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SECOND,

TRAGÉDIE.

ACTE PREMIER.

SCENE PREMIERE.

LE VISIR, ACHMET.

LE VISIR.

ENFIN, selon mes voeux, guidé par sa captive,
Ami, c'est en ce jour que Mahomet arrive:
D'un triomphe pompeux l'appareil imposant
Hors de ces murs encor le retient dans son camp;
Ministre sans éclat d'une odieuse fête,
Il veut qu'ici par moi son triomphe s'apprête...
Ah! loin d'y préparer un trône à son orgueil,
Cher Achmet, que ne puis je y creuser son cercueil!
Que ne puis-je flétrir ses lauriers et sa gloire !

Mais il faut à pas lents marcher vers la victoire.
Du voile de la feinte entourons nos projets ;
La prudence peut seule assurer leurs succès.

ACHMET.

De quels succès encor se flatte votre haine?
Mahomet sait gagner les peuples qu'il enchaîne ;
Les bienfaits dans ces lieux annoncent son retour:
Il y sema l'horreur, il recueille l'amour.

Il saccagea Byzance en vainqueur implacable;
Il revient y régner en monarque équitable:
Il a parlé; les Grecs ont vu tomber leurs fers;
De ses graces sur eux les trésors sont ouverts.
Vous l'avez vu cruel, vous voyez sa clémence:
Imitez-le, visir, bannissez la vengeance.

LE VISIR.

Ainsi donc un tyran, dans ses brûlans accès,
Osera se livrer aux plus cruels excès,

Entre les mains du crime il mettra son tonnerre,
De larmes, de douleurs il couvrira la terre,
Et d'un regard plus doux s'il veut les honorer,
Les vils mortels seront contraints à l'adorer?
Rien ne peut de mon cœur refermer la blessure;
Le cruel m'a forcé d'outrager la nature !...
Ah! souvenir affreux dont encor je frémis!
Ses ordres m'ont contraint à massacrer mon fils....
Il voulut son trépas, injuste ou légitime:
Mais mon bras ne dut point immoler la victime;
Je frappa..... C'en est fait; ami, laissons les pleurs,

Soulagement obscur des vulgaires douleurs.
Mahomet, je le sais, n'est point toujours barbare;
De vices, de vertus, assemblage bizarre,
Entraîné par l'essor où son cœur s'est livré,
Il porte l'un ou l'autre au suprême degré;
Monstre de cruauté, prodige de clémence,
Héros dans ses bienfaits, tyran dans sa vengeance,
A ses transports fougueux rien ne peut s'opposer;
Et dans le seul excès il sait se reposer.

Je ne me flatte point; je le connois ce maître,
Que ma haine menace, et qu'elle craint peut-être.
Tranquille maintenant, l'amour qui le séduit
Suspend son caractere, et ne l'a point détruit ;
Mais plus pour la vertu son cœur a de constance,
Et bientôt plus le crime obtiendra de puissance.
De moment en moment il peut se réveiller;
Et tandis qu'il sommeille il le faut accabler.
Dès long-tems mes complots préparent sa ruine :
J'ai banni de son camp l'austere discipline,
Des chefs et des soldats j'ai corrompu les cœurs,
Sur les plus factieux j'ai versé les faveurs;
A la fidélité réservant la disgrace,

Mon adroite indulgence a caressé l'audace:
Aux bruits semés par moi de ses lâches amours
Le murmure a passé dans leurs libres discours
Et saisissant enfin l'espoir que j'ai vu luire,
Du murmure au mépris je les ai su conduire.
C'est ainsi que, semant la feinte et les détours,

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