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des lois émanées d'eux ; ainsi, sous la troisième race, on n'entendit plus parler de capitulaires.

CHAPITRE X.

Continuation du même sujet.

On ajouta plusieurs capitulaires à la loi des Lombards, aux lois saliques, à la loi des Bavarois. On en a cherché la raison; il faut la prendre dans la chose même. Les capitulaires étaient de plusieurs espèces; les uns avaient du rapport au gouvernement politique, d'autres au gouveruement économique, la plupart au gouvernement ecclésiastique, quelques-uns au gouvernement civil. Ceux de cette dernière espèce furent ajoutés. à la loi civile, c'est-à-dire aux lois personnelles de chaque nation; c'est pour cela qu'il est dit dans les capitulaires qu'on n'y a rien stipulé (a) contre la loi romaine. En effet, ceux qui regardaient le gouvenement économique, ecclésiastique ou politique, n'avaient point de rapport avec cette loi; et ceux qui regardaient le gouvernement civil n'en eurent qu'aux lois des peuples barbares, que l'on expliquait, corrigeait, augmentait et diminuait. Mais ces capitulaires, ajoutés aux lois personnelles, firent, je crois, négliger le corps même des capitulaires; dans des temps (a) Voyez l'édit de Pistes, art. 20.

d'ignorance, l'abrégé d'un ouvrage fait souvent tomber l'ouvrage même.

CHAPITRE XI.

Autre cause de la chute des codes des lois des Barbares, du droit romain et des capitulaires.

Lorsque les nations germaines conquirent l'empire romain, elles y trouvèrent l'usage de l'écriture; et, à l'imitation des Romains, elles rédigèrent leurs usages (a) par écrit, et en firent des codes. Les règnes malheureux qui suivirent celui de Charlemagne, les invasions des Normands, les guerres intestines replongèrent les nations victorieuses dans des ténèbres dont elles étaient sorties; on ne sut plus lire ni écrire. Cela fit oublier en France et en Allemagne les lois barbares écrites, le droit romain et les capitulaires. L'u

sage

de l'écriture se conserva mieux en Italie où régnaient les papes et les empereurs grecs, et où il y avait des villes florissantes, et presque le seul commerce qui se fît pour lors. Ce voisinage de l'Italie fit que le droit romain se conserva mieux

(a) Cela est marqué expressément dans quelques prologues de ces codes. On voit même, dans les lois des Saxons et des Frisons, des dispositions différentes selon les divers districts. On ajouta à ces usages quelques dispositions particulières que les circonstances exigèrent; telles furent les lois dures contre les Saxons.

dans les contrées de la Gaule autrefois soumises aux Goths et aux Bourguignons, d'autant plus que ce droit y était une loi territoriale et une espèce de privilége. Il y a apparence que c'est l'ignorance de l'écriture qui fit tomber en Espagne les lois visigothes; et, par la chute de tant de lois, il se forma partout des coutumes.

Les lois personnelles tombèrent. Les compositions, et ce que l'on appelait freda (a), se réglérent plus par la coutume que par le texte de ces lois. Ainsi, comme dans l'établissement de la monarchie on avait passé des usages des Germains à des lois écrites, on revint quelques siècles après des lois écrites à des usages non écrits.

CHAPITRE XII.

Des coutumes locales : révolution des lois des peuples barbares et du droit romain.

On voit par plusieurs monumens qu'il y avait déjà des coutumes locales dans la première et la seconde race. On y parle de la coutume du lieu (b), del'usage ancien (c), de la coutume (d), des lois (e), et des coutumes. Des auteurs ont cru que ce qu'on

(a) J'en parlerai ailleurs.

(b) Préface des formules de Marculfe.

(c) Loi des Lombards, liv. II, tit. LVIII, § 3.

(d) Ibid. tit. XLI, § 6.

(e) Vie de saint Léger.

nommait des coutumes étaient les lois des peuples barbares, et que ce que l'on appelait la loi était le droit romain. Je prouve que cela ne peut être. Le roi Pepin (a) ordonna que partout où il n'y aurait point de loi on suivrait la coutume, mais que la coutume ne serait pas préférée à la loi. Or, dire que le droit romain eut la préférence sur les codes des lois des Barbares, c'est renverser tous les monumens anciens, et surtout ces codes des lois des Barbares qui disent perpétuellement le contraire.

Bien loin que les lois des peuples barbares fussent ces coutumes, ce furent ces lois même qui, comme lois personnelles, les introduisirent. La loi salique, par exemple, était une loi personnelle; mais, dans des lieux généralement ou presque généralement habités par des Francs saliens, la loi salique, toute personnelle qu'elle était, devenait, par rapport à ces Francs saliens, une loi territoriale, et elle n'était personnelle que pour les Francs qui habitaient ailleurs. Or, si dans un lieu où la loi salique était territoriale il était arrivé que plusieurs Bourguignons, Allemands, ou Romains même, eussent eu souvent des affaires, elles auraient été décidées par les lois de ces peuples; et un grand nombre de jugemens conformes à quelques-unes de ces lois aurait dû introduire dans le pays de nouveaux usages. Et cela explique bien la constitution de Pepin. Il était (a) Loi des Lombards, liv. II, tit. XLI, § 6

naturel que ces usages pussent affecter les Francs mêmes du lieu dans les cas qui n'étaient point décidés par la loi salique; mais il ne l'était pas qu'ils pussent prévaloir sur la loi salique.

Ainsi il y avait dans chaque lieu une loi dominante, et des usages reçus qui servaient de supplément à la loi dominante lorsqu'ils ne la choquaient pas.

Il pouvait même arriver qu'ils servissent de supplément à une loi qui n'était point territoriale; et, pour suivre le même exemple, si, dans un lieu où la loi salique était territoriale, un Bourguignon était jugé par la loi des Bourguignons, et le cas ne se trouvât que dans le texte de cette loi, il ne faut

pas

pas douter que l'on ne jugeât

suivant la coutume du lieu.

:

Du temps du roi Pepin, les coutumes qui s'étaient formées avaient moins de forces que les lois mais bientôt les coutumes détruisirent les lois; et, comme les nouveaux réglemens sont toujours des remèdes qui indiquent un mal présent, on peut croire que du temps de Pepin on commençait déjà à préférer les coutumes aux lois.

Ce que j'ai dit explique comment le droit romain commença dès les premiers temps à devenir une loi territoriale, comme on le voit dans l'édit de Pistes, et comment la loi gothe ne laissa pas d'y être encore en usage, comme il paraît par le synode de Troyes (a) dont j'ai parlé. La loi (a) Voyez ci-devant le chap. v.

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