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mêmes, la population a pris part dans ces guerres, suivant le territoire où elle s'est trouvée placée, plutôt que suivant les opinions et les couleurs des individus. Dans la guerre de la révolution (comme aujourd'hui par exemple), il y a eu des hommes de couleur et noirs royalistes, et il y en a eu aussi de républicains; et tel homme de couleur ou noir qui était royaliste au Port-au-Prince, sous les anglais, s'il se fut trouvé aussi bien au Cap, sous les français, eût été républicain; et tel autre homme qui était républicain au Cap, s'il se fut aussi bien trouvé au Port-au-Prince, eût été royaliste.

Nous ne voulons pas dire qu'il n'y a point eu d'opinions fixes à Hayti, que les hommes y sont commes des girouettes; au contraire, il y a eu des hommes à parti et d'autres bien prononcés dans leurs opinions; mais cela ne fait pas une règle générale. Dans tous les pays, la masse du peuple suit le torrent qui l'entraîne; et dans toutes nos guerres, il est certain que la masse de la population s'est partagée suivant le territoire et non suivant les opinions et les couleurs.

Delà, il est résulte qu'il s'est trouvé dansle Nord-Ouest beaucoup d'hommes de couleur qui ont servi les géné aux ou aint Louverture, Jean-Jacques Dessalines et Henry Christophe, avec un dévouement et une fidélité inviolables; et dans le Sud-Ouest, il s'est également trouvé beaucoup de noirs qui ont servi Rigaud et Pétion avec un dévouement et une fidélité aveugles.

Si les quatorze quinzièmes de noirs qui composent la population du Sud-Ouest, avaient voulu s'opposer aux projets ambitieux de Rigaud et de Pétion, n'est-il pas évident et clair comme le jour que le un quinzième de couleur n'aurait pas pu les empêcher? Or, les noirs aussi bien que les jaunes ont mé→ connu leurs véritables intérêts qui étaient de rester toujours unis et indissolublement attachés. Ils se sont laissés tromper: entraînés par les illusions de l'ambition, ils se sont désunis; des haines interminables se sont établies; et comme s'il n'y avait pas eu déjà assez de cause de désunion et de guerres civiles; une antipathie ab-u d., un préjugé idicule s'est élevé entre les haytiens du Nord,

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de l'Ouest et du Sud, qui croyent valoir mieux les uns que les autres, uniquement parce qu'ils sont de provinces différentes !

C'est à un gouvernement réparateur, sage et conciliant, à faire disparaître successivement toutes les causes de désunion et de guerres civiles. Le Roi d'Hayti ne peut être le Roi d'une province, mais bien celui du Royaume; et le chef d'une nation ne peut être un chef de parti; il est le chef de la nation; l'intérêt d'un gouvernement est de tout réunir ; et l'intérêt d'un parti est de tout diviser; un gouvernement réunit toute la force nationale, et n'a point à craindre d'ennemis au dehors; l'esprit de parti ne tend, au contraire, qu'à perpétuer la desunion et la guerre civile, qui fait, en tout temps et en tous pays, l'espoir et le triomphe de l'étranger.

Le cours de la révolution nous ayant démontré que les blancs nos ennemis, de tous les partis, divisés entr'eux d'opinions politiques, étaient parfaitement d'accords, lorsqu'il s'agissait de la destruction des haytiens; la cause des blancs français, dis-je, étant unique, celle des ha tiens, quoique divisés

d'opinions doit être aussi unique, pour leur conservation; le salut commun exigeait et exige encore qu'ils demeurent toujours unis et indissolublement attachés !

Or, il était de la saine politique que dans une population, composée de quatorze quinzième de noirs et d'un quinzième de couleurs, les rênes du gouvernement fussent confiées, de préférence, dans la main d'un noir, plutôt que dans celle d'un homme de couleur : les intérêts bien entendus de la nation et des hommes de couleur même sl'exi

geaient; et ici le hazard avait voulu que la raison et la justice fussent d'accord avec la saine politique!

Si les généraux Rigaud et Pétion eussent été sages, justes et prudens, ils ne se seraient jamais écartés de ces principes fondamentaux, qui peuvent seuls faire le bonheur du pays, assurer la tranquillité et la conservation des hommes de couleur qu'ils ont inhumainement et perfidement sacrifiés à leur ambition démesurée! Si les hommes de couleur avaient bien fait, au licu de servir d'instrumens à la cause de Rigaud et de Pétion, ils se seraient

opposés

opposés aux projets de ces deux ambitieux qui n'avaient aucun droit au gouvernement, et en agissant ainsi les hommes de couleur seraient devenus les plus fermes appuis de l'autorité légitime, et ils auraient trouvé cette protec tion, cette sûreté, cette garantie, qu'ils cher⚫cheraient vainement, en prenant une route opposé!

Si dans le temps Rigand eût été généralement abandonné par les siens propres, Pétion n'eut pas été tenté d'imiter son exemple.

Espérons néanmoins que les hommes de cou leur et noirs du Sud-Ouest reviendront à leurs véritables intérêts; qu'ils prendront la route qui leur est tracée par la saine politique, la raison, la justice et l'humanité; et qu'ils n'auraient dû jamais abandonner!

Cependant Pétion n'osait pas employer la force ouverte contre Rigaud, il dissimulait son ressentiment; et suivant son habitude, il se mit à travailler son rival par-dessous main et à se faire des amis et des partisansdans le Sud R

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