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Complice de ses largesses et de ses bienfaits, n'a-t-il pas favorisé sa fuite? ne lui a-t-il pas chargé de poursuivre en France, l'exécution de leurs projets criminels? Colombel et Milcent, vils républicains! il faut enfin l'avouer et que la force de la vérité vous arrache donc cet aveu, avouez donc avec moi que votre avorton de république, était gouvernée par un magistrat aussi fidèle qu'il était rempli d'honneur !

Dans les premiers jours de Novembre Dauxion Lavaysse se rendit au Port-au-Prince d'après l'invitation qu'il en avait reçu de Pétion. Cet espion arrivait sur un terrein qui lui avait été préparé par son complice; il avait alors une connaissance approfondie des choses, ne pouvait plus s'égarer, ne courait aucun danger; il avait pour son protecteur, son guide et son complice le chef du gouvernement; il pouvait en toute sûreté pousser aussi Join qu'il l'aurait désiré son audacieuse entreprise; l'un et l'autre pouvaient s'entendre, se parler, s'écrire, se vendre et se marchander le peuple haytien, à demi-mot et à ses propres yeux, sans craindre de se trahir et de se com

promettre, comme il est facile de s'en convaincre par la correspondance qu'ils eurent alors (1).

Pour voiler cette conspiration infernale, ils l'avaient environnée de formes d.plomatiques; c'était pour mieux fasciner les yeux du peuple sur leurs horribles attentats; après s'être entendus dans des conciliabules, ils s'imaginèrent de négocier par écrit ; il leur était facile en se servant de l'amphibologie, et de l'emploi des mots déjà convenus, pour s'expliquer et s'entendre sur des points adoptés et discutés dans le secret du cabinet.

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Ainsi Pétion, par un crime horrible encore sans exemple dans les annales des nations vendait le peuple haytien, par écrit et sous ses propres yeux, tout en ayant l'air de défendre sa cause et de discuter ses droits : quelle affreuse perversité! quelle monstrueuse hypocrisie !

Dans les temps, j'ai donné les détails de cette conspiration dans un de mes écrits intitulé: Le Cri de la Conscience. Dans un essai comme

(1) Voyez les pièces justificatives imprimées à la fin de l'ouvrage.

celui-ci, destiné à servir de matériaux pour l'histoire d'Hayti, j'ai cru devoir encore consigner à notre postérité des faits aussi importans; puisse-t-elle, plus heureuse que nous, n'être pas le témoin des crimes aussi épouvantables, que ceux qui ont souillé et avili notre caractère national !

Je reprends ma narration.

Le 9 Novembre, Dauxion Lavaysse notifie officiellement à Pétion de restaurer la colonie française dans l'ile d'Hazti, de se constituer et les principaux chefs, le président et les membres du gouvernement provisoire d' Hayti, au nom de S. M. Louis XVIII. Dans la même note, l'espion invita Pétion d'employer son influence pour préparer le peuple à faire le sacrifice de sa liberté et de son indépendance ; il poussa l'insolence jusqu'à lui dire que les haytiens qui ne voudraient pas se ployer sous le joug de l'esclavage seraient envoyés à l'île de Ratau (1), comme des hommes violens et incorrigibles, dont les préjugés étaient incompatibles à la tranquillité de la colonie ; il

(1) Expression inventée par M, Malouet pour désin gner le fond de la mer,

prononçait d'avance leur arrêt de mort et le genre de leur supplice.

A qui ce vil brigand aurait-il osé faire de semblables propositions, si ce n'avait été à son abominable complice? Proposer la restauration de la colonie française dans l'île d'Hayti, n'était-ce pas demander l'abolition de l'acte de l'indépendance ? rien cependant n'était plus évident. Le Président de la république pouvait-il négocier un instant sur de semblables bases? devait-il admettre de pareilles propositions? en avait-il le droit ? certaine→ ment non; il ne l'avait pas, et ne pouvait l'avoir; Pétion trahissait la république; voilà ce qui explique sa conduite.

A cette note infamante, Pétion répondit le 12 de Novembre; il parjurait son serment, violait l'acte de l'indépendance et la constitu→ tion; il insultait à la souveraineté du peuple et se soumettait à marchander par écrit la liberté et l'indépendance du peuple haytien; il dit à Dauxion Lavaysse dans des termes non équivoques qu'il s'était fait haytien mal-gré lui, par nécessité absolue quand il n'avait

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pu faire différemment. Et notez bien que du 6 Septembre au 20 Novembre, jour où la conspiration fut découverte Pétion avait évité soigneusement de mentionner dans tous ses écrits le mot d'indépendance; ce qui corroborait encore la preuve que le traître avait déjà sacrifié cette garantie de nos droits et de notre existence, que nous avons conquise au prix de tant de sang. Un tel oubli ne pouvait provenir que de l'effet de la trahison! on le voyait au contraire mendier à Dauxion Lavaysse, dans ses écrits, les droits de sujet et de citoyen français; on le voyait demander la fixité du pouvoir dans ses mains; l'oubli du passé, les sacrifices et les faveurs du roi de Frame; on le voyait dire à cet espion, qu'il n'était pas éloigné de l'idée de s'entendre, mais pour cela qu'il était nécessaire que l'on lui accordât ses demandes; car s'il fallait mettre de suite les noirs dans l'esclavage, cela entrainerait une révolution subite et générale qui compromettrait sa sécurité et son existence, et ne serait pas à l'avantage du systéme politique que l'on voudrait suivre (le systême de M. Malouet ) G g

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