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Voilà ce que j'ai trouvé en scrutant les écrits de Pétion à Dauxion Lavaysse, quelquefois implicitement et souvent textuellement.

Cependant le peuple et les troupes du Port.. au-Prince murmuraient; ils étaient indignés de l'accueil que Pétion avait fait à ce français, qui parcourait librement les rues de cette ville inspectait les troupes sur les rangs et les insultait; ils auraient mille fois immolé cet ennemi de leur patrie, s'ils n'avaient été retenus par le frein de la discipline.

Les négocians anglais et américains établis au Port-au-Prince indignés de ce qui se passait, faisaient circuler des nouvelles qui contrariaient les vues de Pétion et de l'espion.

Le 19 Novembre, Dauxion Lavaysse écrivit à Pétion une lettre insultante et pleine d'invec tives contre ces étrangers; le comblait en retour de louanges, le qualifiait de français et de compatriote! « Nous sommes tous français, (disait» il à Pétion) que le nom auguste de Bourbon » soit le signal de notre ralliement; que la »sagesse et la fermeté avec lesquelles vous » avez long-temps gouverné ce pays, durant les orages révolutionnaires soient encore sa

» boussole et son ancre. Que la France et son » excellent monarque ne doivent pas la

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possession de ce pays à la nécessité, mais aux sentin mens vraiment français, et à la loyauté de ses » habitans. Votre excellence est digne d'opérer

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ce grand œuvre. Puisse-t-il vous devoir la >> reconnaissance de votre souverain et de vos » compatriotes des deux mondes ».

Pétion répondit à cette lettre le 20 Novembre au matin, et il acquiesça par son silence impli→ citement à toutes les insultes et flagorneries de ce vil espion.

Le 21 était le jour que Pétion avait fixé pour consommer son attentat, et le dimanche 20, dans l'après-midi, il reçoit par les envoyés du Roi, les instructions imprimées du ministre Malouet à ses trois émissaires, la résolution du Conseil Général de la Nation ot la proclamation du 11 Novembre 1814.

On dit qu'à la lecture de ces pièces, Pétion et Dauxion Lavaysse en furent frappés comme d'un coup de tonnerre; ils demeurerent confondus et attérés; leurs complots étaient découverts, Dauxion Lavaysse tomba dans un état de syncope; Pétion frémit du danger où sá

perfidie l'avait plongé; il aurait changé dèslors de sentiment, si son cœur corrompu avait pu changer. Voyant ses complots découverts par le Roi d'Hayti, et rendus publics par la voie de l'impression; il étouffa au peuple la connaissance des instructions de Malouet et des pièces qu'il sortait de recevoir, renvoya l'assemblée des généraux qui devait se tenir le 21 au 27 Novembre; sans doute, c'était pour avoir le temps de prendre de nouvelles mesures et de se reconnaître.

Le 27, malgré qu'il y avait sept jours que Pétion avait en main les preuves incontestables , que Dauxion Lavaysse était un véritable espion, qu'il ne pouvait être muni d'aucun pouvoir, le 27, dis-je, Pétion avait encore le front et la bassesse de proposer aux généraux et magistrats assemblés, la principale proposition de Dauxion Lavaysse, qui était d'abolir l'indépendance, et de former un gouvernement provisoire au nom de S. M. Louis XVIII.. Il voulait consommer son attentat à tel prix que ce fût; il trompait la bonne foi des généraux et magistrats, il éludait leurs vraies intentions; Pétion ne demandait à

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Louis XVIII pour les haytiens, que l'inde pendance de leurs droits, c'est-à-dire, que les droits de sujets et de citoyens francais; au lieu de demander l'indépendance d'Hayti, comme l'entendaient et le voulaient les généraux et magistrats du peuple, et qui sans doute croient encore de bonne foi, que Pétion l'avait réellement demandée; ainsi, par une tournure perfide et amphibologique, il renonçait de même à l'indépendance réelle, pour ne conserver qu'une espèce d'indépendance; c'est-à-dire, l'administration intérieure et les droits de sujets et de citoyens français, voilà ce que Pétion entendait par l'indépendance des droits.

Après avoir indignement trompé les généraux et magistrats de la République, en leur faisant renoncer à l'indépendance d'Hayti, il leur faisait proposer d'établir les bases d'une indemnité convenue, qu'il s'engageait de payer avec toute garantie juste qu'on exigerait d'eux; il offrait le commerce exclusif à la France, comme en 1789, qui, disait-il, faisait le bonheur des deux contrées, et terminait cet acte d'ignominie, par prier Dauxion Lavaysse

d'appuyer ses propositions auprès de S. M Louis XVIII, et qu'il était ( lui Pétion ). sans aigreur ni prévention contre la nation francaise !

Ainsi, les douleurs et les longues souffrances du peuple haytien, les injustices et les horribles calamités, qu'il avait éprouvées des français; tout cela n'avait pu faire aucune impression sur l'esprit et le cœur de Pétion; il était sans aigreur ni prévention contre la nation qui avait fait, il n'y a pas encore douze ans, brûler, pendre, noyer et manger par des chiens, ses frères et ses compatriotes. Le commerce de 1789, l'esclavage et la traite des nègres faisaient selon lui, le bonheur des deux contrées; et il avait dans ses poches les instructions du ministre Malouet, il savait que le cabinet français voulait le rétablissement de l'esclavage, et il osait tenir un pareil langage; je le demande à tous les hommes impartiaux, pouvait - il exister un homme plus français, plus traître, plus scélérat qu'était ce Pétion ?

Après avoir ainsi consommé son crime ouvertement aux yeux du peuple, et y avoir

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