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mens préliminaires, pour introduire mes lecteurs dans mon sujet; ils n'oublieront pas que j'écris pour éclairer la masse de mes concitoyens, trop long-temps abusés par des traîtres et des fourbes vendus aux français, pour réfuter leurs calomnies, éclairer l'opi nion publique, et assurer le triomphe de la justice et de la vérité.

Mes lecteurs étrangers me pardonneront la méthode que j'ai adoptée et la manière de m'énoncer; je me suis conformé à la connaissance que j'ai du génie, du caractère, des lumières de ma nation; d'un peuple encore nouveau, qui n'a pas assez vécu dans la civi lisation pour posséder la connaissance des lettres; je suis donc dans la nécessité, dans des écrits politiques faits éclairer le peuple, de me mettre à la portée de la masse de mes compatriotes, de me répéter, de me rendre clair et intelligible à leur entendement, et de donner, si je puis m'exprimer ainsi, à ma construction grammaticale, une tournure haytienne.

pour

Je n'écris donc que pour éclairer l'universalité de mes concitoyens ; ceux d'entr'eux

qui ont autant et plus de lumières que moi, n'en ont pas de besoin ; ils connaissent aussi bien que moi les événemens qui se sont passés à Hayti; ils ont comme moi sous les yeux les écrits de Pétion et des français ses complices; ils ont pu donc se convaincre de sa perfidie et de son infâme trahison envers le peuple haytien.. Si Colombel, Milcent et leurs pareils, feignent de l'ignorer ou de ne s'en être pas apper çus, c'est qu'ils sont eux-mêmes des traitres, des complices de Pétion, qui ont le plus grand intérêt à étouffer la vérité à leurs concitoyens, pour les égarer et les plonger dans les horreurs de l'esclavage.

"

Cette digression n'est pas inutile ; elle instruit mes lecteurs étrangers, que les mêmes motifs qui me portent à me rendre clair et intelligible à mes compatriotes, étaient aussi les mêmes qui portaient le général Pétion à se rendre dans ses écrits obscur et inintelligible au peuple, de lui cacher la vérité, et le livrer, pour ainsi dire, à son insçu aux français.

Qui, certes, c'est cette connaissance parfaite que Pétion avait du génie, du caractère

et des lumières du peuple, qui lui a porté à se servir dans ses écrits de phrases amphibologiques, à double sens, de mots équivoques, scientifiques, de sous-entendus, d'allusions et de comparaisons qui n'ont aucun rapport à la situation morale et politique du peuple haytien, mais qui cependant étaient parfaitement entendus par ses complices, et impénétrables à la multitude, aux lecteurs bénévoles qui lisent en courant sans refléchir, aux étrangers mêmes, instruits et éclairés, qui ne peuvent être initiés dans ce machiavélisme infernal, dans ce mystère d'iniquité; le plan infernal de Pétion était celui des ex-colons, le même que l'on compte encore de faire usage. contre nous; profiter de notre peu de lumières pour tromper notre bonne foi et nous asservir, en employant contre nous, un système de perfidies et de mensonges, un manège d'hypocrisie combiné sur des mots, pour embrouiller la matière ; nous attirer dans le piége et aveugler les infortunés haytiens!

Si d'un côté, Pétion servait la cause des français, de l'autre il craignait de se montrer

ouvertement

ouvertement leur partisan et de trop s'aventurer envers le peuple; il savait aussi que Henry observait ses actions; il craignait donc de se montrer trop à découvert; de-là résulte l'obscurité qui régnait dans ses écrits et rendait leur rédaction entortillée et difficile: au raisonnement de l'haytien, à la page suivante succédait le raisonnement du français, de cet amalgame d'opinion, de principe et d'intérêt incohérens de crainte et d'espérance qui se repoussaient, résultait cette confusion que l'on trouve dans ses écrits, qui vous faisait échapper des mains pour un moment le fil de la conspiration, mais que vous retrouviez bientôt après; voilà ce que j'ai toujours trouvé dans les écrits de Pétion, à chaque fois que je me suis livré à en faire leur examen.

Ce n'est pas d'aujourd'hui que date sa trahison; dès le commencement de la révo→ lution il s'était montré traître à sa patrie et à ses concitoyens; pompon blanc, sous le colonel Mauduit, il s'était enrolé sous les bannières des ex-colons grands planteurs. Nous l'avons vu ensuite trahir le général Toussaint,

E e

fuir en France avec Rigaud et revenir dans le pays, lors de l'expédition de Leclerc, pour faire la guerre à ses concitoyens; nous l'avons vu lors de la guerre de l'indépendance, se faire haytien malgré lui, pour éviter la mort dont il était menacé; nous l'avons vu trahir l'empereur Dessalines, conspirer la mort de son chef et de son bienfaiteur, allumer la guerre civile, morcéler le territoire et la popu lation du pays, uniquement pour satisfaire ses projets ambitieux; nous l'avons vu détruire successivement tous les sénateurs, généraux, ses compagnons d'armes, qui lui avaient servi de marche-pied pour parvenir à la puissance; Rigaud même, son ancien chef et son complice, n'avait pas été exempt de sa perfidie et de sa vengeance; nous l'avons vu mettre tout son art et son machiavélisme pour exciter la guerre civile et faire couler des flots de sang de ses concitoyens; nous l'avons vu entretenir des liaisons criminelles avec les français, correspondre avec Ferrand à Santo-Domingo, recevoir Liot au Port-au-Prince, envoyer Tapiau en France traiter avec Bonaparte; nous avons valorsque l'Europe était armée contre la France

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