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Ce discours qui avait été écouté dans le plus grand silence, fit une vive impression sur l'esprit de la garnison; déjà les mieux intentionnés voulaieut que l'on se rendit, et les plus mutins ne le voulaient pas. Le général Métellus, leur commandant, voyant qu'il ne pourrait plus être le maître de l'esprit de ses troupes, pour faire cesser cette dispute, fit recommencer le feu. Le commandant de note batterie fut percé de plusieurs balles à quelques pas du Roi; alors le combat recommença de part et d'autre avec un nouvel acharnement, et se prolongea jusqu'à la nuit.

L'ennemi profita des ténébres pour évacuer le fort; il voulut forcer nos retranchemens et s'ouvrir un passage au travers de nos lignes; partout il fut vigoureusement repoussé; alors ses troupes se dispersèrent et se mêlerent parmi les nôtres; dans cette confusion et à la faveur de la nuit, elles se sauvèrent comme elles purent.

Au jour nous fumes témoins des désastres de la nuit et des horreurs de la guerre ; le général Metellus avait été tué à quelque dis

tance

tance du fort; il périt victime de son endurcissement et à la fleur de son âge; en se rendant, il eût été utile à sa patrie, et il eût épargné le sang de ses frères et de ses conci

toyens.

Le fort de Cibert commande la plaine, il intercepte la grande route du Nord qui conduit au Port-au-Prince; il fallait que nous occu→ passions ce point important; pour le rendre salubre et habitable, il était urgent de purifier ses alentours; l'on fit brûler les cadavres déjà putréfiés qui environnaient le fort et en com'blaient les fossés. Colombel a profité de cette circonstance pour lancer une calomnie atroce contre nous, comme si dans tous les pays du monde, l'on n'employait pas de semblables moyens pour empêcher la contagion et la peste,

Après la prise du fort de Cibert, le Roi joignit l'armée avec sa maison militaire, et fit aussitôt ses dispositions pour commencer le siége du Port-au-Prince.

Nous avons déjà vu que Pétion était allé au Pont de Miragoane, pour seconder, dans le Sud, les efforts que ses partisans faisaient en sa faveur.

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Borgella se trouvait à Aquin avec quelques

troupes, dans une situation critique et embar→ rassante; les Cayes, Jérémie et l'Anse-à-Veau s'étaient déclarés en faveur de Pétion, qui employait les mêmes artifices envers Borgella, qu'il avait usés envers Rigaud, pour l'engager à se rendre: « L'armée du Nord ( dit-il ) est en marche, elle est déjà dans la plaine du Cul-de-Sac, comment ferons-nous, pour lui résister, si nous sommes divisés ? Il n'en fallait pas davantage pour décider Borgella à se rendre; Pétion pour mieux encore le persuader, se hâta de lui envoyez Fremond et Panayoti, anciens amis de Borgella, qui achevèrent de le déterminer à se rendre avec ses troupes.

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Il est bon de remarquer en passant, qu'à chaque fois que le Nord a fait une tentative, soit de guerre ou de négociation, le Sud et POuest divisés se sont réunis ; il faut en conclure, que la crainte qu'ils ont du Nord l'emporte sur leur mutuelle animosité.

Pétion se hâta de rallier les troupes du Sud, et de se rendre avec elles au Port-au-Prince, où il arriva avant que nous ayons eu le temps de former le siège de cette ville.

Il est impossible que je puisse donner en ce moment les détails des opérations de ce siége; cela me détournerait de mon sujet: je dirai seulement, qu'il se fit de qu'il se fit de part et d'autre des prodiges de valeur; déjà nos retranchemens touchaient avec ceux de l'ennemi ; la ville était réduite à la dernière extrémité, et ne pouvait encore tenir tout au plus que huit jours, lorsqu'un événement malheureux vint changer la face des choses.

Pendant le siége, Pétion s'était ménagé des intelligences dans l'armée; il avait fait dans le plus grand secret tous ses efforts pour corrompre et embaucher les troupes. Reduit dans la situation la plus critique, pour s'en retirer il eut recours à ses armes favorites, la tra hison et la perfidie.

Le Roi s'était rendu à St-Marc, où des affaires de services l'appellaient; pendant son absence, il avait laissé le commandement de l'armée au Grand Maréchal Prince du Limbé, et le commandement de sa Maison Militaire à son beau-frère, le Prince Noël, ColonelGénéral des Gardes Haytiennes.

C'était le moment favorable pour les cons

fures; ils attendaient l'absence du Roi pour mettre à exécution leurs complots; étant à Saint-Marc, Henry reçoit la nouvelle par un courrier, que les troupes de la division commandée par le duc de Plaisance s'étaient révolées contre leur général, l'avait fait prisonnier et était entrées avec lui dans la ville du Portau-Prince.

Le Roi se mit aussitôt en route pour l'armée, et à son arrivée, il convoqua un conseil de guerre des généraux; l'événement qui sortait d'avoir lieu pouvait avoir des suites encore plus majeures, notre intérieur n'était pas tranquille, les conspirateurs s'agitaient dans le Nord et dans l'Ouest; il fut résolu dans le conseil qu'on leverait le siége du Port-au-Prince.

Le départ de l'armée se fit dans le plus grand ordre, sans que l'ennemi osa nous attaquer dans notre retraite; le siége avait duré deux mois et quinze jours.

Il était temps que nous arrivassions dans le Nord-Ouest; tout le pays allait être mis en combustion; les conspirateurs n'attendaient que le signal de l'événement arrivé au Port au-Prince pour frapper un coup décisif. Déjà

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