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injuste, ingrat et parricide, tu périras ; tu seras immolé de la même manière que tu as sacrifié celui à qui tu devais ta vie, ta réputation et ta gloire (1).

Le général et sénateur Gérin était tombé dans une pleine disgrace; il était nul; ses conseils n'étaient plus écoutés; mécontent de l'administration de Pétion, il méditait un changement de gouvernement; il feignit d'être malade, et se retira à l'Anse-à-Veau, où il prenait ses mesures, pour jouer un rôlę pareil à celui qu'il avait joué du temps de l'empereur.

Gérin et Lamarre s'estimaient beaucoup; ils étaient compagnons d'armes, très-liés, et entretenaient une correspondance mutuelle et active; Lamarre vit avec douleur la disgrace de Gérin, et il ne sut pas renfermer dans son cœur son ressentiment, il tint au Môle quel ques propos indiscrets, qui furent aussitôt

(1) Gérin commandait le Petit Trou des Baradaires jors de la première guerre civile sous Rigaud; il fut fait prisonnier par le général Dessalines, qui reçut ordre du général Toussaint de le faire fusiller; Dessalines élada l'exécution de cet ordre et sauva la vie à Gérin!

rapportés à Pétion, qui dès ce moment; conçut une aversion décidé pour les hommes du Sud qu'il prit en horreur; et il résolut de rendre nul, ou de faire détruire tous les chefs de cette partie, qui pourraient traverser ses projets ou porter quelque obstacle à ses vues ambitieuses.

Il jura la perte de Gérin; et comme il craignait le retour de Lamarre et des troupes du Sud dans leurs foyers, il voulut que la ville du Môle leur servit de tombeau. La correspondance de Gérin et Lamarre ne nous laisse aucun doute à cet égard (1).

Tandis que Pétion abandonnait Lamarre au Môle, livré à ses propres ressources, il

(1)

Boucassin, ce 6 Juillet 1809.

Et. ELIE GÉRIN, Général de Division, Commandant l'Armée en l'absence du Président.

Au Général de Brigade Sénateur LAMARRE Commandant l'Armée Expéditionnaire,

Général Ami et cher Collègue,

Ce n'est que depuis deux jours que votre lettre du 26 expiré m'est parvenue, j'ignore si une des miennes vous a été remise par le citoyen J. J. Dartiguenave.

Je mattendais bien à vos sentiments d'allégresse,

prenait ses mesures, pour renverser ou détruire les chefs influens du Sud, les uns par les autres. Il ne pouvait entrer dans les plans de Pétion de les faire arrêter, juger et condamner

mon brave camarade, lorsque vous auriez appris mon retour au service dans l'armée. Votre attachement pour moi, et cet enthousiasme pour la patrie, ne pouvaient manquer de vous suggérer un espoir assez flatteur; mais hélas, j'avais conçu une toute autre idée, sans y mettre d'attachement; cependant l'événement n'a que trop malheureusement justifié mes doutes; mes conseils. sont toujours pris à contre-pied : une colonne envoyée dans le Nord sous le commandement du colonel Lys, contre et malgré tout ce que j'ai pu faire observer, vient de rentrer le 3 en plaine, après avoir éprouvé la perte irréparable du colonel David Troye, notre ami, citoyen courageux et vertueux, officier rempli d'honneur. Enfin la perte de cet officier est plus préjudiciable à la république que celle d'un régiment › mais que faire ? la mort est notre métier, et j'estime que ceux qui ont déjà péris sont plus heureux que nous. Et ne faut-il pas que tout finisse? Enfin mon cher camarade après avoir tenté de traverser la rivière de l'Artibo-. nite avec une colonne de 2,500 hommes à 2 lieues au-dessus de la rivière dit Fer-à-Cheval pour tomber sur le bourg du Mirebalais, ce que je ne pus exécuter à cause de la force du torrent et de la cruë d'eau. De retour à l'armée je proposais d'aller chercher du

à mort, c'eût été se montrer à découvertet prodiguer du sang; c'eût été sapper les fondemens de sa popularité et de sa puissance, qu'il avait assis sur son extrême bonté, ou plutôt son extrême hypocrisie.

A l'Anse-à-Veau, it oppose à Gérin, Bruny

canon au Port-au-Prince et tout ce qu'il fallait pour le siége du bourg des Verrêtes ce qui nous eut mis en même de nous établir depuis ce point; au bourg de l'Arcahaye et la rive gauche de l'Artibonite nous eut servi de limite des Verrêtes, au Grand-Bois; près de 30 lieues de pays nous tombait en possession. Ce plan ne fut point adopté. Et la colonne partit; je ne sais pourquoi on conduit ici l'armée, d'ici à Pois, de Pois ici etc. Enfin voyant toutes ces irrésolutions je fis tomber dans l'oreille du Président que s'il voulait que je m'offrirais aux troupes d'embarquer avec elles moyennant qu'on me donnerait cinq bataillons, que je feindrais d'aller à Jérémie mais j'eus fait voile pour le Mole, ou nous eussions donné un coup de collier en débarquant les matelots et soldats de la flotte, pour débloquer cette place. Vous étant remis sur l'offensif, j'eus r'embarqué les troupes venues avec moi pour aller terminer cette pestilentielle insurrection de Jérémie définitivement, c'était l'affaire de trois mois, on eut au mois de Février traversé l'Artibonite avec une armée de plus de neuf mille hommes, et peut-être

Leblanc, commandant du 16e régiment, dont Gérin avait été autrefois le colonel ; Bruny l'attaque dans sa maison; Gérin sur→ nommé Côte de Fer, par ses compagnons d'armes, pour son intrépidité, sa bravoure et ses nombreuses cicatrices, se renferme et s'y barricade, avec la compagnie de grenadiers qui formait sa garde, et s'y défend vigoureusement: la maison s'écroule sous le feu du canon; Gérin Gérin sort, il est frappé par l'éclat

de dix mille; tous ces beaux plans n'ont point été adoptés et j'ignore ce qu'on fera; l'armée s'affaiblie par les désertions, les maladies, les congés.

L'ennemi à ce que je crois veut prendre l'offensif car deux de ses régimens. se sont montrés au vieux bourg de Mirrebalais depuis deux ou trois jours. Enfin je ne peux que gémir sur le sort qui menace le pays : tandis que presque tous les six mois l'occasion de terminer cette guerre se présente; gardez ceci pour vous mon brave camarade, et attendant tout de quelque heureux &vénement, car ce n'est qu'un génie invisible qui a vaillé sur nos destinées jusqu'à ce jour. Adieu mon ami.

Je vous embrasse cordialement,

Signé,

Et. GÉRIN.

d'une

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