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il visait à faire chasser Pétion du Port-auPrince, pour se saisir de l'autorité; il fit faire par son conseil un écrit adressé aux citoyens du département de l'Ouest, par lequel il accusait Pétion d'être l'auteur de la chûte du Môle, de sa mauvaise administration, d'avoir laissé délabrer les finances de la république, d'avoir dissout le sénat et mis à mort la constitution que Pétion n'avait fait ressusciter qu'au besoin, (je me sers de ses propres expressions) pour se faire renommer à la présidence; Rigaud et son conseil concluaient que Pétion était la cause de tous les malheurs qu'avait éprouvé la république, et motivaient la démarche qu'ils avaient prise de déclarer le département du Sud indépendant de celui de l'Ouest, pour éviter d'être entraîné dans le même précipice.

Pétion qui visait également à renverser Rigaud et à le faire, chasser du Sud, lui fit répondre, par une adresse des citoyens du département de l'Ouest à leurs frères du Sud,

Dans cette adresse, Pétion reprochait à Rigaud son ambition et son ingratitude à son égard, et d'être un agent des français ; comme

si lui Pétion fût exempt de tous ces reproches il poussait l'impudence jusqu'à citer à Rigaud un passage de l'Ecriture Sainte, qui était sa propre condamnation.

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L'Ecriture nous peint (dit Pétion) un » homme qui voyait là paille dans l'œil de » son voisin et qui ne s'appercevait pas de la » poutre qui obscurcissait sa vue ».

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Ensuite, Pétion continue ses reproches contre son ancien complice et dévoile leurs anciens forfaits.

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L'adininistration du général Rigand n'est » pas exempte de censure ni de reproche; (dit la Gazette du Port-au-Prince, du g Juin 1811, an 8ème); nous nous ressouve» nons très-bien de l'arrestation du général » Montbrun et de la bonne foi violée à son égard; de l'insurrection de la Valée protégée par des soldats du 2ème régiment » revêtus d'habits de cultivateurs et conduits

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» par Bouchard, afin d'expulser le général » Beaurais de son commandement de Jacmel.

Ainsi Fétion, dans sa fureur aveugle contre Rigand, oubliait que les reproches qu'il lui faisait retournaient contre lui-même ; il oubliait

oubliait qu'il avait été profondément ingråt eà ambitieux, qu'il avait trahi tour à tour tous les chefs et tous les partis; il oubliaît que Toussaint Louverture, J. J. Dessalines et Henry Christophe avaient éprouvés tous les effets de son excessive ambition et de sa perfidie; dans son délire, il voyait bien la paille qui était dans l'oeil de son voisin, mais il ne `s'apercevait pas de la poutre qui obscurcissais sa vue ainsi ce passage de l'Ecriture lui était bien plus applicable qu'à Rigaud.

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Cependant Pétion minait son rival sourdement; lorsqu'il se fût assuré qu'il avait un parti puissant dans la ville des Cayes, il insurgea, par le moyen de ses agens, le 17ème régiment; les partisans de Pétion, dans la ville des Cayes, se joignirent à ce corps et attaquèrent Rigaud dans son propre gouvernement; un combat opiniât, s'engagea, Rigaud allait succomber sous le nombre des attaquans, si Borgella n'était accouru d'Aquin avec son corps de cavalerie, pour le délivrer; les partisans de Pétion furent taillés en pièces par les vainqueurs ; si le

général Borgella n'était arrivé fort heureusement à son secours, Rigaud eût éprouvé le même sort de Gérin; il eût été immolé par les siens propres, à la vengeance et à l'ambition de Pétion. Les complices de Pétion, qui avaient échappés pendant l'action, furent recherchés et mis à mort par ordre de Rigaud.

Tels furent, dans tous les temps, les résultats des complots machinés par Pétion; c'est ainsi que cet homme pervers et artificieux, des extrémités du Sud aux extrémités du Nord, faisait massacrer ses partisans, en les excitant à la révolte contre leurs chefs, et ensuite il avait l'hypocrisie et la scélératesse de les plaindre et de s'apitoyer sur leur triste sort.

Après cet événement désastreux, Rigaud attaqué d'une maladie de langueur, se retira dans la plaine des Cayes, sur la ci-devant habitation Laborde; sa maladie jetta la terreur, le trouble et la consternation parmi ceux qui lui étaient affectionnés, ils craignaient après sa mort d'être les victimes de la vengeance de Pétion, et l'avenir a fait voir que leur crainte n'était que trop fondée.

Rigaud se sentant près de sa fin, convoqua

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auprès de lui son conseil et les généraux sous ses ordres; parmi les plus marquans étaient Borgella, Francisque, Vaval et Wagnac, les deux premiers de couleur et les deux derniers noirs. Rigaud choisit pour successeur Borgella qui lui avait rendu d'émines services, et qu'il jugeait plus digne et plus capable de commander que Francisque qui était le plus ancien; quant aux deux généraux noirs, leur épiderme était, depuis long-temps, un titre d'exclusion dans le Sud-Ouest, pour parvenir à la première autorité.

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Borgella, par sa conduite, n'a pas justifié la confiance que Rigaud avait en lui; il eut la faiblesse de se livrer, lui et les siens, à la discrétion de Pétion. Il est probable que le général Francisque se serait conduit avec plus. de fermeté et de vigueur, et aurait peut-être agi différemment. Le général Borgella n'a. pas connu sa vraie position: il pouvait devenir tout à coup un des grands hommes d'Hayti, éteindre la guerre civile et être le bienfaiteur de ses frères et de son pays; d'un seul mot, il pouvait, en rendant hommage à la justice et à la raison, reconnaître le

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