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et Pétion est mort dans son lit les cendres de ce monstre ont été accompagnées des pleurs et des regrets de ses concitoyens ! ô que je me sens humilié en traçant ces lignes! haytiens serions-nous donc reservés dans notre régénération à donner au monde les plus grands contrastes? A côté de ce qu'il y a d'honorable et de grand, faut-il que nos yeux soient témoins de ce qu'il y a de plus bas et de plus vil?...

La trahison de Pétion n'a pu avoir son effet; mais ses complots perfides n'en ont pas moins fait un tort manifeste au peuple haytien; il a fortifié le système de duplicité et de mensonge des ex-colons, qui égarent et trompent de nouveau l'opinion publique en France! il les a enhardis dans leur croyance criminelle qu'ils peuvent réussir à nous tromper et à nous séduire, en employant un système de perfidie, de mots et de phrases amphibologiques; et leur machiavélisme est devenu tel à notre égard, que désormais nous serons obligés d'inventer un nouveau vocabulaire pour pouvoir les comprendre; autrefois non-libre était le synonime d'esclave, cela pouvait assez s'entendre; mais aujourd'hui c'est bien autre chose; restaurer signifie détruire; bienveillance est

devenue synonime de perfidie, franchise de trahir, vérité de mensonge, vertu de crime, civilisation d'ignorance, morale de corruption; eh ! la religion même, la religion donnée aux mortels pour les consoler dans leurs afflictions, la source épurée de la morale, d'où découlent tous les biens et toutes les vertus; la religion est devenue dans les mains de ces hommes pervers un instrument de crime et de séduction !

C'est dans ce sens que ceux-mêmes qui nous montrent de la franchise et de la bienveillance, nous disent présentement que la France n'a plus besoin de faire la conquête de St-Domingue, mais qu'elle doit travailler dans les vues d'y faire naître la civilisation et la morale, et un nouvel ordre de choses plus convenable à la nature, à la justice et à l'humanité! c'est dans ce sens qu'ils comptent d'envoyer des prêtres à Hayti, pour séduire et corrompre la population; comme si nous étions assez ignorans pour ne pas savoir que l'on conquérait les peuples aussi bien et même encore mieux, par la civilisation, la persuation et la séduction, que par la force des armes !

Pour mieux parvenir à ses desseins, Pétion

fit accompagner en France Dauxion Lavaysse, par un français du nom de Pradère, qui possédait sa confiance, et du traitre Colonibel, le même que nous réfutons, créol de la montagne du Rochelois, haytien de la couleur la plus rapprochée du blanc, mais français par ses principes, un élève de Pétion, son secrétaire particulier, un instrument des français, et initié dans leurs coupables projets, un ennemi. implacable de la liberté des noirs et de l'indé pendance du pays; ce lâche transfuge et le français Pradère, étaient envoyés expressément pour appuyer les propositions faites à Dauxion Lavaysse, et pour donner les renseignemens que le cabinet français pouvait avoir besoin sur la situation intérieure du pays (1).

En même-temps que Pétion envoyait ses agens secrets auprès du gouvernement français, pour masquer ses véritables projets, il envoyait à Londres un certain, Garbage aussi

(1) Voyez dans les pièces justificatives la traduction du Colombian, Gazette de New-Yorck du 19 Novembre 1816, page 85 et 86, articles imprimés sous la rubrique de Pétion !

son secrétaire, et Méronné son neveu ; le prenier est mort en Angleterre, et le second retourné à Hayti, est tombé dans un état de démence et de folic.

Aussitôt après le départ de Dauxion La vaysse, Pétion mesura l'énormité des attentats qu'il avait commis envers le peuple haytien; ce peuple que l'on pouvait tromper un instant par l'emploi des mots scientifiques et de plirases amphibologiques hors de sa portée, avait failli s'insurger et incendier la ville du Port-au-Prince, en apprenant la résolution du Conseil Général de la Nation, et l'arrestation de Franco Médina, le complice de Dauxion Lavaysse.

Pétion vit alors malgré la connaissance parfaite qu'il avait du pays, combien il s'était mépris, et qu'il avait mal jugé l'esprit public des haytiens; il vit le danger imminent qu'il aurait couru, s'il avait eu le temps de proclamer au Port-au-Prince l'autorité de Louis XVIII, comme il se l'était proposé avant la découverte de la conspiration; il vit qu'il aurait été perdu sans ressource, parce que le peuple se serait levé en masse pour revendi

quer ses droits, sa liberté et son indépen dance. Cette sainte, généreuse et magnanime insurrection, aurait changée sur le champ, la guerre civile en une guerre nationale; les haytiens du Nord-Ouest eûssent volés au secours et dans les bras des haytiens du SudQuest leurs frères et leurs compatriotes ! Pétion avec quelques vils satellites partisans des français, rangés sous le drapeau blanc, combattant pour l'esclavage et l'asservissement de leur pays, auraient-ils pu résister contre un peuple entier ? contre cent mille guerriers ralliés sous les couleurs nationales, combattant pour la défense de leurs droits, de leurs vies et de leurs propriétés, pour la libération de leur pays, sous les étendarts de la liberté ct de l'indépendance? aurait-il eu cinquante mille français dans ses rangs, il aurait fini par être vaincu et précipité dans la mer?

Pétion dans cette circonstance, comme dans bien d'autres a dû son salut au caractère héroïque du roi d'Hayti, à son énergie, à son patriotisme et à son entier dévouement pour le peuple haytien; à sa franchise et à sa

loyauté

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