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non-seulement les sénateurs, mais encore ceux qui avaient un rang considérable dans l'état, sans parler de ceux qui étaient d'une condition inférieure ; cela forma le droit de ce temps-là ; il n'y eut plus que les ingénus compris dans la loi de Constantin à qui de tels mariages fussent défendus. Justinien (a) abrogea encore la loi de Constantin, et permit à toutes sortes de personnes de contracter ces mariages : c'est par-là que nous avons acquis une liberté si triste.

Il est clair que les peines portées contre ceux qui se mariaient contre la défense de la loi étaient les mêmes que celles portées contre ceux qui ne se mariaient point du tout. Ces mariages ne leur donnaient aucun avantage (b) civil: la dot (c) était caduque (d) après la mort de la femme.

Auguste ayant adjugé au trésor (e) public les successions et legs de ceux que ces lois en déclaraient incapables, ces lois parurent plutôt fiscales que politiques et civiles. Le dégoût que l'on avait déjà pour une chose qui paraissait accablante fut augmenté par celui de se voir continuellement en proie à l'avidité du fisc. Cela fit que, sous

(a) Novel. 117.

(b) Loi XXXVII, ff. DE OPER, LIBERT. §7; Fragm. d'Ulpien, tit, XVI, § 2.

(c) Fragm. ibid.

(d) Voyez ci-après le chap. xin du liv. XXVI.

(e) Excepté dans de certains cas. Voyez les Fragm, d'Ulpien, tit. XVIII; et la loi unique, au Cod. DE CADUC. TULLEND.

Tibère, on fut obligé de modifier (a) ces lois, que Néron diminua les récompenses des (b) délateurs au fisc, que Trajan (c) arrêta leurs brigandages, que Sévère (d) modifia ces lois, et que les jurisconsultes les regardèrent comme odieuses, et, dans leurs décisions, en abandonnèrent la rigueur.

D'ailleurs les empereurs énervèrent ces lois (e) par les priviléges qu'ils donnèrent des droits de maris, d'enfans, et de trois enfans. Ils firent plus ils dispensèrent les particuliers (f) des peines de ces lois. Mais des règles établies pour l'utilité publique semblaient ne devoir point admettre de dispense.

Il avait été raisonnable d'accorder le droit d'enfans aux vestales (g) que la religion retenait

(a) RELATUM DE MODERANDA PAPPIA POPPOEA. Tacite, Annal., liv. III. p. 117.

(b) Il les réduisit à la quatrième partie. Suétone, IN NERONE, chap. x.

(c) Voyez le panégyrique de Pline.

(d) Sévère recula jusqu'à vingt-cinq ans pour les mâles, et vingt pour les filles, le temps des dispositions de la loi pappienne, comme on le voit en conférant le Fragm. d'Ulpien, tit. XVI, avec ce que dit Tertullien, Apologet. chap. IV.

(e) P. Scipion, censeur, dans sa harangue au peuple sur les mœurs, se plaint de l'abus, qui déjà s'était introduit, que le fils adoptif donnait le même privilege que le fils naturel. AuluGelle, liv. V, chap. xix.

(f) Voyez la loi XXXI, ff. DE RITU NUPT.

(g) Auguste, par la loi pappienne, leur donna le même privilége qu'aux mères. Voyez Dion, liv. LVI. Numa leur avait

dans une virginité nécessaire : on donna (a) de même le privilége de maris aux soldats, parce qu'ils ne pouvaient pas se marier. C'était la coutume d'exempter les empereurs de la gêne de certaines lois civiles. Ainsi Auguste fut exempté de la gêne de la loi qui limitait la faculté (b) d'affranchir, et de celle qui bornait la faculté (c) de léguer. Tout cela n'était que des cas particuliers; mais dans la suite les dispenses furent données sans ménagement, et la règle ne fut plus qu'une exception.

Des sectes de philosophie avaient déjà introduit dans l'empire un esprit d'éloignement pour les affaires, qui n'aurait pu gagner à ce point dans le temps de la république (d) où tout le monde était occupé des arts de la guerre et de la paix. De là une idée de perfection attachée à tout ce qui mène à une vie spéculative : de là l'éloignement pour les soins et les embarras d'une famille. La religion chrétienne, venant après la philosophie, fixa pour ainsi dire des idées que que celle-ci n'avait fait que préparer.

Le christianisme donna son caractère à la ju

donné l'ancien privilége des femmes qui avaient trois enfans, qui est de n'avoir point de curateur. Plutarque, dans la Vie de Numa,

(a) Claude le leur accorda. Dion, liv. LX.

(b) Leg. APUD EUM, ff. DE MANUMISSIONIB., § I.

(c) Dion, liv. LV.

(d) Voyez dans les Offices de Cicéron ses idées sur cet esprit de spéculation.

risprudence; car l'empire a toujours du rapport avec le sacerdoce. On peut voir le code de Théodosien, qui n'est qu'une compilation des ordonnances des empereurs chrétiens.

Un panégyriste (a) de Constantin dit à cet empereur : « Vos lois n'ont été faites que pour corriger les vices et régler les mœurs; vous avez ôté l'artifice des anciennes lois qui semblaient n'avoir d'autres vues que de tendre des piéges à la simplicité. »>

Il est certain que les changemens de Constantin furent faits ou sur des idées qui se rapportaient à l'établissement du christianisme, ou sur des idées prises de sa perfection. De ce premier objet vinrent ces lois qui donnèrent une telle attorité aux évêques, qu'elles ont été le fondement de la juridiction ecclésiastique; de là ces lois qui affaiblirent l'autorité paternelle (b) en ôtant au père la propriété des biens de ses enfans. Pour étendre une religion nouvelle, il faut ôter l'extrême dépendance des enfans qui tiennent toujours moins à ce qui est établi.

Les lois faites dans l'objet de la perfection chrétienne furent surtout celles par lesquelles il ôta les peines des lois pappiennes (c), et en

(a) Nazaire, IN PANEGYRICO CONSTANTINI, anno 327.

(b) Voyez la loi I, II et III au God. Théod. DE BONIS MATERNIS, MATERNIQUE GENERIS, etc., et la loi unique, au même Code, DE BONIS QUÆ FILIIS FAMIL. ACQUI. RUNTUR.

(c) Leg. unic. Cod. Théod. DE INFIRM. POEN. COELIB. ET

ORBIT.

exempta, tant ceux qui n'étaient point mariés, que ceux qui, étant mariés, n'avaient pas d'enfans,

« Ces lois avaient été établies, dit un historien (a) ecclésiastique, comme si la multiplication de l'espèce humaine pouvait être un effet de nos soins; au lieu de voir que ce nombre croît et décroît selon l'ordre de la Providence. >>

Les principes de la religion ont extrêmement influé sur la propagation de l'espèce humaine : tantôt ils l'ont encouragée, comme chez les Juifs, les Mahométans, les Guèbres, les Chinois; tantôt ils l'ont choquée, comme ils firent chez les Romains devenus chrétiens.

On ne cessa de prêcher partout la continence, c'est-à-dire cette vertu qui est plus parfaite, parce que, par sa nature, elle doit être pratiquée par très-peu de gens.

Constantin n'avait point ôté les lois décimaires, qui donnaient une plus grande extension aux dons que le mari et la femme pouvaient se faire à proportion du nombre de leurs enfans. Théodose le jeune abrogea (b) encore ces lois.

Justinien déclara valables (c) tous les mariages que les lois pappiennes avaient défendus Ces lois voulaient qu'on se remariât : Justinien (d) ac

(a) Sozom., page 27. — (b) Leg. II et III, Cod. Theod. DÉ

JURE LIB.

(c) Leg. SANCIMUS, Cod. DE NUPTIIS.

(d) Nov. 127, chap. 1; Nov. 118, chap. v.

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