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tomba dans nos mains; les instructions secrètes du ministre de la marine et des colonies, dont il était porteur, sont les preuves incontestables de la perfidie du cabinet français à l'égard du peuple haytien!

Henry, dont la sollicitude paternelle s'étend sur tous les haytiens en général, tant ceux du Sud-Ouest que du Nord-Ouest, fit imprimer les instructions secrètes de M. Malouet à ses trois émissaires, Dauxion Lavaysse, Médina et Dravermann, pour leur donner toute la publicité possible, et afin déclairer le peuple haytien sur les projets de ses ennemis; Henry fit accompagner ces instructions de sa Proclamation du 11 Novembre 1814, qui annonce au peuple l'arresta¬ tion de l'espion français Franco Médina,

Ensuite le Roi se rendit dans sa capitale avec la cour, pour assister au Te Deum qui fut chanté en action de grâces au ToutPuissant, pour remercier sa bonté divine de nous avoir pleinement dévoilé les projets criminels de nos implacables ennemis.

Médina était présent à cẹ Te Deum; debout D d

sur un banc, afin que sa face fusse vue du peuple et des troupes ; et pendant que nous adressions des hymnes de reconnaissance à l'Eternel, il faisait amende honorable pour ses crimes; il entendit la lecture des instructions dont il était porteur, ainsi que de la lettre de Dauxion Lavaysse et du pamphlet de H. Henry, qui furent lus au peuple avec les réponses qui leur étaient faites. A l'issue du Te Deum, toutes ces pièces imprimées, furent distribuées aux assistans et à tous les officiers de l'armée.

Que l'on se figure la position de cet espion, au milieu d'un peuple immense, environné d'une foule de guerriers qui le considérait comme une bête curieuse et féroce, qui venait leur proposer l'esclavage ou la mort, les chaînes ou la destruction de leur génération jusqu'aux enfans de l'âge de six ans ; à moins qu'il ne fut un insensé, dans quel pays de l'Europe on ne l'eut pas écharpé? cependant on ne lui fit pas une égratignure. O français ! de quel côté sont les barbares, ceux qui veulent détruire un peuple entier, parce qu'il veut être libre, ou ceux qui ont eu l'humanité

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d'épargner la vie d'un scélérat, qu'ils pouvaient livrer au dernier supplice comme un espion (1).

Cependant nous avions toujours l'esprit préoccupé, sur ce qui devait se passer dans le Sud-Ouest, malgré que nous avions la conviction, que la masse des haytiens de cette partie, ne consentirait jamais à courber leurs têtes sous le joug de l'esclavage et à renoncer à l'indépendance; nous n'étions pas moins. sans avoir des inquiétudes sur les machinations des français et de quelques uns de leurs partisans, qui pouvaient, par des conseils perfides, entraîner le peuple dans de fausses démarches. Hélas! nos craintes n'étaient réellement que trop fondées, alors Pétion mar

(1) Nous disons humanité, ce n'est pas précisément oe sentiment; car il ne peut exister aucune humanité pour un espion; mais il en coute toujours de verser le sang des hommes, et nous avons voulu prouver à nos ennemis que ce n'était pas pour avoir le plaisir barbare de supplicier un espion, que nous l'avions arrêté, mais pour notre conservation et l'empêcher de nous faire un tort manifeste; que cette manière d'agir et de penser est différente de celle de nos cnnemis !

thandait avec un vil espion les droits civils et politiques du peuple haytien !

Dans cette circonstance nous fumes ins truits que Dauxion Layaysse, le complice de Médina, était arrivé au Port-au-Prince, qu'il y avait été reçu avec tous les honneurs mili◄ taires; nous en fûmes indignés.

Henry résolut d'éclairer les haytiens du Sud-Ouest, sur les dangers qu'ils courraient; la patrie menacée, les intérêts de la nation l'obligeaient de prendre des mesures pour opérer promptement la réunion générale des haytiens, à l'effet de repousser l'ennemi commun qui nous proposait les fers de l'esclavage ou la mort.

En vain plusieurs personnes représentérent au Roi, que puisque le général Pétion, s'était oublié au point de manquer à ses devoirs les plus sacrés, à ses concitoyens et à son pays, pour ne nous avoir pas donné connaissance des propositions qui lui avaient été faites, nous ne devions pas non plus l'instruire de ce qui s'était passé dans le Nord-Ouest. Henry répondait : quelque tort que puisse avoir le général Pétion à mon égard, cela ne doit pas

m'enpécher d'éclairer mes concitoyens et de les empêcher de tomber dans les piéges de nos tyrans! ce sont des hay tiens comme nous, ce sont mes enfans, je dois tout. oublier pour ne songer qu'à les sauver du danger qui les

menace.

Henry fit aussitôt faire des paquets pour le Port-au-Prince, et les envoya par trois militaires du 20ème régiment, qui en furent les porteurs.

Pendant que tout ceci se passait dans le Nord-Ouest, et que Henry se couvrait d'une gloire immortelle, en se montrant le père du peuple et le plus grand défenseur de ses droits, Pétion se vautrait dans la fange, et se couvrait dans le Sud-Ouest d'une éternelle infamie, commettait le crime de haute-trahison et de lèzehumanité, un suicide politique crime encore plus horrible et plus détestable que l'affreux régicide dont il s'était déjà souillé, puisque, ici, il voulait l'esclavage, l'assassinat ou la destruction d'un peuple entier !

Mais avant que je rapporte les événemens qui se passaient dans le Sud-Ouest, il est essentiel que j'entre dans quelques développe

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