Eych. Uzm. haw hibrary 4-8-1953 L'ENÉIDE. LIVRE SEPTIÈME. SALUT, nourrice du grand Énée, ô Caïète ! tu dotas, en mourant, nos plages d'une éternelle renommée. Ta mémoire protége encore les lieux où tu reposes, et l'Italie montre avec orgueil la tombe ennoblie par ton nom. Le fils d'Anchise a satisfait aux mânes qu'il honore, et leur a dressé de ses mains un pieux monument. Sitôt que les mers sont calmées, il rend aux zéphyrs les voiles vagabondes, et le port s'enfuit derrière lui. Les vents du soir poussent mollement ses navires, et la lune, au disque argenté, favorise leur course : les flots étincellent sous sa lumière tremblante. Bientôt la flotte rase les bords non lointains, où Circé fait sa demeure. C'est là que, durant le jour, la brillante fille du Soleil fait résonner de ses chants assidus ses insidieux bocages; là qu'elle brûle, durant la nuit, le cèdre odorant dont la flamme éclaire ses lambris superbes, tandis que ses doigts font courir la navette légère entre les fils d'un tissu délicat. De plus près on entend gronder la colère des lions captifs, se débattant contre leurs chaînes, et rugissant dans l'épaisseur des ombres; on entend d'affreux sangliers, * Sævire, ac formæ magnorum ululare luporum; Quos hominum ex facie dea sæva potentibus herbis Quum venti posuere, omnisque repente resedit Nunc age, qui reges, Erato, quæ tempora rerum, d'horribles ours, frémir de rage dans leurs obscures prisons, et des loups énormes épouvanter les airs de leurs longs hurlemens. Autrefois hommes, la cruelle déesse les avait, par ses philtres magiques, transformés en monstres divers. Pour dérober les Troyens qu'il aime aux noirs enchantemens dont le port les menace, pour les sauver de ces bords funestes, Neptune enfle leurs voiles d'un souffle officieux, accélère leur vol, et les emporte au-delà de ces routes périlleuses. Déjà les feux du matin rougissaient l'humide élément; déjà l'Aurore, sur son char de rose, rayonnait dans les cieux. Tout à coup les vents se taisent, leur haleine expire, et la rame fatigue vainement une onde immobile. Le prince alors, du sommet de sa poupe, découvre une forêt immense. Le Tibre la traverse, fier de ses belles eaux ; et rapide, chargé d'un sable d'or, il court se perdre au sein des mers. A l'entour, mille oiseaux divers, peuple ailé de ces rives, charment les airs par leur ramage, et voltigent à travers le feuillage. Énée parle; on tourne vers ces rians abris; l'airain des proues cherche la terre, et la nef s'abandonne gaîment au courant du fleuve. Maintenant, divine Érato, dis quels monarques, quels intérêts, quelles lois régissaient l'antique Latium, lorsqu'une flotte étrangère apporta pour la première fois ses guerriers sur les rivages de l'Ausonie. Raconte l'origine de leurs premiers combats : c'est à toi, Muse, d'inspirer ton poëte. Je chanterai d'horribles guerres; je peindrai le choc des bataillons, et le courroux précipitant les rois au milieu du carnage, et l'Étrurie volant aux armes, et l'Hespérie toute entière embrasée des fureurs de Mars. Devant Hesperiam. Major rerum mihi nascitur ordo; Majus opus moveo. Rex arva Latinus, et urbis Jam senior longa placidas in pace regebat. Ausonia petit ante alios pulcherrimus omnis : Turnus, avis atavisque potens, quem regia conjux Laurus erat tecti medio, in penetralibus altis, Sacra comain, multosque metu servata per annos, Quam pater inventam, primas quum conderet arces, Ipse ferebatur Phœbo sacrasse Latinus, Laurentisque ab ea nomen posuisse colonis. Stridore ingenti, liquidum trans æthera vectæ, moi s'ouvre un plus grand théâtre : j'aborde un plus grand sujet. Roi de ces champs fortunés, de ces tranquilles provinces, Latinus, déjà blanchi par l'àge, les gouvernait depuis dix lustres dans une paix profonde. Faune et la nymphe Marica lui donnèrent, dit-on, le jour dans les bois sacrés de Laurente. Faune eut Picus pour père; et c'est de toi, Saturne, que Picus reçut la naissance : c'est toi qui fus l'auteur de cette illustre race. Latinus n'avait eu qu'un fils, tendre fleur moissonnée par les dieux au matin de la vie. Seul espoir de sa maison, seule héritière de ses vastes états, une fille lui restait, déjà digne d'un époux, déjà mûre pour l'hyménée. Cent princes, honneur du Latium et de la puissante Ausonie, aspiraient à son alliance. De tous ces fiers amans, Turnus est le plus beau; Turnus, enorgueilli du long éclat de ses aïeux; Turnus, qu'une épouse reine désire avec ardeur de s'associer pour gendre: mais le ciel oppose à ces nœuds de sinistres présages. Au centre du palais, dans une enceinte solitaire, s'élevait un vieux laurier aux rameaux vénérables, et qu'une crainte religieuse avait conservé d'âge en âge. Latinus le trouva, si le récit en est fidèle, comme il posait les fondemens de ses nouveaux remparts. Il t'en consacra le feuillage, ô Phébus! et c'est de ce laurier célèbre que Laurente emprunta son nom. Un jour, d'innombrables abeilles, ô surprise! traversant tout à coup les airs telles qu'un bruyant nuage, s'abattent en bourdonnant sur l'arbre d'Apollon, et, |