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qui se sont constitués les défenseurs de la République, bommes immoraux qui n'ont eu même aucun égard ni aucun respect, pour leur propres concitoyens; des ennemis des noirs, de la liberté et de l'indépendance! Dans l'instant que je rédigcai le Cri de la Conscience, des lettres et paquets adressés au général Pétion, par Catineau Laroche excolon, un de ses agens à Paris, tombèrent dans les mains du gouvernement; ils achevèrent de nous dévoiler entièrement la conspiration de Pétion (1).

Suivant ces pièces, Pétion devait être le gouverneur général de la Colonie, les ex-colons. devaient, rentrer en possession de leurs biens, l'esclavage devait être rétabli dans quelques années, la France devait avoir le commerce exclusif comme en 1789, des abris pour ses vaisseaux et corsaires dans les ports d'Hayti; et dans le cas d'une guerre maritime, Pétion devait fournir un contingent de troupes régulières, et devait se mettre à la tête des troupes françaises pour faire la guerre au roi d'Hayti,

(1) Voyez les pièces justificatives page 72.

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pour réduire la population sous le joug de la France et de l'esclavage.

Nous nous hatâmes alors de rendre ces nouvelles publiques par la voie de l'impression, et nous expédiâmes un grand nombre de paquets pour le Sud-Ouest, à l'effet d'éclairer nos concitoyens; mais Pétion avait établi une police si rigoureuse, qu'il était difficile que ces papiers pussent pénétrer; ils étaient brûlés aussitôt qu'ils tombaient dans les mains des agens de la police.

Pendant que tout ceci se passait à Hayti, Dauxion Lavaysse était arrivé en France avec les agens de Pétion dans le courant du mois de Février 1815; les lettres de Dauxion Lavaysse du 6 Septembre et du 1er Octobre avaient devancé son arrivée, par la voie des papiers publics, et avaient été déjà mis sous les yeux de Louis XVIII, par M. le comte Beugnot, successeur de M. Malouet dans le ministère de la marine et des colonies; ce ministre fit imprimer dans le moniteur de France, du 19 Janvier Que la mission du colonel Dauxion Lavaysse, avait eu pour but de recueillir et de transmettre au gouverne

ment des renseignemens sur l'état de la colo nie, et n'était nullement autorisé à faire des communications, aussi contraires à l'objet de cette mission. Le Roi (disait M. le comte Bengnot) en a témoigné un profond mécontentement, et a ordonné de rendre publique sa désaprobation.

Ainsi, M. le comte Beugnot confirmait l'espionnage de Dauxion Lavaysse, au lieu de le désavoner, car envoyer des gens dans un pays sous de faux prétextes, sans caractère, pour recueillir et transmettre des renseignemens était un véritable espionnage.

Cet acte de M. le Comte Bengnot, couvrait Pétion de honte et de ridicule, mais il en était dédommagé par les louanges que lui prodiguaient des gazettiers français. On lisait dans le Journal des Débats de Paris, du 16 Janvier 1815, le passage suivant: « La résolution de Christophe ne doit influer en rien sur le plan qui seul peut rendre St-Domingue à la France. C'est le parti que prendra Pétion qui décidera du sort de cette colonie. Si ce chef, l'on dit exempt d'ambition, d'un caractère

que

dous,

doux, et plus éclairé que son rival Christophe, consulte les intérêts de la caste des hommes de couleur, dont il fait partie, il traitéra avec la France. Il sera facile de démontrer aux hommes de couleur, qu'étant propriétaires comme les blancs, et ne pouvant conserver leurs propriétés qu'autant qu'elles sont cultivées par des négres, ils ont intérêt de se réunir aux blancs propriétaires et au gouvernement qui les protège. Les hommes de couleur savent que leur nombre ne les protége pas suffisamment contre les nègres, qui les extermineront tôt ou tard si le royaume d'Hayti n'est pas détruit. Pour r'attacher les hommes de couleur au gouvernement français, il ne faut que leur accorder les droits qu'ils réclament comme propriétaires ; et si les armées des provinces de l'Ouest et du Sud étaient réunies à un corps d'armée française, Christophe n'existerait pas dans six semaines ».

L'ex-colon Jean Regnier, rédateur de la gazette française, dit le Courrier d'Angleterre, du 27 Janvier 1815, faisait ainsi l'apologie de la conduite de Pétion; « conduite ( disait-il ) P p

conforme aux intérêts de St-Domingue, ét qui justifie l'opinion qu'on a de la modération du caractère de Pétion et des motifs qui l'ont engagé à affanchir une partie de cette île du joug de Christophe

Le cabinet français se préparait à appuyer 'ces odieuses menaces par ses armes, les vaisseaux qui devaient porter les troupes et les commissaires au Port-au-Prince s'appareillaient: on avait nommé ( dit le Mémorial Bor delais, dont nous avons extrait ce passage) on avait nommé les pacificateurs, dont la sagesse devait régler de concert avec Pétion, une législation coloniale, qui nous aurait bien víte gagné la partie du Nord. » (1)

Bonaparte échappé de l'île d'Elbe, dans le mois de Mars 1815, arrêta le départ de cette expédition; Pétión dut encore son salut dans cette circonstance au plus grand des hasards; si Bonaparte avait tardé encore un mois, l'expédition partait et s'en était fait de Pétion et de l'expédition française.

(1) Voyez le Mémorial Bordelais, feuille politique, itéraire et maritime, N. 372. du samedi, premier Avril 1815.

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