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DIDON,

TRAGÉDIE

DE LE FRANC DE POMPIGNAN,

Représentée pour la premiere fois
le 21 juin 1734.

NOTICE

SUR LE FRANC DE POMPIGNAN.

JEAN-JACQUES LE FRANC, marquis de Pompignan, naquit à Montauban le 10 août 1709. Destiné aux premieres places de la magistrature, l'amour des lettres ne lui fit pas négliger des études plus sérieuses. Doué d'un esprit sage et d'une grande aptitude au travail, il sut concilier avec les occupations de son état celles qui devoient le conduire à une connoissance approfondie de la littérature ancienne. Loin d'imiter la plus grande partie des poëtes de son tems, qui méprisoient les ressources de l'érudition, et qui, dans leurs productions prématurées, n'annonçoient trop souvent que la plus ridicule ignorance, M. Le Franc sentit, comme les grands poëtes du siecle de Louis XIV, qu'il est nécessaire, avant d'exercer son talent, d'avoir acquis un fonds riche et bien choisi de connoissances variées.

En 1734 il vint à Paris pour faire représenter

sa tragédie de Didon. Cette piece eut un grand succès. L'auteur, qui n'avoit que vingt-cinq ans, donnoit les plus belles espérances; une versification douce et élégante, quelques idées très dramatiques, annonçoient un poëte tragique qui pourroit balancer dans la suite les triomphes qu'obtenoit alors M. de Voltaire. Personne ne parut s'élever contre le jugement du public. L'auteur, que les suffrages de la capitale auroient pu enivrer, ne se laissa point éblouir par les louanges qui lui furent prodiguées; il revint dans sa patrie pour remplir les devoirs de sa place. Il paroît que les philosophes, qui à cette époque cherchoient à entraîner dans leur parti tous les hommes qui avoient un talent distingué, firent des efforts pour associer à leur sécte le jeune magistrat; c'est du moins à ce motif que l'on peut attribuer les témoignages d'amitié que lui donna M. de Voltaire: «< Avec quel homme de <«<lettres, lui écrivoit-il en 1738, aurois-je donc « voulu être uni, sinon avec vous, monsieur, qui joignez un goût si à un talent si marqué? pur

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« Je sais que vous êtes non seulement homme de

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« lettres, mais un excellent citoyen, un ami ten«<dre: il manque à mon bonheur d'être aimé

« d'un homme comme vous. »

Pouvoit-on présumer qu'après une telle lettre M. de Voltaire se livreroit contre l'auteur de Didon à toute la rage de la haine et du dénigrement? Il paroît que la premiere cause de leur refroidissement fut un sujet de tragédie que l'un et l'autre avoit traité. M. de Voltaire n'eut pas de peine à l'emporter au tribunal des comédiens sur un rival moins actif que lui: M. Le Franc retira sa piece, et renonça pour toujours au théâtre.

Les divisions qui régnoient entre les cours souveraines et le ministere inspirerent à M. Le Franc du dégoût pour son état. Il venoit d'épouser une femme très riche; le desir de l'indépendance, celui de cultiver la société des gens de lettres, le porterent à se fixer à Paris, où il pouvoit vivre avec un certain éclat. Il étoit loin de prévoir les orages qui l'attendoient, et qui devoient lui être suscités par ces mêmes hommes dont il vouloit se rapprocher, M, Le Franc n'éprouva d'abord

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