Page images
PDF
EPUB

entraîné le général Toussaint, malgré lui, sur le champ de bataille, et l'obligé à son tour, de servir d'instrument à la vengeance des blancs et du gouvernement français et à leurs projets de destruction ? N'aurait-il pas reculé d'épouvante et d'effroi à la vue des maux incaleulables qu'il allait occasionner à son pays ? Hélas! l'histoire de nos guerres civiles passées est le miroir de nos guerres civiles présentes, puissent-t-elles n'être pas celles à venir!.

La première guerre civile a été suscitée par l'ambitieux Rigaud, et la seconde, qui n'est qu'une réaction de la première, par l'ambitieux Pétion ; l'un et l'autre de ces deux généraux ont été les instrumens que les français ont employé pour nous diviser et nous détruire.

Dans cette guerre désastreuse pour les haytiens, et profitable seulement pour les blancs, on vit ces derniers se partager du côté du général Toussaint et du côté du général Rigaud; des deux côtés, ils furent les champions les plus ardens de la guerre civile, pour exciter les haytiens aux combats et au. carnage. Des maux incalculables furent les

résultats de leurs perfides conseils (1). O vous instrumens des ex-colons, Colombel et Milcent qui appelez à grands cris, dans vos insignifiantes diatribes, les haytiens à la guerre civile; vous qui avez l'audace de nous repro cher les calamités de la guerre allumée par Pétion, pourquoi ne rejettez-vous pas aussi sur le général Toussaint les calamités de celle occasionnée par Rigaud? Quoi ! c'est vous qui nous provoquez sans cesse à la guerre civile; c'est vous qui nous appelez au meurtre, au carnage et aux combats; et c'est vous qui nous calomniez et qui nous rep:ochez la mort des infortunées victimes qui ont été moissonnées par vos perfides machinations! ah! vils scélé

c'est vous qui les avez assassinées; c'est vous qui les avez entraînées dans l'erreur, pour servir vos passions, et qui avez creusé leurs tombeaux ; et si nous avions eu la faiblesse de nous laisser entraîner par vos

(1) L'abbé Bosquet rédigeait les proclamations do général Rigaud, un nommé Salenave celles du général Toussaint,

provocations

[ocr errors]

provocations perfides; si nous n'avions pas pénétrés vos desseins ténébreux, le sang haytien aurait encore coulé dans les champs de Cibert et de Santo, et vous pendant l'action, vous seriez restés derrière le rideau, à rediger de nouveaux pamphlets, pour faire l'énumération des morts, et un pompeux étalage des malheurs publics, pour représenter à vos complices les membres épars de vos compatriotes, la terre baignée de leur sang, et vous réjouir ensemble du résultat de vos complots et de vos forfaits; et après avoir été les auteurs, fauteurs et provocateurs de ces maux, vous voudricz encore nous les imputer et nous charger du poids de vos propres crimes?..

Après le départ de Rigaud, blancs royalistes et républicains, grands-planteurs et petitsblancs, tous se rangèrent autour du général Toussaint; Rigaud n'avait pu renverser le général Toussaint comme Hédouville se l'était proposé, les ex-colons prirent un autre moyen pour y parvenir; aidés et secourus par les prêtres, non-concordatistes, qui dominaient l'esprit du général Toussaint, ils entourérent

C

ce chef infortuné, ils lui prodiguèrent des fêtes et les plus basses adulations. C'était le nouveau Spartacus, le grand homme prédit par Raynal, et en même temps, ils tramaient en France et dans le pays, les nouveaux moyens qui devaient l'entraîner à sa perte.

Pour parvenir à l'exécution de leurs perfides projets, ils conseillèrent au général Toussaint d'établir des règlemens de police, presque aussi durs que ceux de l'ancien régime pour lui aliéner le cœur et l'esprit des noirs; ils le portèrent à immoler le général Moyse, son propre neveu, sous le prétexte d'une conspiration contre les blancs; ils lui suggérèrent de faire une constitution qui le rendait presque indépendant de la France, ce qu'il aurait dû faire tout-à-fait ou point du tout; car une pareille mesure ne supporte point de milieu, il faut être dépendant ou indépendant, l'un ou l'autre, et le général Toussaint en se rendant à moitié indépendant de la France, s'exposait à sa vengeance, sans s'être donné les moyens de pourvoir lui résiter. Les ex-colons lui suggérèrent aussi, l'idée de licencier une grande partie de ses troupes pour

les renvoyer à la culture; ils firent encore plus, ils poussèrent l'impudence jusqu'à lui faire nettoyer et applanir les grands chemins, tailler les haies, pour faciliter le passage de l'artillerie et de l'armée française; l'infortuné, en prenant ces fausses mesures, avait été persuadé qu'il travaillait au bonheur de ses frères et de son pays, et il en était certes bien convaincu.

Tandis que les ex-colons préparaient dans le pays la chute du général Toussaint, ceux qui étaient en France s'agitaient auprès de Bonaparte, lui fournissaient des moyens pécu¬ niaires, lui donnaient des conseils atroces qui nous attirerent bientôt l'expédition de Leclerc. sur les bras.

Alors tous se réunirent contre l'infortuné Toussaint; blancs royalistes, blaues républicains, grands-planteurs et petits-blancs ; conseillers, prêtres concordatistes ou nonconcordatistes, tous pour cette fois furent d'un accord unanime; la cause était générale, il s'agissait de l'esclavage ou de la destruction des noirs, il ne pouvait exister aucune division. dans les opinions.

Et nous aveugles que nous étions, que

« PreviousContinue »