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« commun ( lui disait-il ) un cœur comme le vôtre ne peut pas balancer. (1)

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Les assiégeans et les assiégés faisaient des prodiges de valeur, Lamarre en visitant seslignes est emporté d'un boulet de canon; ce guerrier méritait de verser son sang pour une cause plus belle et plus juste; admirateur du mérite partout où il se trouve, Henry, donna des éloges à ses talens, sa bravoure et son intrépidité(2). Eveillard prit le commandement; quelques jours après il périt sur le champ de bataille, et fut aussitôt remplacé par Toussaint Boufflet. Henry touché des calamités qu'éprouvaient les assiégés, leur fit proposer de capituler, mais ils repousserent ses offres généreuses avec déđain, et arborèrent le drapeau rouge ou le pavillon sans quartier après la résistance la plus opiniâtre, la ville et les forts furent emportés de vive force; les assiégés contraints de les abandonner, firent leur retraite et se défendirent vigoureusement; environnés de toutes

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(1) Lettre de Pétion à Lamarre du 5 Juin 1810.

(2) C'est ce général qui avait défait au Petit-Goave la garde de Rochambeau, où Netherwood, adjudant commandant y perdit la vie.

parts par l'armée victorieuse ils furent réduits de mettre bas les armes, et de se rendre à discrétion ; selon les lois de la guerre ces troupes pouvaient être passées au fil de l'épée, elles avaient obstinément refusé de capituler, elles avaient arboré le pavillon sans quartier dans l'instant où elles étaient réduites à la dernière extrémité, sans pouvoir se défendre davantage, ces chefs s'étaient rendus coupables et responsables de tout le sang qu'une résistance inutile avait fait verser de part et d'autre; Toussaint Boufflet et Jean Gournaut, les deux chefs supérieurs devaient être punis de mort suivant les lois de la guerre et ils l'ont été. Ils n'ont pas été assassinés après avoir capitulé, comme Colombel l'a faussement affirmé et s'ils avaient youlu ils auraient conservé le sang de beaucoup de braves, qu'ils ont sacrifiés par leur opiniâtreté, et leur vie eût été épargné! Il y a loin de la mort de ces deux chefs aux assassinats des généraux sénateurs Magloire, Yayou et Gérin: Pétion ne savait-il pas qu'en envoyant Lamarre et les troupes du Sud dans le cœur du Nord, il les exposaient à une destruction certaine et inévitable? ne savait-il

pas qu'en insurgeant le neuvième régiment contre son gouvernement, il l'exposait à être détruit comme rebelle?

Et à présent que ces calamités publiques ont cu lieu, les complices de Pétion, ont l'air de plaindre les malheureux qu'ils ont faits, les victimes qu'ils ont sacrifiées, par leurs perfides conseils et leurs injustes aggressions. Si Pétion au lieu d'envoyer Lamarre et les troupes du Sud dans le cœur du Nord, les eût gardés pour la défense de leurs foyers, nous n'eussions pas été réduits dans la nécessité de les combattre et ils n'eussent point été les victimes de ses projets ambitieux: le brave Lamarre serait peut-être plein de vie, que dis-je, il a péri de la mort des braves, dans ses foyers il eût été assassiné comme Gérin son ami, Magloire, Yayou et tant d'autres !

Les troupes du Sud, après leur reddition officiers et soldats furent organisés en un corps, sous le nom de Légion du Sud, ce corps forme aujourd'hui le régiment de Sans-Souci No 30, cette troupe a été constamment traitée, habillée et payée à l'instar des autres régimens du Royaume.

Sur

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Sur ces entrefaites, un événement important se passait dans le Sud.

Rigaud arrive de France le 7 Avril 1810, il aborde aux Gayes; envoyé une seconde fois par Bonaparte pour se former un parti à Hayti, il est accueilli avec allégresse par le peuple de cette ville; Pétion apprend cette nouvelle comme un coup de foudre, mais il dissimula sa surprise et son mécontentement, il invita Rigaud à se rendre auprès de lui au Port-auPrince, où ils eurent leur première entrevue.

Ces deux chefs également perfides et ambitieux se trouvaient placés dans une situation tout à fait singulière.

Rigaud voyait avec un secret dépit, Pétion son ancien subordonné, qui était devenu par ses intrigues et le concours des événemens, son chef et tout-puissant; l'orgueil de Rigaud en était blessé, son amour propre humilié; il connaissait Pétion par expérience et le jugeait indigne de remplir la place éminente qu'il Occupait, et déjà dans son cœur il machinait les moyens qu'il pourrait employer pour le renverser, et prendre une place qu'il croyait

P

Iui être dûe, et qui avait été déjà l'objet de son ambition.

Pétion, de son côté, voyait avec crainte et un pressentiment secret, Rigaud son ancien chef, qu'il connaissait beaucoup plus habile, plus capable et plus brave que lui; il connais→ sait la grande influence qu'il avait dans le Sud; et il prévoyait déjà que Rigaud n'était venu que pour le supplanter, et Pétion se proposait hien de le faire succomber dans quelques piéges, qui l'en aurait empéché ? l'amour propre humilié de l'un, l'ambition de l'autre offensée, l'un fort de son ancien titre, l'autre du nouveau, formaient un contraste original digne d'exercer le pinceau d'un historien habile! Quoiqu'il en soit, Pétion accuillit Rigaud, avec tous les déhors d'une feinte amitié; il le combla de caresses, et comme il fallait l'employer d'une manière ou d'une autre, il le chargea en qualité de général de division, de faire la guerre à Goman dans le Sud, de le soumettre, ou d'arrêter ses progrès dans le quartier de la Grande-Anse.

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Personne ne fut la dupe de l'entrevue de ces deux chefs, de leur cordial accueil et

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