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versé de sang; combien n'a-t-on pas abusé de vos noms sacrés! les uns ont cru que la liberté, signifiait de faire sa volonté, et les autres que l'égalité exigeait la confusion des rangs et des fortunes? C'est avec ces mots magiques qui ont tant d'attrait et d'empire sur le cœur de l'homme que les factieux de tous. les pays trompent et égarent le peuple; et c'est toujours en lui parlant de son bonheur et de ses droits qu'ils sont parvenus à l'enchaîner. Egalement ennemi du despotime et de l'anarchie nous croyons d'après le divin Platon; qu'un état n'est jamais heureux ni sous le joug de la tyrannie, ni dans l'abandon d'une trop grande liberté. Le plus sage parti est d'obéir à des rois, sujets eux-mêmes aux lois. L'excessive liberté et la grande servitude sont également dangereuses et produisent à peu près les mêmes effets »>..

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Après l'Edit qui crée l'ordre de la noblesse parut celui portant la création de l'ordre royal et militaire de Saint Henry.

Le Roi, s'en est déclaré le Chef Souverain Grand Maître et Fondateur; l'ordre était com-posé du Prince Royal, de seize grands croin

trente-deux commandeurs, et d'un nombre de chevaliers indéterminé; la dotation de l'ordre est de 300,000 livres de revenus.

Immédiatement furent organisées, la maison Civile du Roi, celle de la Reine, l'éducation du Prince Royal, et des Princesses Royales.

La maison militaire du Roi fut aussi créée et organisée simultanément; l'on choisit pour cet effet dans l'armée des militaires d'un mérite éprouvé, l'on en composa cinq corps d'infanterie et de cavalerie, désignés sous le nom de Gardes du Corps, Chevau-Légers du Roi, Chevau-Légers de la Reine, Chevau-Légers du Prince Royal, et un corps de grenadiers connue sous le nom de Gardes Haytiennes ; l'on ajouta depuis à ces cinq corps, le corps de Royale Artillerie et celui des Chasseurs de la Garde.

Le 30 Mai, les grands Dignitaires, les Officiers civils et militaires du royaume prêtèrent le serment entre les mains de Sa Majesté; d'obéissance aux Constitutions du Royaume et de fidélité au Roi ! et le 2 Juin suivant, LL. MM. Henry Ier et Marie-Louise, furent sacrés et couronnés Roi et Reine d'Hayti,

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Le Roi en montant sur le trône conserva son même caractère; ses mœurs privées et publiques ne recurent aucune atteinte, il ne fut pas ébloui, comme le commun des hommes,

· de sa prospérité et de sa fortune; il considéra la royauté comme un fardeau qui lui imposait de nouvelles obligations et des devoirs à remplir envers le peuple, plutôt que comme un titre qui relevait l'éclat et la majesté de la puissance!

Ici, je regrette infiniment, la nécessité où

me trouve de terminer cet ouvrage le plus promptement possible, pour ne pas laisser manquer l'à-propos, ce qui m'oblige de me circonscrire dans des bornes très-étroites, et de retrancher une infinité de faits et d'actions qui auraient rendu ma narration plus animée et plus intéressante ; j'aurais pu aussi m'étendre davantage sur les traits les plus remarquables de la vie héroïque de Henry et peindre le caractère physique et moral de cet homme extraordinaire si diversement représenté ; j'aurais pu dessiner les traits caractéristiques des principaux person→ nages de la famille royale et de la cour d'ilayti,

ainsi que des haytiens qui se sont les plus illustrés par leurs travaux, soit dans la guerre, soit dans les lettres, dans les arts et les sciences; mais hélas ! le temps fuit devant moi, le temps si précieux, si nécessaire, si indispensable pour la méditation et l'arrangement de ses idées. J'écris de mémoire et à la hâte, sans pouvoir me livrer à faire des recherches et un examen approfondi des matériaux que j'ai autour de moi, souvent même au milieu des douleurs et des plus cruelles souffrances; serait-il donc étonnant que mes tableaux ne fûssent que de faibles esquisses? Néanmoins peut-être mes lecteurs me sauront bon gré de les avoir faiblement crayonnés, les gens de lettres sauront apprécier les efforts et les difficultés que j'ai eu à surmonter, pour fournir ma carrière; je réclame leur indulgence sur les fautes de littérature d'un insulaire qui n'est pas versé dans les lettres, qui écrit par nécessité, par l'amour qu'il porte à son pays pour le triomphe de la justice, de la vérité et de l'humanité !

Je reprends mon sujet.

Henry est originaire de l'île de la Grenade, maintenant âgé de cinquante-un ans; bel

homme, grande taille, bien proportionné, le port majestueux, le regard pénétrant ; dans ses mœurs privées il est bon père, bon mari, époux délicat et attentionné; pendant vingtcinq ans d'union, la Reine, son auguste épouse, a toujours été l'objet de sa plus tendre affection et il a pour ses enfans un attachement et une amitié vraiment paternelle.

C'est cependant ce père tendre, cet époux affectionné que l'on a osé indignement calom→ nier; c'est lui qu'un Colombel! . . . . . mais n'anticipons pas .. .. Homme de bon conseil, ami généreux; ses conseils et sa bourse ont toujours été aux services de ses amis ou de ses serviteurs.

Comme homme public, magistrat, guerrier, citoyen, Henry a souvent donné des preuves de son génie, de son ardent patriotisme et de son rare courage; intrépide dans les combats, son sang a coulé plus d'une fois pour la cause de la liberté et de l'indépendance!

Vit et impétueux, il a exposé sa personne dans les dangers; mais dans les affaires publiques et dans le commandement des armées, sa prudence ne l'abandonne jamais, et il ne donne rien au hazard.

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