Page images
PDF
EPUB

citoyen vertueux, rempli d'honneur; il était d'une probité rigide. Henry le regretta comme un de ses anciens compagnons d'armes, et lui fit faire des funérailles magnifiques; son corps après avoir été embaumé, a été déposé au Panthéon haytien, à l'église royale de SansSouci; plus de six mille personnes ont assisté à ses funérailles (1), c'est le même que Colombel aflirme avoir été tué par les ordres du Roi.

Après sa mort, sa veuve, Eléonore Chancy, épousa le neveu du Roi, le Prince Jean, duc du Port - Margot, qui est aussi décédě; la duchesse sa veuve, est maintenant la Dame d'Honneur de Sa Majesté la Reine.

A l'époque dont nous parlons, la guerre se faisait en Europe avec acharnement; nous vîmes avec satisfaction le triomphe des puissances alliées et le rétablissement de S. M. Louis XVIII; durant nos dissentions civiles. nous avions comme perdu la France de vue, et elle même semblait nous avoir oublié ; mais elle ne tarda pas à nous faire ressouvenir qu'elle était-là, et que désormais c'était d'elle que nous aurions le plus à nous occuper.

;

(1) J'ai été le principal Secrétaire du Prince des Gonaïves, pendant sept ans, au département des Finances et de l'Intérieur,

Le rétablissement de Louis XVII, ou le changement de gouvernement qui venait d'avoir lieu, ne pouvait changer nos rapports politiques avec la France; nous étions comme dés le premier jour que nous avions proclamé notre indépendance, en état de guerre avec elle; nous poutions donc seulement supposer que S. M. Louis XVIII eût agi envers nous avec plus de justice, de générosité et d'humanité, que Bonaparte ne l'avait fait. Mais d'un autre côté, nous avions des raisons de supposer que le retour de l'ancien régime en France, la renaissance des préjugés, qu'avait aboli la révolution, et surtout l'influence des ultra colons dans le nouveau. gouvernement, pe pouvait être que trèscontraire à nos intérêts.

[ocr errors]

Le changement de gouvernement ne change pas la politique et les intérêts des peuples; l'expérience nous a démontré, que nos conjectures étaient fondées. A peine que Louis XVIII est-il monté sur le trône de ses pères, que les mêmes hommes qui avaient induits Bonaparte dans l'erreur par leurs perfides conseils, et l'avaient entraîné à faire cette fameuse expédition de Saint-Domingue; les ex-colons, dis-je, l'entourent et l'obsedent de leurs clameurs.

Alors le porte-feuille de la marine et des colonies était confié à M. Malouet, vieillard, ex-colon, encroûté de ses préjugés coloniaux; la première pensée de ce Ministre, fut d'aviser aux moyens de pouvoir ramener SaintDomingue sous le joug de la France, et d'y rétablir l'esclavage comme en 1789. Un Malouet ne pouvait se détacher de l'empire des souvenirs; son plan était le comble où le délire et l'extravagance humaine peuvent se porter.

et

Son début fut d'envoyer trois émissaires avec des instructions secrètes, à St-Domingue, pour sonder les dispositions des chefs prendre des informations sur notre situation intérieure; c'était un véritable espionnage. - Il choisit pour chef de cette mission un nommé Dauxion Lavaysse, ancien terroriste, agent de Robespierre, sous le comité de Salut Public; un de ces être immoraux et flétris dans l'opinion, qui, depuis son retour en France, a été condamné à vingt années de chaînes et de travaux forcés, pour avoir commis le crime de bigamie; le second était un rénégat espagnol, nommé Agoustine Franco, dit Médina, anciennement chargé de la police des contre-bandes à Bannique,

ensuite nommé djudant-général commandant le département de Cibao, par Ferrand; il se signala par ses cruautés en faisant massacrer les femmes et les enfans dans une attaque qu'il fit contre le bourg d'Ouanaminthe; le troisième enfin, était un vieillard de Bordeaux nommé Dravermann choisi comme ayant des rapports avec Borgella dans le Sud.

Cet espionnage organisé, ces trois individus partent, s'embarquent à Boulogne, touchent à Douvres, visitent Londres, se rembarquent à Falmouth, descendent à la Barbade, ensuite à Sainte-Lucie, après à la Martinique, de là à Curaçao; enfin ils arrivent à la Jamaïque, lieu où ils devaient s'arrêter pour prendre langue, et combines leur espionnage de concert avec les ex-colons français réfugiés dans cette île.

L'arrivée de ces émissaires fut un sujet de joie pour tous les français; ils firent une adresse à S. M. Louis XVIII pour la solliciter de reprendre possession de sa colonie de SaintDomingue; dans leur délire, ils se croyaient déjà en possession de leurs ci-devant habitations et de leurs esclaves.

Dauxion Lavaysse choisit pour son secrétaire un ex-colon Lafond Ladebat, ex-conventionnel;Montorsier qui se trouvait à la Jamaïque fut un homme précieux, pour lui donner tous les renseignemens qu'il pouvait désirer avoir sur le Nord-Ouest.

Après que Dauxion Lavaysse cût recueilli tous les renseignemens qu'il croyait avoir besoin, il fit rédiger un écrit qu'il fit imprimer sous le nom emprunté de H. Henry, intitulé: Considérations offertes aux Habitans d'Hayti, sur leur situation actuelle et sur le sort présumé qui les attend. Ce pamplilet était rédigé dans l'intention de préparer les voies et devait précéder, l'arrivée des émissaires à Hayti.

[ocr errors]
[ocr errors]

Cependant Dauxion Lavaysse ne se dissimulait pas qu'il jouait un rôle très-dangereux il n'était pas muni de lettres de créances pour se rendre auprès des chefs d'Hayti; il vouluť s'accréditer lui-même, de crainte d'aventurer sa personne; il écrivit au général Pétion de la Jamaïque le 6 Septembre, et au Roi d'Hayti le Ier Octobre suivant, en se conformant à ses instructions qui lui prescrivaient de se

« PreviousContinue »