Page images
PDF
EPUB

sent continuellement : il y a donc chez eux moins de danses, de musique et de festins; et une religion qui s'établirait chez ces peuples devrait avoir égard à cela dans l'institution des fêtes.

CHAPITRE XXIV.

Des lois de religion locales.

Il y a beaucoup de lois locales dans les diverses religions. Et quand Montésuma s'obstinait tant à dire que la religion des Espagnols était bonne pour leur pays et celle du Mexique pour le sien, il ne disait pas une absurdité, parce qu'en effet les législateurs n'ont pu s'empêcher d'avoir égard à ce que la nature avait établi avant eux.

L'opinion de la métempsycose est faite pour le climat des Indes. L'excessive chaleur brûle (a) toutes les campagnes; on n'y peut nourrir que très-peu de bétail; on est toujours en danger d'en manquer pour le labourage; les boeufs ne s'y multiplient (b) que médiocrement; ils sont sujets à beaucoup de maladies : une loi de religion qui les conserve est donc très-convenable à la police du pays.

Pendant que les prairies sont brûlées, le riz et les légumes y croissent heureusement par les (a) Voyage de Bernier, tome JI, P. 137. (b) Lettres édifiantes, douzième recueil, P. 95.

eaux qu'on y peut employer: une loi de religion qui ne permet que cette nourriture est donc trèsutile aux hommes dans ces climats.

de goût,

La chair (a) des bestiaux n'y a pas et le lait et le beurre qu'ils en tirent fait une partie de leur subsistance : la loi qui défend de manger et de tuer des vaches n'est donc pas dérai

sonnable aux Indes.

Athènes avait dans son sein une multitude innombrable de peuple; son territoire était stérile : ce fut une maxime religieuse, que ceux qui offraient aux dieux de certains petits présens les honoraient (b) plus que ceux qui immolaient des bœufs.

CHAPITRE XXV.

Inconvénient du transport d'une religion d'un pays à un autre.

Il suit de là qu'il y a très-souvent beaucoup d'inconvéniens à transporter une religion (c) d'un dans un autre.

pays

« Le cochon, dit (d) M. de Boulainvilliers,

(a) Voyage de Bernier, tome II, p. 137.

(b) Euripide dans Athénée, liv. II, p. 40.

(c) On ne parle point ici de la religion chrétienne, parce que, comme on a dit au liv. XXIV, ch. I, à la fin, la religion chré¬ tienne est le premier bien.

(d) Vie de Mahomet.

doit être très-rare en Arabie, où il u'y à presque point de bois, et presque rien de propre à la nourriture de ces animaux; d'ailleurs la salure des eaux et des alimens rend le peuple très-susceptible des maladies de la peau. » La loi locale qui le défend ne saurait être bonne pour d'autres (a) pays, où le cochon est une nourriture presqne universelle, et en quelque façon nécessaire.

Je ferai ici une réflexion. Sanctorius a observé

que la chair de cochon que l'on mange se transpire (b) peu, et que même cette nourriture empêche beaucoup la transpiration des autres alimens : il a trouvé que la diminution allait à un tiers. On sait d'ailleurs que le défaut de transpiration forme ou aigrit les maladies de la peau : la nourriture du cochon doit donc être défendue dans les climats où l'on est sujet à ces maladies, comme celui de la Palestine, de l'Arabie, de l'Égypte et de la Libye.

CHAPITRE XXVI.

Continuation du même sujet.

M. Chardin (c) dit qu'il n'y a point de fleuve navigable en Perse, si ce n'est le fleuve Kur,

(a) Comme à la Chine.

(b) Médec. statiq. sect. III, aphor. 22. (c) Voyage de Perse, tome II.

qui est aux extrémités de l'empire. L'ancienne loi des guèbres, qui défendait de naviguer sur les fleuves, n'avait donc aucun inconvénient dans leur pays; mais elle aurait ruiné le commerce dans un autre.

Les continuelles lotions sont très en usage dans les climats chauds : cela fait que la loi mahométane et la religion indienne les ordonnent. C'est un acte très-méritoire aux Indes de prier (a) Dieu dans l'eau courante; mais comment exécuter ces choses dans d'autres climats ?

Lorsque la religion, fondée sur le climat, a trop choqué le climat d'un autre pays, elle n'a pu s'y établir; et quand on l'y a introduite, elle en a été chassée. Il semble, humainement parlant, que ce soit le climat qui a prescrit des bornes à la religion chrétienne et à la religion

mahométane.

Il suit de là qu'il est presque toujours convenable qu'une religion ait des dogmes particuliers et un culte général. Dans les lois qui concernent les pratiques de culte, il faut peu de détails; par exemple, des mortifications, et non pas une certaine mortification. Le christianisme est plein de bon sens : l'abstinence est de droit divin; mais une abstinence particulière est de droit de police, et on peut la changer.

(a) Voyage de Bernier, tome II.

LIVRE VINGT-CINQUIÈME.

DES LOIS, DANS LE RAPPORT QU'ELLES ONT AVEC
L'ÉTABLISSEMENT DE LA RELIGION DE CHAQUE
PAYS, ET SA Police extérieure.

CHAPITRE PREMIER.

Du sentiment pour la religion.

L'homme pieux et l'athée parlent toujours de religion; l'un parle de ce qu'il aime, et l'autre de ce qu'il craint.

CHAPITRE II.

Du motif d'attachement pour les diverses religions.

Les diverses religions du monde ne donnent pas à ceux qui les professent des motifs égaux d'attachement pour elles : cela dépend beaucoup de la manière dont elles se concilient avec la faCon de penser et de sentir des hommes.

Nous sommes extrêmement portés à l'idolâtrie, et cependant nous ne sommes pas fort attachés aux religions idolâtres; nous ne sommes guère portés aux idées spirituelles, et cependant nous

« PreviousContinue »