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ZA MIS.

Tout lui cede. Aux portes du palais

Les mutins poursuivoient leurs criminels projets ; Leurs coups portoient par tout la mort inévitable; Irene.... j'en frémis! Irene, inébranlable, Porte à travers le fer ses pas précipités ; Et méprisant la mort : « Perfides! arrêtez, « Dit-elle: des chrétiens épargnez l'innocence; « Tournez contre moi seule une juste vengeance: « C'est moi qui vous ravis un vainqueur glorieux; Frappez! trempez vos mains dans un sang odieux»! A peine elle a parlé, son aimable présence

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Met la discorde aux fers, et bannit la licence;
Eperdus, consternés, tremblans à ses genoux,
Ils cedent en silence à des charmes si doux.
THÉODORE, à part.

Ciel! je t'offre ma mort; mon cœur n'a plus d'alarmes....
Je vois Nassi... Grand Dieu! que m'annoncent ses larmes

SCENE IX.

THÉODORE, NASSI, ZAMIS, GRECS.

NASSI, à Théodore.

Venez, seigneur, venez; sortons de ce palais.

THÉODORE.

Je tremble....

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Irene triomphante

Contemploit à ses pieds l'armée obéissante:
Mahomet a paru; les chefs et les soldats
D'Irene leurs cris célebrent les appas.

par

Il s'arrête, il admire, il soupire, il s'avance:
Aux cris tumultueux succede un long silence;
Il marche.... dans ses yeux sont la rage et les pleurs:
« Le voilà cet objet proscrit par vos fureurs,
<< A-t-il dit; cet objet à qui la vertu même

« Auroit du monde entier cédé le diadême!
« Vous étiez trop heureux sous un regne si doux;
<< Je vous vois maintenant trembler à ses genoux,
<< Traîtres! iln'est plus tems.... Pleurez sursa mémoire;
<< Vous la perdez, cruels! je l'immole à magloire.
Ah! seigneur, furieux, il saisit un poignard,
Il jette sur Irene un funeste regard,

La frappe.... Pardonnez à ma douleur mortelle,
Le sang
coule: déja la victime chancelle;
Elle tombe; ses yeux se tournent vers le ciel,
Et son cœur expirant pardonne au criminel.

THEODORE.

Grand Dieu, dont le courroux éclate sur Byzance, Que sa mort et la mienne appaisent ta vengeance!

FIN DE MAHOMET SECOND.

EXAMEN

DE MAHOMET SECOND.

LA NOUE semble insinuer dans la préface de cette piece que les tragédies où un personnage auquel tous les autres sont sacrifiés domine et fixe seul l'attention du spectateur, sont préférables à celles où deux ou trois grands caracteres sont dessinés et forment des contrastes sans détruire l'unité d'intérêt ; du moins prétend-il que l'exécution en est beaucoup plus difficile. C'est une question qu'il paroît utile de discuter sommairement dans l'examen d'une piece qui offre toutes les ressources que l'on peut tirer du développement d'un seul caractere, et en même tems quelques uns des défauts qui résultent nécessairement de cette combinaison.

Au premier coup-d'œil il semble que dans une tragédie l'emploi de plusieurs personnages secondaires uniquement destinés à faire ressortir le caractere d'un héros, est une idée plus simple et plus facile à réaliser que celle de placer à côté de ce héros des caracteres tranchans et prononcés qui peuvent partager l'attention du spectateur. On se tromperoit en adoptant entièrement cette opinion. Si pour répandre quelque jour sur une question littéraire il est permis de rapprocher un moment un objet important et grave d'un objet de pur agrément, on pourroit comparer la com

binaison dramatique dont nous venons de parler à celle d'un gouvernement dans lequel aucun corps de l'état, aucune puissance intermédiaire ne balancent l'autorité d'un monarque absolu. Si le monarque a des défauts essentiels, l'état tombe dans le plus affreux désordre, ou gémit sous le poids du despotisme; si au contraire il est doué de grandes qualités, l'action du gouvernement est plus rapide et plus directe, et l'on bénit cette autorité bienfaisante et sans limites, quoique l'on reconnoisse que le systême de la monarchie tempérée est préférable. Il en est de même du genre de tragédie où tout est sacrifié à un seul personnage. La premiere conception de l'auteur a-t-elle été heureuse? la marche de sa piece ne sera entravée par aucun incident inutile; il ira au but sans être obligé de débrouiller une intrigue pénible. A-t-il moins bien choisi son sujet? tout alors contribuera à en faire ressortir les défauts; il n'aura point la ressource des contrastes, des ressorts ingénieux qui sauvent les invraisemblances, et des épisodes intéressans, qui couvrent quelquefois l'irrégularité ou la froideur d'une fable dramatique.

Tous nos grands poëtes tragiques ont paru pencher pour le genre de tragédie où plusieurs caracteres sont opposés l'un à l'autre : Corneille et Racine sur-tout n'ont jamais fait de pieces dans lesquelles un seul personnage domine; Nicomede pourroit seul être excepté, si le caractere de Flaminius ne formoit le plus beau contraste avec celui du héros. La Noue lui-même, qui paroît professer une doctrine contraire, a opposé au farouche Mahomet l'aga des janissaires, personnage

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