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de couleur, le comte du Trou et le baron de Ferrier, et deux noirs, le baron de Dessalines et le chevalier d'Edouard Michaux, pour apporter l'olivier de la paix à nos compatriotes du Sud-Ouest.

Ces quatre envoyés étaient porteurs d'une dépêche du comte de Limonade, ministre et secrétaire d'état, au général Pétion, où le ministre lui proposait au nom du Roi; 10 l'oubli total du passé; 20 réunion franche et sincère; 30 conservation du grade et commandement du général Pétion; 40 conservationdes grades et emplois aux officiers généraux, magistrats, commandans mililitaires, officiers, sous-officiers des troupes ; 50 admission dans l'ordre de la noblesse héréditaire du Royaume, selon F'échelle des grades; 60 garanties des propriétés à tous les haytiens généralement propriétaires.

Le Roi s'engageait de maintenir les officiers généraux, magistrats et officiers de tous grades dans les places et emplois qu'ils jouissaient et exerçaient; il était loisible aux haytiens du Nord-Ouest qui avaient pu se trouver dans le Sud-Ouest par les événemens de la guerre, de rentrer dans leurs foyers; la même réciprocité

devait avoir lieu à l'égard des haytiens du SudQuest, qui avait pu se trouver dans le Nord.

Dans sa dépêche le ministre d'état insinuait au général Pétion, qu'il était accusé de servir la cause des français, et il était urgent disaitil, qu'il se justifiât de ces graves accusations.

Les quatre envoyés partirent: arrivés aux avants-postes à la Source-Puante, le comte du Trou, chef de la mission, écrivit au général Pétion, pour lui annoncer son arrivée et l'objet de sa mission; Pétion répondit avec empressement que les envoyés seraient reçus avec tous les égards que l'on devait à des compatriotes, et il leur envoyait un de ses aides. de camp pour accompagner les envoyés au Port-au-Prince.

Jusqu'ici, il paraît que les intentions de Pétion étaient donc de traiter avec nous.

Les envoyés arrivèrent au Port-au-Prince le 18 Février 1815; le peuple s'était porté en foule hors des barrières de cette ville à leur rencontre, ils furent accueillis avec des transports de joie et des cris de la paix ! la paix ! nous avons la paix ! Les envoyés du Roi, par

les.

les dispositions favorables du peuple, augu raient déjà bien de la réussite de leur mission ; mais le lendemain quel fut leur étonnement, après que Pétion eût fait l'ouverture de la dépêche dont ils étaient porteurs, de le voir devenir comme un furieux et faire éclater toute son indignation; il trouvait que la lettre du comte de Limonade était insultante et fallacieuse; il trouvait mauvais de ce qu'on lui parlait de paix, d'union, d'oubli du passé ; il poussait même ses scrupules jusqu'à s'indigner que la députation eut été composée de deux hommes de couleur et de deux noirs.

Que voulait donc Pétion ? Que désirait-il? il demandait la paix et la rejettait lorsqu'on la lui offrait ; il désirait la réunion des haytiens, et il devenait furieux dès qu'on la lui proposait: il savait bien que la guerre civile ne pouvait s'éteindre que par la réconciliation des deux couleurs, et il s'indignait de ce que la dépu tation était composée de manière à concilier les intérêts des deux couleurs.

La politique de cet homme artificieux et rusé était renfermée dans ce seul paragraphc;

Nn

il trompait tout le monde: foncièrement, il ne voulait ni la paix, ni la éunion, ni Pextinction de la guerre civile; il voulait bien un arrangement, mais un arrangement qui aurait pu convenir à l'exécution de ses desseins.

Je vais encore essayer de soulever le voile qui couvrait la politique infernale de cet homme qui a fait le malheur de son pays.

La cause du peuple haytien et son territoire étant une et indivisible, le but du roi d'Hayti, en proposant la paix et la réunion, était d'établir l'unité de gouvernement comme l'exigeaient les intérêts nationaux du peuple haytien.

Le général Pétion, en conservant son grade et son commandement, aurait eu par ce moyen l'administration intérieure du SudOuest, et il aurait eu dans ses mains toutes les garanties qu'il aurait pu désirer, et le roi d'ayti aurait pu stipuler pour les intérêts généraux du peuple haytien.

Cet arrangement conciliait tous les droits, tous les intérêts, assurait toutes les garanties, applanissait tous les obstacles qui pouvaient entraver la reconnaissance de l'indépendance; il ôtait à l'étranger tout prétexte de l'éluder, et

de chercher à négocier d'un côté, au détriment

de l'autre.

Un tel arrangement eut été honorable et glorieux aux deux partis, et précieux pour les intérêts généraux du peuple haytien; si le général Pétion eut été réellement un patriote, un ami de ses frères et de son pays, il se serait empressé d'accepter avec joie un mezzotermine, pour accommoder heureusement et à la satisfaction mutuelle des partis, nos déplorables différens; mais cet arrangement ne pouvait convenir au général Pétion, parce qu'il lui ôtait les moyens de pouvoir servir la cause des français et trahir ses concitoyens, d'autant plus qu'à cette même époque, il négociait en France et attendait l'arrivée des commissaires et d'une législation coloniale qui devait lui apporter le brevet de gouverneur-général de la colonie. Or, l'unité de gouvernement et la paix établie sur cette bâse ne pouvaient pas convenir à l'exécution de ses projets criminels; il est clair et évident que la paix et l'arrangement proposés n'étant pas comme il Tentendait et le voulait, il ne pouvait plus

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