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le droit de récuser un ambassadeur ou autre envoyé ; la première dérive de celui qui envoie un ministre; la seconde de la personne du ministre méme ; et la troisième de l'objet de

sa mission.

« Ce n'est point, disent les plus célèbres publicistes, agir contre le droit des gens que de refuser un ministre qui vient de la part d'un ennemi armé contre nous, ou d'un prince dont on a sujet de craindre le ressentiment ou bien quelque surprise

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Les hollandais ne voulurent recevoir aucun ministre du roi d'Espagne avant qu'il eût reconnu leur état pour une république libre et indépendante; les Etats-Unis ont suivi le même principe envers l'Angleterre ; le roi d'Hayti en a fait de même envers la France, et j'ose espérer que son gouvernement ne dérogera jamais de ce principe, d'où dépend le salut du Royaume d'Hayti. On peut également refuser un Ministre qui a été autrefois notre sujet, et à plus forte raison, les haytiens doivent récuser les ex-colons qui ont été autrefois leurs maîtres, et lorsque le cabinet français nous envoya la dernière fois des com

missaires choisis, tous ex-colons, qui étaient accompagnés de quelques transfuges haytiens, pour notifier les volontés du roi de France, c'était une insulte, double et directe, faite au peuple haytien et à son gouvernement; parce que les ordres du gouvernement français, nous étaient notifiés, par des hommes autrefois nos maîtres, que nous pouvions refuser, et par des hommes sujets d'Hayti, que nous pouvions réclamer et punir comme des transfuges et des traitres.

Ce n'était pas sans calcul qu'un tel choix avait été fait par M. le vicomte du Bouchage; ceux qui ont reçu et accueilli ces Commissaires et les transfuges qui étaient avec eux, se sont abreuvés de cette insulte; mais nous anticipons sur l'ordre des temps....

On peut donc refuser un ministre public, qui a quelque rancune contre nous, ou qui est pris de la lie du peuple, ou qui est reconnu pour un mal-honnête homme, pour un aventurier, un fourbe ou un imposteur; enfin, un ministre qui vient protester contre nos droits ou nos entreprises, ou qui est chargé de nous faire des propositions odieuses, de fomenter des séditions dans l'état, ou en

un mot, de nous faire un mal manifeste; oft ne saurait dire qu'on viole le droit des gens à son égard, lorsqu'on lui réfuse l'entrée du pays et qu'on le renvoi dès son arrivée sur les frontières.

Un minstre public perd aussi ses droits dès qu'il ne conserve pas son caractère; parce que le même droit des gens qui établit la sûreté du ministre étranger, doit aussi assurer le souverain ou le gouvernement du pays, vers lequel il est envoyé, contre tous les attentats qu'il pourrait former contre la personne du Prince, ou contre l'autorité qui y est reconnue. Que deviendraient, disent encore ces publicistes, les rois, les états et les peuples, si d'autres souverains pouvaient envoyer des assassins, des perturbateurs du repos public, des gens capables de tramer des desseins sinistres dans un pays, avec le caractère de ministre public, et qu'il y put, à l'ombre de ce caractère, commettre impuné→ ment des crimes, violer les devoirs les plus sacrés; en pareil cas, tout souverain est en droit de faire arrêter un ministre public, de

le

le châtier avec la dernière rigueur, et de le punir même du dernier supplice, si son crime le mérite.

Voilà les règles du droit des gens, pour le ministre public; voyons pour les gouver

nemens.

Les communications diplomatiques, de gouvernement à gouvernement, se reglent toujours suivant les circonstances politiques où ils se trouvent placés; elles s'interrompent, se relâchent ou se ressèrent, suivant la bonne ou mauvaise intelligence qui existe entre les cours.

Or, à l'époque de la négociation dont il est ici question, il ne pouvait exister aucun rapport politique entre le gouvernement haytien et le gouvernement français, puisque les deux pays étaient en état de guerre ouverte et déclarée, par le fait même de l'acte de l'indépendance du premier Janvier 1804.

Le gouvernement haytien ne pouvait donc considérer la France, que comme une puissance ennemie, jusqu'à ce qu'elle ent par un acte public ou dans un traité formel, reconnue l'indépendance du peuple haytien, K k

Le gouvernement haytien que le peuple avait institué, n'avait ni le droit, ni le pouvoir de toucher et de rien changer à la loi fondamentale de l'état ; il était au contraire dans l'obligation expresse de la maintenir, de la défendre et de gouverner dans le sens et suivant les intérêts politiques du peuple, expri més dans la loi constitutionnelle de l'état; les changemens résultant de nos dissentions civiles. n'avaient rien changé à ces principes fondamentaux, sur lesquels reposent nos constitutions respectives.

Le rétablissement de Louis XVIII n'avait non plus rien changé à nos rapports politiques avec la France; comme nous l'avons déjà dit, ils étaient toujours les mêmes; comme dès le premier jour où nous avions proclamé notre indépendance; comme nous le sommes jusqu'aujourd'hui, en, état de guerre ouverte et déclarée avec la France, et jusqu'à ce que le cabinet français n'eût reconnu notre indépendance, il ne pouvait nous considérer, que comme des insurgens; et comme des insurgens ne sauraient recevoir ni envoyer de ministre public, il ne pouvait exister aucune communication entre les deux gouver

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