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nemens, à moins que le cabinet français n'eûs préalablement reconnu notre indépendance.

Le cabinet français ne voulant pas la recon-naître, nous considérant comme des insurgens, ne pouvait donc envoyer un négociateur revêtu d'un caractère public; c'eût été reconnaître par ce fait notre indépendance, parce que tout état ou corps politique, qui reçoit * des ambassadeurs, a aussi le droit d'en envoyer, et vice versa : le cabinet français ne pouvant pas entrer en communication directe avec le gouvernement havtien ne pouvait donc employer que des émissaires secrets, caractère public, pour s'introduire dans le pays, sous de faux prétextes, pour sonder le terrein, et lui donner tous les renseignemens nécessaires pour se préparer à la guerre ; ces sortes de gens sont considérés comme de véritables espions; ceux qui se dévouent à jouer ce rôle dangereux, s'ils sont découverts, peuvent être arrêtés et chàtiés du dernier supplice, sans pour cela qu'on viole le droit des gens.

sans

Il restait au cabinet français un autre moyen, c'était d'envoyer des commissaires pour notifier ses ordres au gouvernement

haytien de rentrer sous son obéissance; on ne pouvait non plus les recevoir sans violer la constitution de l'état; c'est ce dernier moy n que le cabinet français a employé; mais n'anticipons pas. . . .

Dauxion Lavaysse, comme je l'ai déjà fait voir, était un homme vil et flétri depuis long-temps dans l'opinion publique, et il n'avait en outre, aucun pouvoir quelconque, comme les instructions de M. Malouet, ministre de la marine et des colonies le prouvent: ces émissaires ne pouvaient se montrer à Saint-Domingue que comme gens qui venaient préparer pour leur compte ou pour celui de quelque maison de commerce des opérations de ce genre. Ils devaient sonder adroitement les dispositions des chefs, après avoir pris connaissance de leurs moyens intérieurs, de leur plus ou moins de prépondérance dans l'ile; ils ne pouvaienť ́ signer aucun traité formel, ce qui n'aurait pas été de la dignité du roi de France; ils ne pouvaient que discuter avec les chefs de la colonie un plan d'organisation politique pour le rétablissement des préjugés et de l'escla

vage comme en 1789 (1). Et voilà précisément ce que Pétion et Dauxion Lavaysse ont fait au Port-au-Prince.

D'après tous les principes du droit des gens, je demande à Colombel et à Milcent, si Pétion aurait dû accueillir Dauxion Lavaysse au Portau-Prince? Et quand même il aurait été un ambassadeur ou un envoyé accrédité, il avait perdu son caractère de ministre public, par la mission odieuse dont il s'était chargé, et par sa conduite, ses insultes et ses outrages; un envoyé étant toujours un ministre de paix, mais il n'était qu'un véritable espion, et nous ne sachons pas qu'il existe un droit des gens pour les espions. Il serait singulier que dans cette République, il existerait un droit des geus pour de semblables scélérats, et qu'il n'en existerait pas pour la sûreté et la sauve-gaide du peuple.

Mais ses partisans pourraient m'alléguer pour sa défense, qu'une fois qu'il avait sollicité Dauxion Lavaysse de se rendre au Port-au

(1) Voyez les instructions du ministre Malouet à Dauxion Lavaysse, Médina et Dravermann, imprimées sous le N° 3.

Prince, qu'il n'avait

pu faire différemment que

de le recevoir et de le renvoyer; à cela, je leur répondrai que la première faute du magistrat de la République, a été d'avoir répondu à des insultes et à des outrages, d'une manière aussi plate et aussi déshonorante qu'il a faite; dans cette hypothèse il n'y aurait donc eu, dans la conduite du premier magistrat de la Répu blique, qu'incapacité, qu'imprévoyance et faiblesse impardonnables; eh! plùt à Dieu que les choses fussent ainsi, et que le président Pétion n'eût failli que par ignorance; mais malheureusement il n'y a jamais eu dans sa conduite. ni incapacité, ni imprévoyance, ni faute, ni faiblesse; il y a toujours eu crime de hautetrahison, avec connaissance de cause, prémé ditation et science certaine.

Je demanderai encore à mes antagonistes comment à l'arrivée de Dauxion Lavaysse au Port-au-Prince, Pétion avait-il rempli les devoirs de sa place et comment avait-il observé. les régles du droit des gens ?

N'aurait-il pas dû, suivant l'usage établi pour les communications diplomatiques, faire exhiber de Dausion Lavaysse ses lettres de

créance? N'aurait-il pas dû comme cela se pratique dans tous les gouvernemens, commencer par s'assurer si elles étaient faites et adressées dans les formes usitées ; si elles ne contenaient pas des termes offensans et injurieux, des propositions odieuses, inadmissibles et contraires aux lois de son pays? N'aurait-il pas dû, enfin, se convaincre si la personne qui lui était envoyée avait le caractère et les pouvoirs suffisans pour pouvoir entamer avec lui une négociation qui touchait de si près le salut de l'état? si Pétion avait fait son devoir et consulté les intérêts de son pays, il aurait rempli ces formalités d'usage et indispensables pour la réception d'un ministre public; il se serait alors convaincu que Dauxion Lavaysse n'avait aucun caractère public, ni aucun pouvoir quelconque, qu'il n'était qu'un émissaire secret du ministre Malouet, chargé de prendre des renseignemens sur la situation intérieure du pays, et il se serait convaincu que le cabinet français ne le considérait ( lui Pétion ) que comme un chef des insurgés de Saint-Domingue; il n'aurait pas entré en négociation avec Dausion Lavaysse, et ne se serait pas exposé à la

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