Jean-Louis François, leur avait apparue pour ranimer leur courage et leur reprocher leur lâcheté; de jour en jour Pétion devenait plus impopulaire, des symptomes d'insurrection se manifestaient de toutes parts; il était devenu un objet de haine et de mépris pour les haytiens qui n'avaient pas renoncé à l'honneur et à la patrie! En Août 1815 une conjuration se forma au Port-au-Prince; elle s'étendait dens la plaine du Cul-de-Sac et avait ses ramifications jusqu'à Jacmel; le complot fut découvert le même jour que Pétion devait être assassiné; plusieurs des conjurés martyrs de la liberté et de l'indépendance de leurs pays, furent fusillés áu Port-au-Prince, au lieu appellé le Morne-à

Tuffe; parmi eux était le capitaine Celestin Maneville; le lieutenant-colonel Louis Lerebourg, un des chefs de la conjuration, eut le bonheur de s'esquiver du Port-au-Prince, et il alla insurger les montagnes du Fond Verrettes jusqu'au Sale-Trou.

Les conjurés avaient eu des armes et des munitions, des arsenaux du Port-au-Prince même.

Dans le mois de Décembre suivant, le lieutenant-colonel Louis Lerebourg füt livré par trahison au pouvoir de Pétion; ce brave officier eut la tête tranchée à Jacmel; j'ignore si l'on arracha de lui quelques révélations; mais peu de jour après sa mort il se commît un crime horrible au Port-au-Prince.

J'avais omis de rapporter dans son temps que le général Delvare, le même qui avait marché contre Rigaud, au Pont de Miragoane en 1810 (1), avait été arrêté et accusé de conspiration contre Pétion en 1811; on débitaît alors s que Delvare lui avait tiré un coup de pistolet qui avait brûlé fausse amorce; j'ignore

(1) Page 130 et 131.

si le fait est vrai, mais ce qui est constant et réel ce général avait manifesté hautement son opinion sur la nécessité où étaient les haytiens de s'entendre, et de terminer promptement leurs dissentions civiles.

Delvare avait été traduit pardevant un conseil de guerre et condamné à la peine de mort; mais comme il était noir il était impolitique de le mettre à mort; sur les représen tations d'un nommé Archibald Kane, négo ciant des Etats-Unis, un ami intime de Pétion, ine de mort fût commuée en cinq années de détention!

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Delvare avait subi sa peine; les cinq années de détention étant révolues, Pétion avait promis solennellement qu'il allait le faire mettre en liberté ; l'infortuné attendait du fond de son cachot, qu'on l'eût rendu à la liberté, à une épouse et à des enfans adorés, à sa famille et à ses nombreux amis; il entend ouvrir les portes de son cachot, l'espérance luit dans son cœur et vient ranimer ses sens abat-* tus; il se lève, au lieu de libérateurs qu'il attendait, il ne rencontre que d'impitoyables bourreaux ; il est égorgé, son corps traîné

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