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Chip. XV.

LIVRE VI. les abrogea pas expreffément; mais la Loi Porcia ayant défendu de mettre à mort un citoyen Romain, elles n'eurent plus d'application.

Voilà le temps auquel on peut rap

[a] Liv. 1. porter ce que Tite-Live [a] dit des Romains, que jamais peuple n'a plus aimé la modération des peines.

Que fi l'on ajoûte à la douceur des peines le droit qu'avoit un accufé de fe retirer avant le Jugement, on verbien que les Romains avoient fuivi cet efprit que j'ai dit être naturel à la République.

ra

Sylla qui confondit la Tyrannie, l'Anarchie & la Liberté, fit les Loix Cormeliennes. Il fembla ne faire des régle mens que pour établir des crimes. Ainfi qualifiant une infinité d'actions du nom de meurtre, il trouva partout des meurtriers ; & par une pratique qui ne fut que trop fuivie, il tendit des piéges, fema des épines, ouvrit des abîmes fur le chemin de tous les citoyens.

Prefque toutes les Loix de Sylla ne portoient que l'interdiction de l'eau & du feu. Céfar y ajouta la confiscation des biens †, parce que les riches t

Poenas facinorum auxit, cùm locupletes çò faci

LIVRE VI

gardant dans l'éxil leur patrimoine, ils étoient plus hardis à commettre Chap. XV

des crimes.

Les Empereurs ayant établi un Gouvernement militaire, ils fentirent bientôt qu'il n'étoit pas moins terrible contr'eux que contre les fujets; ils chercherent à le tempérer; its crurent avoir befoin des dignités & du refpect qu'on avoit pour elles.

la

On s'approcha un peu de la Monarchie, & l'on divifa les peines en trois claffes [4]; celles qui regardoit les premieres perfonnes de l'Etat [b] & qui étoient affez douces ; celles qu'on infligeoit aux perfonnes d'un perfonnes d'un rang [c] inférieur & qui étoient plus févéres ; enfin celles qui ne concernoient que les conditions baffes [d] & qui furent & au Code.

les plus rigoureuses.

[1] Voy. Loi 3. §. legis ad leg. Cornel. de Sicariis, & grand nom a Digefte

un très

bre d'autres

au

[b] Subli miores.

[b] Me

[d] Infi

Le féroce & infenfé Maximin irrita, pour ainfi dire, le Gouvernement dios. militaire qu'il auroit fallu adoucir. Le mos leg. 32 Sénat apprenoit, dit Capitolin [e], S. legis ad leg. Cornel. que les uns avoient été mis en croix, de Sicar. les autres expofés aux bétes, ou enСар. Макі fermés dans des peaux de bêtes recem- mini dyo, ment tuées, fans aucun égard pour

liùs fcelere fe obligarent, quòd integris patrimoniis exularent. Suetone in Jul.o Cfare

[e] Jul.

LIVRE VI. les dignités. Il fembloit vouloir éxerChap. xvi. cer la difcipline militaire, fur le modéle de laquelle il prétendoit régler les affaires civiles.

Il faut voir dans les Confidérations fur la Grandeur des Romains & fur leur décadence, comment Conftantin changea le Defpotifme militaire en un Defpotifme militaire & civil, & s'approcha de la Monarchie. On y peut fuivre les diverfes révolutions dé cet Etat, comment on y paffa de la rigueur à l'indolence, & de l'indolence à l'impunité.

CHAPITRE XVI.

De la jufte proportion des peines avec

le crime.

Left effentiel que les peines ayent I de l'harmonie entr'elles, parce qual eft effentiel que l'on évite plutôt un grand crime qu'un moindre, ce qui attaque plus la focieté que ce qui la [e] Hit. choque moins.

de Nicépho

» Un impofteur [a], qui fe difoit re, Patriar-,, Conftantin Ducas, fufcita un grand fantinople, fouleyement à Conftantinople. II

che de Con

>> fut pris & condamné au fouet; mais LIVRE VI. ayant accufé des perfounes confidé- Chap. XVI. ›› rables, il fut comdamné comme ca» lomniateur à être brûlé. Il eft fingulier qu'on eût ainfi proportionné les peines entre le crime de Leze-Majefté & celui de calomnie.

Cela fait fouvenir d'un mot de Charles II. Roi d'Angleterre. Il vit en paffant un homme au pilori, Pourquoi Pa-t-on mis là? dit-il, Sire, lui répondit-on, il a fait des écrits fatyriques contre vos Miniftres. Le grand fot! dit le Roi, que ne les écrivoit-il contre moi, on ne lui auroit rien fait.

» Soixante-dix perfonnes confpire

» rent contre l'Empereur Bafile [a] ; il [a] Hift. de » les fit fuftiger; on leur brûla les che- Nicéphore. » veux & le poil. Un cerf l'ayant pris » avec fon bois par la ceinture, quel» qu'un de fa fuite tira fon épée, cou» pa la ceinture & le délivra; il lui fit » trancher la tête, parce qu'il avoit, difoit-il, tiré l'épée contre lui. Qui pourroit penfer que fous le même Prin ce on eut rendu ces deux jugemens?

C'eft un grand mal parmi nous de faire fubir la même peine à celui qui vole fur un grand chemin, & à celui qui vole & affaffine. Il eft vifible que

LIVRE VI. pour la sûreté publique il faudroit Chap. XVI. mettre quelque différence dans la peine.

[a] Duhal

A la Chine les voleurs cruels font coupés en morceaux [a], les autres he, tom. 1. non; cette différence fait que l'on y vole, mais que l'on n'y affaffine pas.

pag. 6.

[b] Etat prefent de

la Grande Ruffie par

Perry.

En Mofcovie, où la peine des voleurs & celle des affaffins font les mêmes, on affaffine [b] toujours. Les morts, y dit-on, ne racontent rien.

Quand il n'y a point de différence dans la peine, il faut en mettre dans l'efpérance de la grace. En Angleterre on n'affaffine point, parceque les voleurs peuvent efpérer d'être tranfportés dans les Colonies, non pas les affaffins.

C'eft un grand reffort des Gouvernemens modérés que les lettres de grace. Ce pouvoir que le Prince a de pardonner, éxécuté avec fageffe, peut avoir d'admirables effets. Le principe du Gouvernement Defpotique qui ne pardonne pas, & à qui on ne pardonne jamais, le prive de ces avantages.

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