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mettre premièrement en rapport avec le général Pétion, et dans les 25 jours d'intervalle qu'il y a entre les deux lettres, Dauxion Lavaysse avait eu le temps de recevoir la réponse de Pétion, et de combiner la lettre qu'il devait écrire au Roi, de manière à produire les effets qu'il s'était flatter d'obtenir.

Pétion lui ayant fait une réponse favorable, Dauxion Lavaysse se disposa aussitôt d'aller au Port-au-Prince; avant son départ il ft partir Franco Médina pour la partie espagnole d'Hayti, d'où il devait s'introduire dans le Nord, et chargea Montorsier de ses dépêches pour le Roi d'Hayti.

Jusqu'alors nous n'avions eu aucune défiance contre Montorsier, bien au contraire il avait notre confiance; dans l'affaire de la conspiration de Papalier, il nous avait montré de la bienveillance et de la franchise, il nous trompait et servait ses projets; mais nous ne pouvions deviner la perfidie de son cœur; il était comblé des bienfaits du Roi, il était aimé, fêté et chéri de tout le monde.

Il arrive de la Jamaïque, se donne un air important, se déclare se déclare porteur de paquets

intéressans pour le pays, ne veut les remettre qu'au Roi en main propre; S. M. était à Sans-Souci, Montorsier est notifié d'avoir à remettre les paquets, dont il était porteur, au baron de Dupuy qui les fit acheminer à S. M.

Le Roi convoqua aussitôt son Conseil Privé pour en prendre connaissance. Il y avait alors dix ans, que nous n'avions eu aucune communication quelconque avec la France, une foule de sentimens divers vinrent nous assiéger à la fois; que nous veut donc la France, que nous propose-t-elle ? veut-elle notre indépendance ou veut-elle nous réasservir ? veut-elle réparer ses injustices? ne nous a-t-elle pas fait assez de mal, pour chercher à nous en faire encore? Les paquets étaient encore sur le. tapis cachetés, et nous en avions déjà horreur.

Enfin le Ministre d'Etat rompt le cachet et donne lecture de la lettre de Dauxion Lavaysse; nous écoutons un tissu d'insultes, de forfanteries et de mensonges; l'odieux pamphlet de H. Henry était couché dans les mêmes termes; au résumé l'on nous proposait de choisir entre l'esclavage ou la mort.

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Le sentiment de la plus profonde indignation était peint sur tous les visages; plusieurs membres du conseil ne pouvant plus se contenir opinaient à ce que l'on criât aux armes, d'autres voulaient que l'on prit encore, sur-le-champ, des mesures plus énergiques. Henry, concen→ trait son courroux dans son âme; maître de lui-même, il écoutait en silence les diverses opinions entr'autres, un membre en émit une que la vérité historique me porte à consigner: Avant dit-il, de répondre, ne serait-il pas prudent de savoir quelle sera la conduite que tiendront le général Pétion et le peuple du Sud-Quest. Alors Henry rompit le silence et dit: Non, commençons par faire notre devoir; si le général Pétion et le peuple du Sud-Ouest font le leur, ils agiront comme nous! S'ils veulent se perdre ou se déshonorer, voudrions nous les imiter ?

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Henry dit ensuite au conseil, qu'il n'avait aúcun secret à garder envers ses concitoyens, que son intention était que toutes les affaires concernant les français et qui auraient rapport à la liberté et à l'indépendance du peuple

Ca

haytien, seraient traitées toujours publiquement, étant le seul moyen d'empêcher l'intri

gue des français et d'éclairer le peuple sur ses vrais intérêts. Tel a été, dit-il, dans tous les temps, la règle de ma conduite et de ma politique invariable: je suis résolu de ne pas m'écarter de ces principes et d'y persévérer plus que jamais.

Alors immédiatement, sans désemparer, le conseil expédia des lettres closes aux autorités civiles, administratives et militaires du Royaume, pour les convoquer en Conseil Général de la Nation.

Cependant, Montorsier persistait à voir le Roi, pour l'entretenir et essayer à le gagner.

Henry se rendit dans la capitale et lui donna une audience; là, ce scélérat, qui croyait déjà voir les français maîtres à Hayti, et qui pensait que les pièces dont il était porteur avaient intimidé le grand cœur du Roi, se mit à dévoiler tous les plans et les projets des français : Vous aurez, dit-il, en souveraineté et en propriété l'île de la Tortue; vous y resterez ou il vous sera loisible de vous retirer, soit en France, soir

aux Etats-Unis et partout où vous voudrez aller; les bienfaits du roi Louis XVIII vous suivront.

Henry contint son ressentiment pour lui donner le temps de dévoiler entièrement ses projets Je ne tiens nullement au trốne ni à la couronne, lui répondit-il, j'y descendrais tranquillement et y renoncerais sans peine, si je pouvais me flatter de couler des jours paisibles au sein de ma famille. Et c'est cela méme que l'on demande, ajouta Montorsier, en interrompant le Roi et en lui serrant la main avec force; c'était le plus grand obstacle que nous craignons, maintenant le voilà levé. Mais, reprit Henry, que diront mes officiers généraux, les membres. du conseil, les ministres mes secré taires; ils m'absorbent journellement, ils s'opposeront immanquablement ce projet. Détruisez ceux qui vous embarrassent reprit Montorsier, il faut vous en défaire au plutót!!!.... A ces affreuses paroles qui dépeignaient si bien toute la noirceur d'âme de ce français, Henry ne put contenir son indignation; il se lève et s'écrie à haute voix

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