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CHAPITRE X.

Dans quel cas il faut suivre la loi civile qui permet, et non pas la loi de la religion qui défend.

Lorsqu'une religion qui défend la polygamie s'introduit dans un pays où elle est permise, on ne croit pas, à ne parler que politiquement, que la loi du pays doive souffrir qu'un homme qui a plusieurs femmes embrasse cette religion, à moins que le magistrat ou le mari ne les dédommagent en leur rendant de quelque manière leur état civil, sans cela leur condition serait déplorable; elles n'auraient fait qu'obéir aux lois, et elles se trouveraient privées des plus grands avantages de la société.

CHAPITRE XI.

Qu'il ne faut point régler les tribunaux humains parles marioves des tribunaux qui regardent l'autre vie

les

Le tribunal de l'inquisition, formé par `moines chrétiens sur l'idée du tribunal de la pénitence, est contraire à toute bonne police. Il a trouvé partout un soulèvement général; et il aurait cédé aux contradictions, si ceux qui voulaient

l'établir n'avaient tiré avantage de ces contradictions mêmes.

Ce tribunal est insupportable dans tous les gouvernemens. Dans la monarchie il ne peut faire que des délateurs et des traîtres; dans les républiques, il ne peut former que des malhonnêtes gens; dans l'état despotique, il est destructeur comme lui.

CHAPITRE XII.

Continuation du même sujet.

C'est un des abus de ce tribunal, que, de deux personnes qui sont accusées du même crime, celle qui nie est condamnée à la mort, et celle qui avoue évite le supplice. Ceci est tiré des idées monastiques, où celui qui nie paraît être dans l'impénitence et damné, et celui qui avoue semble être dans le repentir et sauvé. Mais une pareille distinction ne peut concerner les tribunaux humains: la justice humaine, qui ne voit que les actions, n'a qu'un pacte avec les hommes, qui est celui de l'innocence : la justice divine, qui voit les pensées, en a deux, celui de l'innocence et celui du repentir.

CHAPITRE XIII.

Dans quel cas il faut suivre, à l'égard des mariages, les lois de la religion; et dans quel cas il faut suivre les lois civiles.

Il est arrivé dans tous les pays et dans tous les temps que la religion s'est mêlée des mariages. Dès que de certaines choses ont été regardées comme impures ou illicites, et que cependant elles étaient nécessaires, il a bien fallu y appeler la religion pour les légitimer dans un cas, et les réprouver dans les autres.

D'un autre côté, les mariages étant de toutes les actions humaines celle qui intéresse le plus la société, il a bien fallu qu'ils fussent réglés par les lois civiles.

Tout ce qui regarde le caractère du mariage, sa forme, la manière de le contracter, la fécondité qu'il procure, qui a fait comprendre à tous les peuples qu'il était l'objet d'une bénédiction particulière qui, n'y étant pas toujours attachée, dépendait de certaines grâces supérieures; tout cela est du ressort de la religion.

Les conséquences de cette union par rapport aux biens, les avantages réciproques, tout ce qui a du rapport à la famille nouvelle, à celle dont elle est sortie, à celle qui doit naître; tout cela regarde les lois civiles.

Comme un des grands objets du mariage est

d'ôter toutes les incertitudes des conjonctions illégitimes, la religion y imprime son caractère, et les lois civiles y joignent le leur, afin qu'il ait toute l'authenticité possible. Ainsi, outre les conditions demande la religion pour que le maque riage soit valide, les lois civiles en peuvent encore exiger d'autres.

que

Ce qui fait les lois civiles ont ce pouvoir, c'est que ce sont des caractères ajoutés, et non pas des caractères contradictoires. La loi de la religion veut de certaines cérémonies, et les lois civiles veulent le consentement des pères; elles demandent en cela quelque chose de plus, mais elles ne demandent rien qui soit contraire.

Il suit de là que c'est à la loi de la religion à décider si le lien sera indissoluble ou non; car sides lois de la religion avaient établi le lien indissoluble, et que les lois civiles eussent réglé qu'il se peut rompre, ce seraient deux choses contradictoires.

Quelquefois les caractères imprimés au mariage par les lois civiles ne sont pas d'une absolue nécessité; tels sont ceux qui sont établis par les lois qui, au lieu de casser le mariage, se sont contentées de punir ceux qui le contractaient.

Chez les Romains les lois pappiennes déclarèrent injustes les mariages qu'elles prohibaient, et les soumirent seulement à des peines (a); et le sé

(a) Voyez ce que j'ai dit ci-dessus au chap. XXI du livre des lois, dans le rapport qu'elles ont avec le nombre des habitans

natus-consulte rendu sur le discours de l'empereur Marc-Antonin les déclara quls; il n'y eut plus (a) de mariage, de femme, de dot, de mari. La loi civile se détermine selon les circonstances; quelquefois elle est plus attentive à réparer le mal, quelquefois à le prévenir.

CHAPITRE XIV.

Dans quels cas, dans les mariages entre parens, on doit se régler par les lois de la nature; dans quels cas on doit se régler par les lois civiles.

En fait de prohibition de mariage entre parens, c'est une chose très-délicate de bien poser le point auquel les lois de la nature s'arrêtent, et où les lois civiles commencent. Pour cela il faut établir des principes.

Le mariage du fils avec la mère confond l'état des choses: le fils doit un respect sans bornes à sa mère, la femme doit un respect sans bornes à son mari; le mariage d'une mère avec son fils renverserait dans l'un et dans l'autre leur état naturel.

Il y a plus la nature a avancé dans les femmes le temps où elles peuvent avoir des enfans;

(a) Voyez la loi XVI, ff, DE RITU NUPTIARUM ; et la loi III, SI. aussi au Digeste, DE DONATIONIBUS INTER VIRUM ET UXO

REM.

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