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qu'on ne connoit pas. Enfin cette LIVRE IT. derniere eft établie pour venger les Chap. III. crimes qu'elle foupçonne ; & la premiere employoit plus les menaces que les punitions pour les crimes, même avoués par leurs Auteurs.

Dans toute Magiftrature, il faut compenfer la grandeur de la puiffance par la briéveté de fa durée. Un an eft le temps que la plupart des Légiflateurs ont fixé, un temps plus long feroit dangereux, un plus court feroit contre la nature de la chofe.

Qui eft-ce qui voudroit gouverner ainfi fes affaires domeftiques? A Raguze le Chef de la République change tous les mois, les autres Officiers toutes les femaines, le Gouverneur du Château tous les jours. Ceci ne peut avoir lieu que dans une petite République † environnée de Puiffances formidables qui corromproient aifément de petits Magiftrats.

La meilleure Ariftocratie eft celle où la partie du peuple qui n'a point de part à la puiffance, eft fi petite & fi pauvre, que la partie dominante B 3

* Voyages de Tournefort.

A Lucques les Magiftrats ne font établis que pour deux mois.

LIVRE II.

re,

Liv.

Ed. de Rho

doman.

n'a aucun intérêt à l'opprimer. Ainfi Chap. III. quand Antipater (a) établit à Athénes (a) Diodo- que ceux qui n'auroient pas deux mille drachmes, feroient exclus du 18. p. 601. droit de fuffrage, il forma la meilleure Ariftocratie qui fut poffible, parce que ce Cens étoit fi petit qu'il n'excluoit que peu de gens, & perfonne qui eût quelque confidération dans la Cité. Les familles Ariftocratiques doivent donc être peuple, autant qu'il eft poffible. Plus une Ariftocratie approchera de la Démocratie plus elle fera parfaite, & elle le deviendra moins à mefure qu'elle approchera de la Monarchie.

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La plus imparfaite de toutes, eft celle où la partie du peuple qui obéït eft dans l'esclavage civil de celle qui commande ; comme l'Ariftocratie de Pologne, où les païfans font esclaves de la Nobleffe.

LIVRE II.

Chap. IV.

CHAPITRE IV.

Des Loix dans leur rapport à la nature du Gouvernement Monarchique.

L

Es pouvoirs intermédiaires fubordonnés & dépendans, conftituent la nature du Gouvernement Monarchique, c'est-à-dire, de celui où un feul gouverne par des Loix fondamentales. J'ai dit les Pouvoirs intermédiaires, fubordonnés & dépendans. En effet dans la Monarchie le Prince eft la fource de tout pouvoir, politique & civil. Ces Loix fondamentales fuppofent nécessairement des canaux moyens par où coule la puiffance car s'il n'y a dans l'Etat que la volonté momentanée & capricieufe d'un feul, rien ne peut être fixe, & par conféquent aucune Loi fondamentale.

Le Pouvoir intermédiaire fubordonné le plus naturel eft celui de la Nobleffe. Elle entre en quelque fa çon dans l'effence de la Monarchie, dont la maxime fondamentale eft, point de Monarque, point de Noblesse;

LIVRE H. point de Noblesse, point de Monarque ; mais on a un Defpote.

Chap. IV.

Il y a des gens qui ont imaginé dans quelques Etats en Europe d'abolir toutes les Juftices des Seigneurs. Ils ne voyoient pas qu'ils vouloient faire ce que le Parlement d'Angleterre a fait. Aboliffez dans une Monarchie les prérogatives des Seigneurs, du Clergé, de la Nobleffe & des Villes; vous aurez bien-tôt un Etat Populaire, ou bien un Etat Defpotique.

Les Tribunaux d'un grand Etat en Europe frappent fans ceffe depuis plufieurs fiécles fur la Jurifdiction patrimoniale des Seigneurs & fur l'Eccléfiaftique. Nous ne voulons pas cenfurer des Magiftrats fi fages; mais nous laiffons à décider jufqu'à quel point la Conftitution en peut être changée.

Je ne fuis point entêté des priviléges des Eccléfiaftiques: mais je voudrois qu'on fixât bien une fois leur Jurifdiction. Il n'eft point queftion de fçavoir on a eu raison de l'établir; mais fi elle eft établie, fi elle fait une partie des Loix du païs, & fi elle y eft par-tout relative, fi entre deux pouvoirs que l'on reconnoît in

dépendans, les conditions ne doivent LIVRE II. pas être réciproques, & s'il n'eft pas Chap. IV: égal à un bon fujet de défendre la Juftice du Prince ou les limites qu'elle s'eft de tout temps prefcrite.

Autant que le pouvoir du Clergé eft dangereux dans une République, autant eft-il convenable dans une Monarchie, fur-tout dans celles qui vont au Defpotifme. Où en feroient l'EL pagne & le Portugal depuis la perte de leurs Loix, fans ce pouvoir qui arrête feul la puiffance arbitraire? Barriére toujours bonne lorfqu'il n'y en a point d'autre car comme le Defpotifme caufe à la nature humaine des maux effroyables, le mal même qui le limite eft un bien.

Comme la mer qui femble couvrir la terre, eft arrêtée par les herbes & les moindres graviers qui fe trouvent fur le rivage; ainfi les Monarques dont le pouvoir paroît fans bornes, s'arrêtent par les plus petits obftacles & foûmettent leur fierté naturelle à la plainte & à la priere.

Les Anglois pour favorifer la Liberté ont ôté toutes les puiffances intermé→ diaires qui formoient leur Monarchie.. Hs ont bien raifon de conferver cette:

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