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les montagnes de Saint-Marc avaient été insurgées par les instigations de Viart; celles des grand et petit Cahos étaient en mouvement : quelques jours après le Mirebalais se revolta et le général Almanjor, commandant pour le Roi cet arrondissement, fut assassiné; des troubles avaient éclaté dans le Nord. Pétion, instruit de tous les mouvemens par les cons pirateurs, faisait des préparatifs pour marcher à l'effet de seconder ses partisans dans leur révolte.

Il est un principe éternel que de deux maux, il faut choisir le moins grand; l'état était rendu au bord du précipice, il fallait le sauver ou périr avec lui, que dis-je? il ne s'agissait même plus pour Henry de la conservation de son trône; il s'agissait de sauver sa propre vie, celle de sa famille, et des serviteurs fidèles qui lui étaient attachés, et celles de ses concitoyens qui n'attendent leur bonheur que de la consolidation de l'ordre des choses qu'il a su établir; dans cette extrémité désespérante, Je conseil du gouvernement se vit contraint de prendre des mesures promptes et énergiques de salut public; les généraux de province, de

division et d'arrondissement reçurent ordre d'arrêter les progrès de la sédition, et de réta— blir le calme par tous les moyens qui seraient en leur pouvoir.

Sans doute il s'est commis des excès dans ces temps malheureux, comme il est toujours arrivé dans les temps d'effervescence et de guerres civiles; une fois que les haines, les vengeances, les jalousies, l'ambition, l'impudicité, la cupidité et le pillage; une fois dis-je ! que toutes ces passions hideuses sont déchainées, il est bien difficile de pouvoir les contenir !

Henry était plongé dans la plus grande douleur; à chaque nouvelle trahison que l'on venait lui annoncer, je l'ai entendu s'écrier avec l'accent de la douleur: Ah les cruels! que leur ai je donc fait? O vous qui calomniez ce Prince malheureux, mais doué d'un cœur bon, sensible et généreux! le connaissez-vous? Avez-vous entendu comme moi ces cris douloureux, qui peignaient si bien ce qui se passait dans son âme? l'avez-vous surpris dans son cabinet à répandre de secrètes larmes et à s'affliger sur les maux de şa patrie

Vous êtes vous mis en son lieu et place, avant de le juger avec autant de sévérité ? que vouliez-vous qu'il fit? fallait-il qu'il se laissât renverser de son trône, égorger lui et sa famille, et tous ceux qui lui étaient dévoués et fidèlement attachés ?

Pour moi, de quelle manière que les contemporains et la postérité jugeront des événemens de son règne, je rendrai témoignage à la vérité; je dirai avec un cœur pénétré d'une intime conviction et du fond de ma conscience, que Henry est parfaitement innocent des maux de la guerre civile, qu'ils appartiennent au temps malheureux où il s'est trouvé placé et ne proviennent pas de son propre fait.

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Comme Auguste et Henry IV Henry mónta sur un trône ensanglanté par les guerres civiles; jamais Prince ne fut plus malheureux, à peine prend - il les rènes du gouvernement, qu'il rencontre un injuste ambitieux qui les lui dispute! tout-à-coup, il se voit environné de pièges et de trahison, il est trompé par des intrigans et des ingrats comblés de ses bienfaits; il voit son trône, sa vię,

celle de sa famille et de ses amis exposés aux plus grands dangers; au milieu des troubles, des désastres et des calamités, à tant d'adversités, on le voit opposer une constance et un courage heroïques; on le voit persévérer à faire tout ce qu'il peut pour faire le bien de son pays; dans le sein des troubles, il crée des lois, fait régner l'ordre dans le désordre et la paix au milieu de la guerre. Il est facile de juger par tout ce que Henry a pu faire dans des temps orageux et difficiles, s'il était parvenu au gouvernement sans éprouver d'opposition, s'il n'avait pas rencontré des traitres, des ambitieux, des ingrats et des parjures, et que son esprit ne se fut point aigri par les malheurs, il est facile, dis-je, de juger tout le bien qu'il aurait fait à son pays!

Pétion comptant sur la réussite de la conspiration se mit en marche avec son armée pour secourir les séditieux; mais arrivé aux Verrettes, il apprend que le Roi en personne, marche contre lui, que ses complices avaient péris ou échoués dans leurs complots, il se hâta de faire sa retraite sur le Port-au-Prince.

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La prise d'assaut du fort du Boucassin à 'Arcahaye en 1813 par nos troupes, fut le dernier événement militaire de cette malheu reuse guerre civile; dès cette époque toutes les hostilités cesserent de part et d'autre. Cette année nous vîmes achever entièrement le palais de Sans-Souci et l'Eglise Royale de cette ville; ces deux édifices construits par les descendans des affricains, démontrent que nous avons conservé le goût et le génie de nos ancêtres pour l'architecture; eux qui ont couvert de leurs superbes monumens, l'Éthiopie, l'Égypte, Carthage et la vieille Espagne !

Le 25 Décembre de la même année , est mort André Vernet, Prince des Gonaïves, Grand Maréchal d'Hayti, Ministre des Finances et de l'Intérieur à l'âge de soixantedouze ans, universellement pleuré et regretté;1 il avait servi sous le Gouverneur Toussaint, dont il avait épousé la nièce; ensuite, il fut Ministre des Finances et de l'Intérieur sous l'empereur Dessalines et le roi Henry. Le prince des Gonaïves termina sa longue carrière dans ses hautes fonctions de Ministre;

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